Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme L===== a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre de l’année 2015 à raison de la plus-value réalisée lors de la vente de parts d’une société civile immobilière.

Par un jugement n° 1600201 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2017, Mme L====, représentée par Me Msika, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 1er décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie ;

3°) de condamner l’État à lui verser les intérêts moratoires prévus par l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Mme L======, qui réside en Nouvelle-Calédonie, a cédé, le 28 août 2015, 1 274 parts d’une société civile immobilière (SCI) dont le siège est situé à Ascain (Pyrénées-Atlantiques) et a réalisé à cette occasion une plus-value de 66 592 euros. Elle a acquitté à ce titre des cotisations d’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Elle relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces prélèvements sociaux.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. En vertu du I de l’article 164 B du code général des impôts, les plus-values afférentes à des immeubles situés en France, à des droits relatifs à de tels immeubles ou à des titres de sociétés immobilières réalisées par des personnes non domiciliées fiscalement en France sont considérées comme des revenus de source française et soumises à un prélèvement. L’article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, dispose ainsi : « I.-1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis (…) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B (…) ».

3. Mme L======= est fiscalement domiciliée en Nouvelle-Calédonie. La plus-value réalisée à l’occasion de la cession de parts sociales qu’elle détenait dans une société civile immobilière, qui doit être regardée comme un produit de placement et non comme un revenu du patrimoine ainsi que l’a estimé le tribunal, a été soumise à la contribution sociale généralisée prévue à l’article 1600-0 D du code général des impôts, renvoyant à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale et notamment au I bis de cet article, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue à l’article 1600-0 H du même code, au prélèvement social prévu par l’article 1600-0 F bis du même code renvoyant à l’article L. 245-15 du code de la sécurité sociale, à la contribution additionnelle prévue au 2° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et au prélèvement de solidarité prévu par l’article 1600-0 S du code général des impôts.



4. Aux termes de l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « (…) Les pays et territoires d'outre-mer dont la liste figure à l'annexe II font l'objet du régime spécial d'association défini dans la quatrième partie (…) ». La Nouvelle-Calédonie figure à l’annexe II du traité.

5. En premier lieu, aux termes de l’article 202 du TFUE figurant à la quatrième partie du traité : « Sous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l'ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des décisions d’association adoptées conformément à l'article 203 ».

6. Toutefois, ainsi que cela résulte notamment de la décision 2013/755/UE du Conseil du 25 novembre 2013 relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, applicable au litige, aucune décision n’est intervenue en application de l’article 202 du TFUE.

7. Il en résulte que Mme L=======, qui réside en Nouvelle-Calédonie et qui est affiliée à une caisse d'assurance sociale de Nouvelle-Calédonie, ne peut invoquer le bénéfice des dispositions du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil pris en application de l'article 42 du traité instituant la communauté européenne, devenu l’article 48 du TFUE, dont l'application n'a pas été étendue dans les pays et territoires d’outre-mer et qui ne régissent pas sa situation personnelle.

8. Ainsi, la requérante, pour demander la décharge des contributions en litige, ne saurait utilement se prévaloir du principe d'unicité de législation tel qu'il résulte de l’article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de son arrêt du 26 février 2015, ministre de l’économie et des finances contre Gérard de Ruyter (C-623/13) portant sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 mais transposable à l’interprétation du règlement du 29 avril 2004, quand bien même certaines de ces contributions qui participent au financement de régimes obligatoires métropolitains présentent un lien direct et pertinent avec certaines branches de sécurité sociale énumérées à l'article 3 de ce dernier règlement.

9. En deuxième lieu, aux termes de l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites (…) ». Aux termes de l’article 65 du même traité : « 1. L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (…) / 2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec les traités (…) ».

10. Il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 5 mai 2011, Prunus SARL et Polonium SA c/ directeur des services fiscaux (C-384/09, notamment pt 31), que les pays et territoires d’outre-mer (PTOM), au sens de l’article 355 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, telle que la Nouvelle-Calédonie, bénéficient de la libéralisation des mouvements de capitaux prévue à l’article 63 du même traité « en leur qualité d’États tiers » . Toutefois, il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin c/ Ministre de l’économie et des finances, ministre des affaires sociales et de la santé (C-45/17), que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’opposent pas à la législation d’un État membre en vertu de laquelle un ressortissant de cet État membre, qui réside dans un État tiers autre qu’un État membre de l’Espace économique européen (EEE) ou la Confédération suisse, et qui y est affilié à un régime de sécurité sociale, est soumis, dans ledit État membre, à des prélèvements sur les revenus de placement au titre d’une cotisation au régime de sécurité sociale instauré par celui-ci, alors qu’un ressortissant de l’Union relevant d’un régime de sécurité sociale d’un autre État membre en est exonéré en raison du principe de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale en vertu de l’article 11 du règlement (CE) n° 883/2004.

11. Si, en effet, les dispositions fiscales en litige imposent une restriction à la libre circulation des capitaux entre la Nouvelle-Calédonie et la France métropolitaine en instituant des prélèvements sur des produits de placement de source métropolitaine à des contribuables domiciliés hors de France au sens du droit fiscal français, celle-ci est justifiée au regard du a) du paragraphe 1 de l’article 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne par la différence objective de situation qui existe entre la requérante, résidant dans ce PTOM, qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale et qui n’a pas fait usage de la liberté de circulation au sein de l’Union, et un ressortissant d’un État membre résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre. Mme L====== ne peut donc se prévaloir d’une restriction à la libre circulation des capitaux interdite par les stipulations du TFUE qui ferait obstacle aux prélèvements en litige.

12. En troisième lieu, aux termes de l’article 3 de l’accord portant coordination des régimes métropolitains et calédoniens de sécurité sociale, approuvé par décret n° 2002-1371 du 19 novembre 2002 : « Égalité de traitement : Les personnes visées à l'article 1er du présent accord, assurées en application d'une législation ou réglementation métropolitaine ou calédonienne de sécurité sociale mentionnée à l'article 2 dudit accord, ainsi que leurs ayants droit, bénéficient de l'égalité de traitement pour l'application de la législation ou réglementation en vigueur dans chacun des deux territoires dès lors qu'ils y résident, et ce quelle que soit leur nationalité ». Aux termes de l’article 4 du même accord : « Détermination de la législation applicable : principe général et dérogations : 1. Les travailleurs exerçant leur activité en France métropolitaine ou dans les départements d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie sont soumis respectivement aux régimes de sécurité sociale applicables en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie (…) ».

13. Ainsi qu’il a été dit au point 7, Mme L====== est exclusivement affiliée à une caisse d'assurance sociale de Nouvelle-Calédonie. La circonstance que, pour l’application du principe d’unicité d’affiliation à une législation de sécurité sociale garanti par le règlement (CE) n° 883/2004, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les prélèvements fiscaux établis par un État membre et contribuant au financement des régimes de sécurité sociale de cet État membre présentent un lien direct avec ces régime de sécurité sociale, est sans incidence sur la qualification des prélèvements en litige au regard de l’accord entre la France et la Nouvelle-Calédonie dans une situation telle que celle de la requérante qui ne relève pas du règlement européen, ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Par conséquent, le fait que Mme L====== se soit vu imposer ces prélèvements ne suffit pas à la faire regarder comme affiliée à un régime de sécurité sociale applicable en France métropolitaine. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du principe d’unicité d’affiliation stipulé par l’accord entre la France et la Nouvelle-Calédonie pour obtenir la décharge des contributions en litige.

14. Enfin, en l’absence, tant devant le tribunal administratif qu’en appel, de litige né et actuel relatif à un refus de paiement des intérêts moratoires dus au contribuable au titre de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, les conclusions de Mme L====== tendant au paiement de ces intérêts sont sans objet et, par suite, irrecevables.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme L====== n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme L===== au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme L=========== est rejetée.