ETRANGERS - Existence d’une décision implicite fixant le pays de renvoi - Eloignement d’un étranger à destination d’un pays dans lequel il n’est pas légalement admissible
Par Cindy le lundi 11 mai 2015, 15:10 - ETRANGERS - Lien permanent
L’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énumère les pays à destination desquels un étranger qui est obligé de quitter le territoire français peut être éloigné. L’éloignement forcé du territoire français vers un pays étranger d’une personne faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français peut révéler, en l’absence de décision expresse désignant ce pays comme pays de renvoi, l’existence d’une décision implicite le fixant comme tel. Méconnaît les dispositions de l’article du L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet qui prend la décision d’éloigner du territoire français un étranger vers un pays qui n’est pas son pays d’origine, qui ne lui a délivré aucun document de voyage en cours de validité et où il n’est pas établi qu’il y serait légalement admissible.
Arrêt 14BX03064 – 6ème chambre – 11 mai 2015 – M. Y===
Vu la requête enregistrée le 3 novembre 2014, présentée pour M. Xin Jun Y==, demeurant 59 lotissement les Grenadilles à Remire Montjoly (97354), par Me Monget-Sarrail ;
M. Y== demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301209 du 25 septembre 2014 du tribunal administratif de Cayenne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Guyane fixant le Suriname comme pays de renvoi ;
2°) d'annuler la décision du 27 novembre 2013 portant obligation de quitter le territoire français et la décision du 2 décembre 2013 fixant le Suriname comme pays de renvoi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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1. Considérant que M. Y==, ressortissant chinois, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations en janvier 2006 ; que par arrêté du 25 septembre 2013, le préfet de la Guyane a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; qu’à la suite de son interpellation le 27 novembre 2013, le préfet de la Guyane a pris à son encontre, le même jour, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d’origine ainsi qu’un arrêté le plaçant en rétention administrative ; qu’il est constant qu’il a été éloigné le 2 décembre 2013 à destination du Suriname ; que M. Y== fait appel du jugement du 25 septembre 2014 du tribunal administratif de Cayenne qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Guyane fixant le Suriname comme pays de renvoi ;
Sur le désistement partiel :
2. Considérant que M. Y== a demandé pour la première fois en appel l’annulation de la décision du 27 novembre 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, par un mémoire enregistré le 1er avril 2015, le requérant a déclaré se désister purement et simplement de ces conclusions ; que rien ne fait obstacle à ce qu’il soit donné acte au requérant de ce désistement ;
Sur la légalité de la décision implicite fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement :
3. Considérant que M. Y== soutient qu’une décision implicite fixant le Suriname comme pays à destination duquel l’obligation de quitter le territoire français du 27 novembre 2013 a été exécutée a été prise par le préfet ; que le requérant, qui produit à cet effet un document sur lequel figure une liste de dix-neuf ressortissants étrangers, dont lui-même, retenus au centre de rétention administrative de Cayenne en novembre 2013, et sur lequel est également mentionnée une date fixée au 2 décembre 2013 à 8h00, fait valoir sans être contredit qu’il a été éloigné le 2 décembre 2013 vers Saint-Laurent du Maroni et « déposé » dans la journée sur la rive surinamaise du fleuve Maroni, à Albina ; que dans ses écritures produites devant le tribunal administratif de Cayenne, le préfet de Cayenne reconnaît que M. Y== a été « acheminé à Saint-Laurent-du-Maroni pour une traversée vers Albina », et qu’il se trouve depuis en dehors du territoire français ; que l’exécution de cette mesure d’éloignement révèle, comme le fait valoir le requérant, l’existence d’une décision implicite fixant le Suriname comme pays de renvoi ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 513-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. (…) » ;
5. Considérant que M. Y== soutient qu’il ne dispose d’aucun droit à circuler ou à séjourner au Suriname dès lors qu’il ne dispose pas de document de voyage en cours de validité et qu’il n’est pas admissible dans ce pays ; que si M. Y== est en possession d’un passeport chinois délivré par l’ambassade populaire de Chine à Paramaribo (Suriname) le 17 avril 2010 et valable jusqu’au 16 avril 2020, cette circonstance n’est pas de nature, contrairement à ce que fait valoir le préfet en défense et à ce qu’a retenu le tribunal administratif de Cayenne, à faire regarder M. Y== comme disposant d’un droit d’entrer ou de séjourner au Suriname en décembre 2013 ; que dans ces conditions, en prenant la décision d’exécuter à destination du Suriname l’obligation pour M. Y== de quitter le territoire français, le préfet de la Guyane a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, M. Y== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande et à demander l’annulation de la décision implicite contestée ;
6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l’Etat au titre des frais exposés par M. Y== et non compris dans les dépens en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE
Article 1er : Il est donné acte à M. Y== de son désistement de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision du 27 novembre 2013 portant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Le jugement n° 1301209 du 25 septembre 2014 du tribunal administratif de Cayenne et la décision implicite fixant le Suriname comme pays de renvoi de M. Y== sont annulés.
Article 3 : L’Etat versera à M. Y== la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.