Divers régimes protecteurs de l'environnement. Produits chimiques et biocides
Par Administrateur le lundi 4 mai 2015, 12:44 - ENVIRONNEMENT - Lien permanent
Afin de lutter contre les cercosporioses jaune et noire, maladies foliaires des bananiers, le groupement de producteurs de bananes de la Guadeloupe a demandé une dérogation à l’interdiction d’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques La dérogation litigieuse, accordée pour une durée limitée de six mois, permet l’épandage de produits limitativement listés visant uniquement à lutter contre les cercosporioses jaune et noire dans les bananeraies situées sur le territoire de dix-huit communes de la Guadeloupe. L’article 9 de l’arrêté contesté prévoit que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques doit respecter les conditions d’emploi, en particulier en matière de dose par hectare, fréquence d’utilisation et respect des zones de traitement, prévues par la décision d’autorisation de mise sur le marché. Les articles 12 et suivants organisent un contrôle des prescriptions en matière d’application des produits, notamment en ce qui concerne leur dose et fréquence, par la direction départementale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt, avec transmission à cette dernière d’un bilan trimestriel, ainsi que des possibilités de sanction en cas de non-respect des prescriptions, pouvant conduire à une suspension immédiate par le préfet des opérations d’épandage. L’article 8 de l’arrêté prévoit l’embarquement à bord des aéronefs d’un système GPS permettant la coupure automatique de la pulvérisation dans les zones d’interdiction de traitement. Tenant compte de la situation sanitaire de la culture bananière et de la topographie montagneuse de l’île, l’arrêté, pour éviter tout risque de pollution par ruissellement des produits phytopharmaceutiques, impose l’équipement d’un système de buse antidérive sur les aéronefs chargés de l’épandage et une distance de sécurité de cinquante mètres faisant office de zone tampon d’absorption vis-à-vis de certains lieux tels que les habitations, les parcs d’élevages, les réserves naturelles ou les points d’eau.
Il s’ensuit que c’est à tort que le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé l’arrêté du 13 juillet 2012, modifié par arrêté du 15 octobre suivant, aux motifs que, d’une part, cet arrêté présentait un caractère général et quasi permanent ne répondant pas aux caractéristiques auxquelles doivent légalement satisfaire les autorisations dérogatoires, d’autre part, ne prenait pas en compte le risque lié aux particularités climatiques et géologiques des Antilles, résultant du ruissellement en zones de montagne exposées aux pluies tropicales
Arrêt 13BX00506 - 5ème chambre - 28 avril 2015 - MINISTRE DE L’AGRICULTURE, DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORET C/ASSOCIATION SOS ENVIRONNEMENT ET AUTRES
Cf : CAA Nantes 13NT00137 du 12 juin 2014 - C+
Vu le recours, enregistré le 15 février 2013 par télécopie et régularisé par courrier le 18 février 2013, présenté par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1200956/1, 1201064/8, 121065/1 du 10 décembre 2012 du tribunal administratif de Basse-Terre en tant qu’il a annulé, à la demande de l’association SOS environnement, l’association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles (L’ASFA), l’association des mateurs amicaux des z’oiseaux et de la nature aux Antilles (Amazona) et l’association Institut Régional d’Elevage, de Transformation et de Recherches Agricoles (IRETRA), l’arrêté du 13 juillet 2012 modifié par arrêté du 15 octobre 2012 par lesquels le préfet de la Guadeloupe a accordé à la société « Les producteurs de Guadeloupe » pour une durée de six mois une dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien de produits mentionnés à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2°) de rejeter les demandes de l’association SOS environnement et autres présentées devant le tribunal administratif de Basse-Terre ; …………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2009/128 du Parlement et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ;
Vu la charte de l’environnement ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l’arrêté du 12 septembre 2006 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits visés à l’article L. 253-1 du code rural ;
Vu l’arrêté du 31 mai 2011 relatif aux conditions d'épandage des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime par voie aérienne ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de Mme Béatrice Duvert, premier conseiller ; - et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un arrêté du 13 juillet 2012, le préfet de la Guadeloupe a autorisé la société « les producteurs de Guadeloupe » à déroger pendant six mois sur le territoire de dix-huit communes de la Guadeloupe à l’interdiction d’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques destinés à lutter contre les cercosporioses jaune et noire, dont les cultures de bananes antillaises sont susceptibles d’être atteintes ; que, par un arrêté du 15 octobre 2012, le préfet de la Guadeloupe a modifié l’arrêté susmentionné en retirant le « banole » de la liste des produits dont il avait autorisé l’épandage ; que saisi par l’association SOS environnement, l’association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles (L’ASFA), l’association des mateurs amicaux des z’oiseaux et de la nature aux Antilles (Amazona) et l’association Institut Régional d’Elevage, de Transformation et de Recherches Agricoles (IRETRA) de demandes tendant à l’annulation de l’arrêté du 13 juillet 2012 modifié par arrêté du 15 octobre 2012, ainsi que de la suspension de ce dernier arrêté, le tribunal administratif de Basse-Terre, dans un jugement du 10 décembre 2012, a décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de suspension et annulé les arrêtés litigieux ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé les arrêtés préfectoraux des 13 juillet et 15 octobre 2012 ;
Sur la recevabilité de l’appel de la société « les producteurs de Guadeloupe » :
2. Considérant que la société « les producteurs de Guadeloupe », défenderesse en première instance, avait qualité pour faire appel du jugement du 10 décembre 2012 ; que son mémoire, intitulé « mémoire en défense et requête en appel incident » doit, en tant qu’il conclut à l’annulation du jugement attaqué, être regardé non comme un appel incident mais comme un appel principal; qu'il ressort des pièces du dossier que cet appel n'a été enregistré au greffe de la cour que le 16 décembre 2013, soit après l'expiration du délai de deux mois ayant suivi la notification du jugement faite le 10 décembre 2012 à la société « les producteurs de Guadeloupe » ; que cet appel n'est, par suite, pas recevable ;
Sur le recours du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
3. Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la directive 2009/128/CE susvisée : « 1. Les États membres veillent à ce que la pulvérisation aérienne soit interdite. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, la pulvérisation aérienne ne peut être autorisée que dans des cas particuliers, sous réserve que les conditions ci-après sont remplies: a) il ne doit pas y avoir d’autre solution viable, ou la pulvérisation aérienne doit présenter des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides » ; que cet article a été transposé en droit interne par l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, aux termes duquel : « La pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite. / Par dérogation, lorsqu'un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d'autres moyens ou si ce type d'épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l'environnement par rapport à une application terrestre, la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques peut être autorisée par l'autorité administrative pour une durée limitée, conformément aux conditions fixées par voie réglementaire après avis du comité visé à l’article L. 251-3 » ;
4. Considérant qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé : « L'épandage de produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime par voie aérienne ne peut être autorisé que lorsque la hauteur des végétaux, la topographie (reliefs accidentés, fortes pentes), les enjeux pédologiques des zones à traiter (portance des sols), la réactivité ou la rapidité d'intervention sur des surfaces importantes ne permettent pas l'utilisation des matériels de pulvérisation terrestres. L'épandage de ces produits par voie aérienne peut également être autorisé s'il présente des avantages manifestes pour la santé ou pour l'environnement dûment justifiés par rapport à l'utilisation de matériels de pulvérisation terrestres. » ; qu’aux termes de l’article 12 de cet arrêté : « Les dérogations à l'interdiction de l'épandage aérien sont accordées par le préfet de département pour les cultures et dans les conditions particulières listées en annexe, conformément aux articles 2 et 11 à 13 du présent arrêté. » ; qu’aux termes de l’article 13 dudit arrêté : « Lorsque la dérogation porte sur les cultures et les organismes visés à l'annexe, elle peut être accordée pour une durée maximale de douze mois. » ; que l’article 14 de ce même arrêté dispose : « I. - Lorsque la demande de dérogation annuelle concerne les cultures et organismes nuisibles cités à l'annexe, elle est adressée par le demandeur au préfet de département avant le 31 mars de l'année en cours et comprend les pièces suivantes : / a) La culture visée ; / b) Le ou les organismes nuisibles visés ; c) Un bilan de la situation sanitaire de la culture vis-à-vis de ce ou de ces organismes nuisibles pour l'année culturale précédant la demande, la description de la situation prévisionnelle pour l'année de la demande et la description du dispositif mis en place pour raisonner la protection de la culture ; / d) Le programme prévisionnel d'application comprenant notamment la ou les périodes où se réaliseraient les épandages par voie aérienne, le type de produits phytopharmaceutiques et les quantités envisagés ; / e) La localisation précise, la topographie (relief, pente) et la description des éléments pédologiques des zones où sont envisagés les traitements par voie aérienne, en joignant toute cartographie ou document utile ; / f) Le descriptif de l'état végétatif et de la hauteur attendus des végétaux au moment des traitements ; / (…) » : qu’il est précisé en annexe dudit arrêté : « (…) / Des dérogations annuelles peuvent être accordées pour les cultures et les organismes nuisibles suivants : / (…) d) Banane : lutte contre les cercosporioses jaune et noire (Mycosphaerella musicola et Mycosphaerella fijiensis). » ;
5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de dérogation à l’interdiction d’épandage aérien déposée le 28 mars 2012 par le groupement de producteurs de bananes de la Guadeloupe visait à lutter contre les cercosporioses jaune et noire, maladies foliaires des bananiers, officiellement arrivées sur l’île le 24 janvier 2012 ; que la lutte contre ces pathologies, qui attaquent, quelle que soit leur variété, la feuille des bananiers entraînant, en l’absence de mesures, sa destruction totale, a été rendue obligatoire par un arrêté du préfet de la Guadeloupe du 6 avril 2006 ; que la demande du groupement de producteurs de bananes de la Guadeloupe fait état, en conformité avec les dispositions précitées de l’article 14 de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé, de la situation sanitaire de la culture touchée par une progression rapide du champignon, du programme prévisionnel de traitement évalué entre neuf et dix pulvérisations sur une année en fonction de l’évolution de l’impact de l’organisme pathogène sur le développement des bananiers, du type de produits employés, des quantités envisagées, de l’état du végétal bananier et de la localisation des applications, accompagnée d’une carte des communes concernées mettant en évidence leur relief et d’une étude du centre d'étude du machinisme agricole et du génie rural des eaux et forêts (CEMAGREF) sur la répartition des bananeraies guadeloupéennes en fonction des pentes, enfin des avantages estimés de l’épandage aérien sur une application terrestre ; que compte tenu de ce que la cercosporiose se développe essentiellement sur les plus hautes feuilles des bananiers situées à six ou sept mètres au-dessus du sol, un épandage aérien réalisé au moyen d’aéronefs équipés, ainsi qu’il est prévu dans la demande du 28 mars 2012 et repris aux articles 8 et 10 de l’arrêté contesté du 13 juillet 2012, d’un système GPS permettant la coupure automatique de la pulvérisation dans les zones d’interdiction de traitement et d’un système de buses « antidérive », présente des avantages pour l’environnement par rapport à un traitement manuel avec atomiseur à dos nécessairement inadapté à la localisation en hauteur du champignon ou à tout autre appareil terrestre actuellement disponible sur le marché et ne permettant pas, au regard de la topographie en pente des lieux, aux conditions pédoclimatiques et à l’implantation des rangs de bananiers dans les parcelles, une pulvérisation conforme, en terme de dosage et de dérives des produits, aux exigences environnementales ; que la dérogation litigieuse accordée porte sur un épandage aérien de produits phytopharmaceutiques limitativement listés visant uniquement à lutter contre les cercosporioses jaune et noire dans les bananeraies situées sur le territoire de dix-huit communes de la Guadeloupe, avec obligation de respecter une distance de sécurité de cinquante mètres par rapport à certains lieux tels que les habitations, les parcs d’élevages, les réserves naturelles ou les points d’eau ; que cette dérogation, qui est accordée pour une durée limitée de six mois, n’a pas pour effet alors même qu’une précédente dérogation de six mois a déjà été accordée par arrêté préfectoral du 10 janvier 2012, d’excéder la durée maximale de dérogation de douze mois fixée par l’article 13 précité de l’arrêté du 31 mai 2011 ; que l’article 9 de l’arrêté contesté prévoit que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques doit respecter les conditions d’emploi, en particulier en matière de dose par hectare, fréquence d’utilisation et respect des zones de traitement, prévues par la décision d’autorisation de mise sur le marché ; que les articles 12 et suivants organisent un contrôle des prescriptions en matière d’application des produits, notamment en ce qui concerne leur dose et fréquence, par la direction départementale de l’alimentation de l’agriculture et de la forêt, avec transmission à cette dernière d’un bilan trimestriel, ainsi que des possibilités de sanction en cas de non-respect des prescriptions, pouvant conduire à une suspension immédiate par le préfet des opérations d’épandage ; qu’il suit de là que c’est à tort que, pour annuler l’arrêté du 13 juillet 2012, et par voie de conséquence celui du 15 octobre suivant, le tribunal administratif de Basse-Terre a, en premier lieu, considéré que la dérogation accordée était entachée d’erreur de droit au motif qu’elle présentait un caractère général et quasi permanent ne répondant pas aux caractéristiques auxquelles doivent légalement satisfaire les autorisations dérogatoires ;
6. Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la directive 2009/128/CE susvisée : « 1. Les États membres font en sorte que des mesures appropriées soient adoptées pour protéger le milieu aquatique et l’alimentation en eau potable contre l’incidence des pesticides. (…) / 2. Les mesures prévues au paragraphe 1 consistent notamment : / (…) c) à utiliser des mesures d’atténuation qui réduisent le risque de pollution hors site par dérive, drainage et ruissellement. Ces mesures comprennent la mise en place de zones tampons de taille appropriée pour la protection des organismes aquatiques non cibles et de zones de sauvegarde pour les eaux de surface ou souterraines utilisées pour le captage d’eau potable, à l’intérieur desquelles l’application ou l’entreposage de pesticides sont interdits (…) » ; qu’aux termes de l’article 7 de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé : « (…) lors des épandages aériens l'opérateur doit respecter une distance minimale de sécurité de 50 mètres vis-à-vis des lieux suivants : / a) Habitations et jardins ; / b) Bâtiments et parcs où des animaux sont présents ; / c) Parcs d'élevage de gibier, parcs nationaux, ainsi que les réserves naturelles au titre respectivement des articles L. 331-1 à L. 331-25 et L. 332-1 à L. 332-27 du code de l'environnement. » qu’aux termes de l’article 8 du même arrêté : « (…), lors des épandages aériens, l'opérateur doit respecter une distance minimale de sécurité de 50 mètres vis-à-vis des lieux suivants : / a) Points d'eau consommable par l'homme et les animaux, périmètres de protection immédiate des captages pris en application de l'article L. 1321-2 du code de la santé publique ; / b) Bassins de pisciculture, conchyliculture, aquaculture et marais salants ; / c) Littoral des communes visées à l'article L. 321-2 du code de l'environnement, cours d'eau, canaux de navigation, d'irrigation et de drainage, lacs et étangs d'eau douce ou saumâtre. / (…) » ;
7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’après avoir relevé dans les motifs de l’arrêté du 13 juillet 2012 la particularité tenant à la situation en pente des parcelles de bananiers à traiter, le préfet de la Guadeloupe a rappelé qu’en vertu de l’arrêté du 12 septembre 2006 susvisé, quelle que soit l'évolution des conditions météorologiques durant l'utilisation des produits, des moyens appropriés doivent être mis en œuvre pour éviter leur entraînement hors de la parcelle ou de la zone traitée ; qu’à ce titre, pour éviter tout risque de pollution par ruissellement des produits phytopharmaceutiques, il ressort des pièces du dossier que le préfet, ayant eu à sa disposition un état de la situation sanitaire de la culture bananière et des éléments de topographie lui permettant d’apprécier exactement les risques de ruissellement, a pu imposer que, comme il est dit au point 5, les aéronefs chargés de l’épandage soient équipés d’un système de buse antidérive et qu’une distance de sécurité de cinquante mètres, dont il n’est pas établi qu’elle serait insuffisante pour faire office de zone tampon d’absorption, soit respectée vis-à-vis des lieux indiqués aux articles 7 et 8 précités de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé ; qu’ainsi le préfet de la Guadeloupe a fait une évaluation suffisante des risques liés aux particularités climatiques et topographiques de l’île, notamment des zones de montagne concernées par les opérations de l’épandage aérien autorisé et particulièrement exposées aux pluies tropicales nécessairement génératrices de forts ruissellements ; que si les associations SOS environnement et autres font valoir que le préfet n’a pas disposé d’un bilan des épandages antérieurs, un tel bilan, qui, en tout état de cause, n’est pas requis par les dispositions de l’arrêté du 31 mai 2011, ne pouvait lui être remis dès lors que la première dérogation était toujours en cours ; qu’il suit de là que c’est à tort que le tribunal administratif de Basse-Terre, pour annuler les arrêtés du 13 juillet et 15 octobre 2012, a également retenu que la dérogation accordée était entachée d’errer d’appréciation au motif que le préfet de la Guadeloupe n’aurait pas pris en compte le risque résultant du ruissellement en zones de montagne ;
8. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par les associations SOS environnement, L’ASFA, Amazona et l’IRETRA, tant devant le tribunal que devant la cour ;
En ce qui concerne la légalité des arrêtés du préfet de la Guadeloupe des 13 juillet et 15 octobre 2012 :
9. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 6 de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé : « A compter du 26 novembre 2011, les produits phytopharmaceutiques utilisés en épandage aérien doivent avoir fait l'objet d'une évaluation spécifique à cet usage conformément à la directive 2009/128/CE susvisée. » ;
10. Considérant que si les associations L’ASFA et autres ont fait valoir, dans le dossier de premier instance n° 120956, qu’un des produits, le banole, dont l’arrêté du 13 juillet 2012 autorise l’épandage aérien n’a pas fait l’objet d’une évaluation spécifique en vue de son utilisation pour l’épandage aérien, il est constant que ce produit a été retiré de la liste des produits utilisables comme adjuvant par l’arrêté du 15 octobre 2012 portant modification de l’arrêté du 13 juillet précédent ; que, par suite, le moyen soulevé en ce sens ne peut qu’être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il est constant que les autres produits autorisés pour l’épandage aérien, qui bénéficient d’ailleurs d’une autorisation de mise sur le marché, ont tous fait l’objet d’une évaluation spécifique à cet usage conformément aux dispositions précitées de l’article 6 de l’arrêté du 31 mai 2011 ; que si les associations requérantes de première instance font valoir que ces évaluations seraient, sur certaines points, incomplètes, elles ne démontrent pas en quoi cette circonstance serait de nature à entacher d’illégalité les arrêtés contestés comme entachés ;
12. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des motifs de l’arrêté du 13 juillet 2012 que le préfet de la Guadeloupe a expressément pris en compte les contraintes d’un traitement terrestre de la cercosporiose ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de ce que l’autorité administrative n’aurait pas pris en compte les alternatives à l’épandage aérien manque en fait ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que l’article 3 de l’arrêté contesté du 13 juillet 2012 dispose : « La déclaration préalable prévue à l’article 4 de l’arrêté ministériel du 31 mai 2011 susvisé est adressée au préfet et à la direction des collectivités territoriales et des affaires juridiques au plus tard quarante-huit heures avant la date prévue du traitement aérien. Avec cette déclaration, il sera également envoyé à la DAAF direction de l’alimentation, de l... les zones concernées par le traitement aérien envisagé. / Le demandeur tient également à la disposition des agents de la DAAF et de la préfecture la liste des producteurs de bananes concernés par chaque chantier d’épandage aérien ainsi que les coordonnées cadastrales des parcelles faisant l’objet de cette déclaration. » ; que si les associations L’ASFA et autres soutiennent que cet article ne précise pas les éléments constitutifs de la déclaration préalable, il est constant qu’il renvoie à l’article 4 de l’arrêté du 31 mai 2011, qui comporte déjà ces indications ; que, par suite, ce moyen ne peut qu’être écarté ;
14. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ressort des termes même de l’article 4 de l’arrêté contesté du 13 juillet 2012 que, conformément aux dispositions de l’article 10 de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé, « le demandeur doit porter à la connaissance du public la réalisation d’un épandage aérien au plus tard quarante-huit heures avant le traitement (…) » ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la date d’information de la population d’une opération d’épandage aérien à venir ne serait pas suffisamment précise au regard des dispositions de l’arrêté susmentionné manque en fait ;
15. Considérant, en sixième lieu, qu’en vertu de l’article 9 de l’arrêté contesté, l’utilisation des produits autorisés doit être « strictement conforme aux usages prévu dans leur décision d’autorisation de mise sur le marché et respecter les conditions d’emploi mentionnées, notamment en matière de dose par hectare, fréquence d’utilisation et respect des zones de non-traitement » ; qu’il suit de là que les associations L’ASFA et autres ne sont pas fondées à soutenir que cet arrêté serait, en ce qui concerne le nombre maximal d’opération d’épandage aérien, lacunaire ;
16. Considérant, en septième lieu, que les circonstances que les aéronefs chargés de l’épandage aérien ne disposeraient pas effectivement du système de GPS requis par l’arrêté contesté, ne seraient pas équipés de dispositifs permettant de calculer la vitesse du vent en temps réel et ne disposeraient pas d’une dérogation aux règles de l’aviation civile permettant un survol à moins de cent cinquante mètres des zones habitées, sont sans incidence sur la légalité des arrêtés préfectoraux contestés ;
17. Considérant, en huitième lieu, que l’article 14 de l’arrêté du 13 juillet 2012 contesté prévoit, au titre de la surveillance de l’eau et de l’air : « L’agence régionale de la santé est chargée de procéder à la recherche des substances actives des fongicides épandus dans les captages des eaux destinés à l’alimentation en eau potable. Ces substances actives seront également recherchées dans l’air. » ; que si les associations L’ASFA et autres font valoir que les contrôles sur l’eau et l’air ainsi prévus sont insuffisants et qu’une recherche sur les poissons auraient également dû être exigée, elles n’assortissent leurs affirmations d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
18. Considérant, en neuvième lieu, qu’aux termes de l’article 5 de la charte de l’environnement dispose : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ; que la société requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que le principe de précaution consacré par cet article aurait été méconnu ;
19. Considérant, en dixième lieu, que si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l’article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l’autorité qui s’attache aux décisions de justice, obligatoires ; qu’il en résulte notamment que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d’une décision administrative et qu’il n’a pas été mis fin à cette suspension - soit, par l’aboutissement d’une voie de recours, soit dans les conditions prévues à l’article L. 521-4 du code de justice administrative, soit par l’intervention d’une décision au fond - l’administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu’il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ou prendre une autre décision sur le fondement de la décision suspendue ;
20. Considérant que, par une ordonnance du 3 octobre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre a suspendu l’arrêté du 13 juillet 2012 au motif que le produit phytopharmaceutique, banole, autorisé comme adjuvant n’avait pas fait l’objet d’une évaluation spécifique, en méconnaissance de l’arrêté du 31 mai 2011 susvisé ; que prenant acte de cette ordonnance, le préfet de la Guadeloupe a, par arrêté du 15 octobre 2012 modificatif de celui du 13 juillet 2012, retiré le banole de la liste des produits dont il avait autorisé l’épandage afin de remédier, ainsi qu’il en avait le droit, au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension ; que, dès lors, les associations L’ASFA et autres ne sont pas fondées à soutenir que le préfet, entendant contourner l’ordonnance du juge des référés, aurait entaché l’arrêté du 15 octobre 2012 d’un détournement de pouvoir ;
21. Considérant, en dernier lieu, que les requérantes allèguent que le recours à l’eau plutôt qu’à l’huile, pour diluer le produit phytopharmaceutique utilisé, devrait faire l’objet d’une évaluation spécifique, cette allégation n’est pas assortie des précisions utiles permettant d’en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, la circonstance, au demeurant non démontrée, qu’en raison du retrait du banole de la liste des produits autorisés pour l’épandage l’eau soit utilisée comme diluant aux produits phytopharmaceutiques n’est pas de nature à entacher d’illégalité l’arrêté du 15 octobre 2012 ;
22. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé les arrêté des 13 juillet et 15 octobre 2012 du préfet de la Guadeloupe ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les associations défenderesses demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge des associations L’ASFA, Amazona et IRETRA une somme globale de 2 000 euros à verser à la société « les producteurs de Guadeloupe » sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 10 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : Les conclusions d’appel principal de la société « les producteurs de Guadeloupe » sont rejetées.
Article 3 : Les demandes des associations SOS environnement, L’ASFA, Amazona et IRETRA devant le tribunal administratif de Basse-Terre sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par les associations L’ASFA, Amazona et IRETRA sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les associations L’ASFA, Amazona et IRETRA verseront ensemble à la société « les producteurs de Guadeloupe » une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.