Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 juillet 2013 et complétée le 26 juillet 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) La Conche dont le siège social est 38, rue Joseph Taillasson à Blaye (33390), représentée par son gérant en exercice, par Me Terrien-Crette, avocat ;

La SCI La Conche demande à la cour :



1°) d’annuler le jugement n° 1104977 du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du ministre de la culture et de la communication du 18 octobre 2011 lui refusant la délivrance de l’autorisation de travaux sur un immeuble classé monument historique prévue à l’article L.621-9 du code du patrimoine dans le cadre d’un projet de construction d’un restaurant d’une superficie de 948 mètres carrés sur la parcelle cadastrée AW n° 66 au pied de la citadelle de Blaye ;

2°) d’annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que la SCI « Les Grands Randeaux de l’Hermitage » a remporté, le 16 juin 2005, l’appel à projets lancé par la commune de Blaye en vue de la création d’un site d’animation culturelle et de restauration sur un terrain situé sur les berges de l’estuaire de la Gironde, au pied de la citadelle Vauban ; que le maire de Blaye, après avis favorable émis le 23 septembre 2006 par l’architecte des bâtiments de France, a accordé à cette société, le 19 janvier 2007, un permis de construire un bâtiment à usage commercial et de restaurant, d’une surface hors œuvre nette de 564 mètres carrés, sur la parcelle cadastrée AW n° 66 ; que la commune a conclu, le 27 septembre 2007, avec la SCI La Conche qui s’est substituée, le 27 juillet 2007, à la SCI « Les Grands Randeaux de l’Hermitage », un bail emphytéotique administratif d’une durée de soixante-quinze ans, aux termes duquel le bailleur mettait à la disposition du preneur le terrain d’assiette du projet pour la réalisation et l’exploitation d’un restaurant et d’un local commercial de vente de produits locaux ; que par un arrêté du 11 mai 2009, le ministre de la culture et de la communication a étendu le classement au titre des monuments historiques aux parties non bâties de la citadelle, dont la parcelle louée au pétitionnaire ; que par un avis émis le 3 septembre 2010, la direction départementale des territoires et de la mer de Gironde a constaté que le permis délivré le 19 janvier 2007 à la SCI « Les Grands Randeaux de l’Hermitage » représentée par M. H== était caduc compte tenu de l’interruption des travaux entre le 11 février 2009 et le 23 février 2010 ; que le maire de Blaye a alors invité M. H==, le 13 septembre 2010, à présenter une nouvelle demande de permis de construire afin qu’il puisse terminer les travaux ; que la SCI La Conche a donc sollicité, le 19 novembre 2010, un nouveau permis de construire afin d’achever son projet ; que le maire s’étant, le 17 décembre 2010, déclaré incompétent s’agissant d’une demande de permis portant sur un immeuble désormais classé au titre des monuments historiques, laquelle relève du préfet de région, la société a sollicité, le 3 mars 2011, une autorisation de travaux sur le fondement de l’article L.621-9 du code du patrimoine ; que le ministre de la culture et de la communication a, par une décision en date du 20 juin 2011, décidé d'évoquer la demande, ainsi que le prévoit l'article 21 du décret du 30 mars 2007, et l’a rejetée le 18 octobre 2011 ; que la SCI La Conche relève appel du jugement n° 1104977 du 20 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L.621-9 du code du patrimoine : « L'immeuble classé au titre des monuments historiques ne peut être détruit ou déplacé, même en partie, ni être l'objet d'un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, sans autorisation de l'autorité administrative » ; qu’aux termes de l’article R.621-13 du même code : « L'autorisation de travaux sur un immeuble classé est délivrée par le préfet de région, à moins que le ministre chargé de la culture n'ait décidé d'évoquer le dossier. »

3. Considérant en premier lieu que la SCI La Conche soutient que M. B==, directeur général des patrimoines, n’avait pas compétence pour signer le refus d’autorisation attaqué ; que cependant, le tribunal a relevé à juste titre qu’en application du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, les directeurs d’administration centrale sont habilités à signer au nom des ministres l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ; que selon le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009, l'administration centrale du ministère chargé de la culture comprend trois directions, dont la direction des patrimoines ; que la circonstance que, contrairement à ce qu’il avait annoncé, le ministre ait omis de joindre à son mémoire devant le tribunal le décret du 13 janvier 2010 nommant M. B== directeur général des patrimoines, dont il signalait cependant la publication au Journal Officiel du 15 janvier 2010, est par ailleurs sans incidence sur la régularité du jugement en tant qu’il a écarté le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision ;

4. Considérant en deuxième lieu que la décision, après avoir visé les textes sur lesquelles elle se fonde, a rappelé que la mesure de protection du 11 mai 2009 étendant le classement au titre des monuments historiques aux parties non bâties de la citadelle de Blaye, et notamment la parcelle d’assiette du projet, permettait d’assurer « une meilleure cohérence de la réglementation patrimoniale sur cet ensemble exceptionnel » ; qu’elle a ensuite souligné que l’ensemble des douze sites Vauban, dont fait partie la citadelle, a été inscrit le 7 juillet 2008 sur la liste du patrimoine mondial ; qu’elle a enfin interprété ces mesures comme ayant pour objectif de « présenter le site dans sa fonction initiale militaire d’observation et de tirs, libre de toute construction », et en a conclu que la construction ne pouvait être autorisée ; qu’elle permettait ainsi au pétitionnaire de contester utilement les motifs ainsi portés à sa connaissance ; que le moyen tiré d’une insuffisance de motivation ne peut qu’être écarté ;

5. Considérant en troisième lieu qu’ainsi que l’ont relevé les premiers juges, il ne ressort pas des dispositions du code du patrimoine ni d’aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur à la date de la décision en litige, que préalablement au refus, le ministre aurait eu l’obligation de transmettre au pétitionnaire le rapport de l’inspection des patrimoines afin de recueillir ses observations, ou de saisir la commission régionale du patrimoine et des sites d’une demande d’avis sur ce projet ; 6. Considérant en quatrième lieu que pour contester la caducité du permis qui lui avait été délivré le 19 janvier 2007, la SCI La Conche se borne à indiquer que l’interruption des travaux entre le 11 février 2009 et le 23 février 2010 serait imputable à la commune de Blaye qui n’aurait pas respecté les engagements d’effectuer des travaux de desserte qu’elle avait souscrits dans le cadre du bail emphytéotique conclu le 27 septembre 2007 ; qu’il ressort cependant des pièces du dossier, et n’est d’ailleurs pas sérieusement contesté par la requérante, que les travaux avaient été interrompus principalement en raison des difficultés financières auxquelles elle avait été confrontée ; qu’en outre, le fait que la commune n’ait pas encore, comme elle s’y était pourtant engagée, réalisé les voies et réseaux, ne rendait pas impossible la poursuite des travaux par la société La Conche ; que, dans ces conditions, la société La Conche, qui n’a au demeurant jamais contesté la décision du 13 septembre 2010 l’informant de la caducité de son permis de construire, n’est pas fondée à soutenir que son permis n’était pas caduc ;

7. Considérant en cinquième lieu que si l’arrêté du 11 mai 2009 intègre la parcelle d’assiette du projet dans le monument historique que constitue la citadelle de Blaye et mentionne l'existence d'un bail emphytéotique sur celui-ci, cette circonstance n’a pas emporté le classement comme monument historique de la construction entreprise par la SCI La Conche et ne permet pas non plus de considérer que la poursuite des travaux autorisés par le permis de construire du 19 janvier 2007 aurait implicitement été autorisée ;

8. Considérant en sixième lieu qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de la SCI La Conche sur la parcelle en litige est incompatible avec la protection au titre des monuments historiques des glacis de la citadelle, qui tend à présenter le site dans sa fonction militaire initiale d’observation et de tirs, dans l’esprit du classement au patrimoine mondial de l’œuvre de fortifications de Vauban ; qu’en estimant que cette protection impliquait que les glacis demeurent libres de toute construction, et en refusant pour ce motif d’accorder l’autorisation en litige, le ministre de la culture et de la communication n’a pas commis d’erreur d’appréciation au regard des critères qu’il lui appartenait de prendre en compte pour statuer sur une demande d’autorisation de travaux sur un monument historique, quand bien même le projet présenterait une architecture épurée et un intérêt économique et touristique ;

9. Considérant en dernier lieu que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’ordonner la production du rapport de l’inspection consultée par le ministre, la SCI La Conche n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SCI La Conche demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI La Conche est rejetée.