Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2012, présentée pour Mme M==J== B==, demeurant à Charenton-le-Pont (94220), Mme F== B==, demeurant à Baie-Mahault (97122), M. Germain B==, demeurant à Baie-Mahault (97122), par la SCP Mitard Baudry, avocats ;

Mme B== et autres demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0800091 du 20 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 18 décembre 2007 par laquelle le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire un immeuble de bureaux et commerces à la SCI Kefras, sur un terrain cadastré AN 470 dans la ZAC de Houelbourg Sud ;

2°) d’annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Baie-Mahault une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que, par décision du 18 décembre 2007, le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire un immeuble de bureaux à la SCI Kefras ; que Mme B== et autres relèvent appel du jugement n° 0800091 du 20 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité du permis de construire :

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-4 du code de l’urbanisme : « La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 ; / b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33 ; / c) Les informations prévues à l'article R. 431-34. / Pour l'application des articles R. 423-19 à R. 423-22, le dossier est réputé complet lorsqu'il comprend les informations mentionnées au a et au b ci-dessus. » ; qu’aux termes de l’article R. 431-23 du même code dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une zone d'aménagement concerté, la demande est accompagnée : a) Lorsque le terrain a fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, d'une copie de celles des dispositions du cahier des charges de cession de terrain qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée ainsi que, si elles existent, de celles des dispositions du cahier des charges qui fixent des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone » ;

3. Considérant par ailleurs qu’aux termes de l’article R. 423-19 du code de l’urbanisme : « Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. » ; et qu’aux termes de l’article R. 423-22 du même code : « Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41 » ; que le tribunal administratif de Basse-Terre, après avoir retenu que le cahier des charges de cession de terrain n’avait pas été joint au dossier de demande, a relevé que le service instructeur n’avait pas demandé au pétitionnaire de compléter son dossier de demande qui devait dès lors être réputé complet ; que toutefois cette circonstance, si elle s’opposait à ce que le maire de Baie-Mahault retienne l’absence de cette pièce pour refuser le permis de construire, ne peut établir que le dossier de demande était complet ; que, par suite, c’est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que le dossier de permis de construire n’était pas complet ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que si le dossier de demande déposé par la SCI Kefras le 18 octobre 2007 mentionne que le document du cahier des charges de la ZAC a été joint à la demande, ce document ne figure pas au dossier du permis de construire tel qu’il est joint à l’arrêté du 18 décembre 2007 produit par la commune ; qu’en l’absence de cette pièce, le service instructeur ne pouvait apprécier la conformité du projet de construction envisagé au plan de la zone d’aménagement concerté, notamment au regard de la surface hors œuvre nette autorisée sur la parcelle ; qu’aucune autre pièce de la demande de permis de construire ne permettait d’apprécier la conformité du projet à la règlementation applicable ; que la commune de Baie-Mahault a produit devant le tribunal un document, ni daté ni revêtu de l’en-tête de la collectivité publique, intitulé « dossier de surface modifié » indiquant les coefficients d’occupation des sols pour divers sous- secteurs de la ZAC ; que toutefois ce document, dont la date d’approbation ne ressort pas des pièces du dossier, n’était en tout état de cause pas susceptible d’établir que le dossier de demande de permis de construire aurait été conforme aux exigences du code de l’urbanisme ; que, dans ces conditions, le permis de construire du 18 décembre 2007 a été délivré à la suite d’une procédure irrégulière ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la notice de présentation du projet, même s’il s’agit d’un projet de construction sur un lot d’une zone d’aménagement concerté et dans un environnement industriel, est particulièrement sommaire et ne décrit pas l’état initial du terrain et de ses abords, notamment les constructions et les éléments paysagers existants, alors que la parcelle est voisine d’une construction d’habitation et proche de la mer ; que le volet paysager initial devant compléter cette notice n’est pas plus précis ; que dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire était insuffisant sur ce point et ne pouvait, alors même que les autres éléments étaient suffisamment renseignés, permettre à l’autorité administrative d’apprécier l’insertion du projet dans son environnement;

6. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. » ; qu’aux termes de l’article ZA4 du plan de zone : « 5. l’écoulement et/ou le captages des eaux pluviales sur la parcelle s’effectueront dans des conditions qui ne nuisent pas aux parcelles voisines en accord avec les aménagements collectifs prévus à cet effet dans le programme de travaux de viabilisation » ; que ni le plan de masse ni la notice ne donnent de précisions sur le raccordement de la construction aux réseaux et le traitement prévu des eaux pluviales ; que le dossier de demande de permis de construire était ainsi insuffisant au regard des prescriptions de l’article R.431-9 du code de l’urbanisme et ne permettait pas au maire d’apprécier la conformité du projet à la règlementation applicable dans la zone d’aménagement concerté ;

7. Considérant en revanche qu’il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet ne comportait pas de végétation notable et que le plan de masse faisait figurer les plantations à réaliser en arrière du bâtiment et les travaux extérieurs sur le devant ; que sur ce point, le dossier de demande de permis de construire était donc suffisant ; que contrairement à ce que soutiennent Mme B== et autres, les différents plans faisaient figurer l’ensemble du terrain tandis que le plan de coupe montrait le terrain naturel et, par suite, les affouillements pratiqués pour implanter la construction ;

8. Considérant par ailleurs que le dossier relatif à l’accès des personnes handicapées n’avait pas à mentionner particulièrement l’emplacement du compteur électrique et des conduits d’évacuation ; qu’au demeurant, le plan de masse figurait le boitier de raccordement au réseau public ;

9. Considérant enfin que le dossier de demande n’avait pas à figurer le busage du caniveau d’évacuation des eaux pluviales dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la voie publique ait comporté un caniveau au droit de la parcelle ;

En ce qui concerne la qualité pour présenter la demande :

10. Considérant qu’aux termes de l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme : « Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux » ; qu’il ressort des pièces du dossier que la SCI Kefras est propriétaire du terrain d’assiette du projet, même si un litige est pendant devant le juge judiciaire pour définir certaines limites de la parcelle ; qu’elle avait donc qualité pour déposer la demande de permis de construire ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis ait été obtenu par fraude sur les limites exactes de la parcelle ;

En ce qui concerne l’application du règlement de la ZAC : 11. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la hauteur de la construction à l’égout du toit, mesurée à partir du terrain naturel, est inférieure à 6,43 mètres ; que le permis de construire respecte donc les dispositions de l’article ZA10 du règlement de la zone d'aménagement concerté qui fixe la hauteur maximale des constructions à 7 mètres ; que, dès lors, en application de l’article ZA7 du règlement, la construction devait être à plus de 4 mètres des limites séparatives ; qu’en prévoyant une implantation de la construction à 4,06 mètres de la limite de parcelle, le projet envisagé respecte les dispositions de l’article ZA7 ;

En ce qui concerne l’application de la loi Littoral :



12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme : « II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Les communes intéressées peuvent également faire connaître leur avis dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande d'accord. Le plan local d'urbanisme doit respecter les dispositions de cet accord. » ; que si Mme B== et autres soutiennent que le projet ne constitue pas une extension limitée de l’urbanisation, il ressort des pièces du dossier que le terrain objet du permis de construire est à environ 450 mètres du rivage dont il est séparé par des zones boisées ; qu’il est situé en bordure d’une zone industrielle où se trouvaient déjà, à la date de la décision en litige, des constructions importantes ; que, dans ces conditions, la construction envisagée d’un bâtiment d’environ 300 mètres carrés dans une zone d’aménagement concerté peut être regardée, compte tenu de l'implantation, de la faible importance et de la destination de cette construction et de son environnement comme une extension limitée de l’urbanisation ; que, dans ces conditions, les dispositions de l’article L. 146 4 du code de l’urbanisme n’ont pas été méconnues ;

En ce qui concerne les risques pour la sécurité publique :

13. Considérant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations » ; que Mme B== et autres n’établissent pas, même si le terrain est en légère pente vers la rue et que la région connaît des aléas météorologiques forts, que le projet de construction d’un immeuble d’environ 300 mètres carrés serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique ;

Sur l’éventualité d’une régularisation :

14. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme issu de l’article 2 de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, entrée en vigueur le 19 août suivant, laquelle disposition est immédiatement applicable au présent litige : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » ;

15. Considérant que les vices tenant à l’insuffisance du dossier de demande de permis de construire dont est entaché le permis de construire du 18 décembre 2007 sont susceptibles de régularisation par la délivrance d’un permis de construire modificatif intervenant après que la demande de permis de construire ait été complétée par le cahier des charges de cession de terrain indiquant le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée, et par une notice de présentation du projet présentant le terrain et ses abords ainsi que les dispositions prises pour assurer l’évacuation des eaux pluviales ; que les parties ont été avisées de cette possibilité et invitées à présenter leurs observations ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de surseoir à statuer et d’impartir à la SCI Kefras un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt aux fins d’obtenir la régularisation de l’arrêté du 18 décembre 2007 sur ces points ;

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 18 décembre 2007 jusqu’à l’expiration du délai fixé à l’article 2.

Article 2 : Le délai dans lequel la régularisation du permis de construire doit être notifiée à la cour est fixé à trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu’en fin d’instance.