Possibilité de retrait d’un titre minier
Par Administrateur1 le mardi 18 octobre 2011, 17:39 - ENVIRONNEMENT - Lien permanent
Si les dispositions de l’article 119-1 du code minier permettent à l’administration, dans les cas qu’elles énumèrent, de retirer un titre minier à son titulaire lorsque ce dernier ne satisfait plus aux obligations découlant de la détention d’un tel titre, elles ne lui permettent pas, en revanche, de retirer ce titre, qui est créateur de droits, plus de quatre mois après sa délivrance, en se fondant sur ce qu’il aurait été délivré illégalement, sauf s’il a été obtenu par fraude.
Arrêt 10BX01109 - 5ème chambre - 18 octobre 2011- Commune de Bertholène
Un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État a été formé sous le n° 354977 rejeté par décision du CE du 21/02/2013
Vu la requête, enregistrée sous le n° 10BX01109 le 6 mai 2010, présentée pour la COMMUNE DE BERTHOLENE (12310), représentée par son maire en exercice ;
La COMMUNE DE BERTHOLENE demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 061824-0700197 en date du 8 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté, d’une part, sa demande tendant à l’annulation de la décision du 10 mai 2006 par laquelle le préfet de l’Aveyron a implicitement rejeté sa demande tendant à la saisine du ministre chargé des mines en vue du retrait du titre minier relatif à la concession de Bertholène et, d’autre part, sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’industrie a rejeté sa demande visant au retrait du titre de concession minière de Bertholène ;
2°) d’annuler les deux décisions contestées ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code minier ;
Vu le décret n° 95-427 du 19 avril 1995 relatif aux titres miniers ;
Vu le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et autres titres de stockage souterrain ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 septembre 2011 :
- le rapport de Mme F. Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- les observations de Me Février, avocat de la COMMUNE DE BERTHOLENE ;
- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Février ;
Considérant que, par une demande du 27 juin 1997, complétée et modifiée les 5 mars et 12 septembre 2003, M. Albert-Bernard F==, la société Aardvark TFC Limited et la société des ressources minières du Massif central ont sollicité conjointement l’autorisation de mutation, au profit de ces deux sociétés, de plusieurs concessions de houille, dont celle portant sur la mine de Bertholène ; que, par un arrêté du 24 octobre 2003, la ministre déléguée à l’industrie a autorisé cette mutation ; que, par un courrier en date du 6 mars 2006, la COMMUNE DE BERTHOLENE a demandé au préfet de l’Aveyron de mettre en œuvre la procédure prévue par l’article 119-1 du code minier en vue du retrait de l’autorisation concernant la mine de Bertholène, en saisissant le ministre compétent d’une telle demande conformément à l’article 33 du décret n° 95-427 du 19 avril 1995 ; qu’un rejet implicite de cette demande est intervenu deux mois après la réception de ce courrier ; que, par lettre du 25 octobre 2006, la commune a présenté devant le ministre de l’industrie, sur le fondement de l’article 54 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006, une demande de retrait de ce même titre ; qu’un rejet implicite de cette demande est intervenu deux mois après la réception de ce courrier ; que la COMMUNE DE BERTHOLENE fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 avril 2010 qui a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de ces deux décisions implicites de rejet ;
Sur le moyen tiré du caractère inexistant de l’arrêté du 24 octobre 2003 :
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la concession de la mine de houille de Bertholène a été créée par une ordonnance royale du 4 mai 1820 mentionnée au Bulletin des lois et publiée dans les Annales des mines ; que cette concession était, en vertu de l’article 7 de la loi du 21 avril 1810, d’une durée illimitée ; que, par suite, et dès lors qu’en vertu du IV de l’article 29 du code minier dans sa rédaction issue de la loi n° 94-588 du 5 juillet 1994 les concessions instituées pour une durée illimitée n’expireront qu’au 31 décembre 2018, la validité de ladite concession n’était pas expirée à la date à laquelle a été pris l’arrêté d’autorisation dont la COMMUNE DE BERTHOLENE a demandé le retrait ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la concession sur laquelle porte l’arrêté ministériel du 24 octobre 2003 étant éteinte à la date de cet arrêté, celui-ci doit être regardé comme inexistant ;
Considérant, en second lieu, que l’article 138 de la loi du 13 juillet 1911 disposait : « Les mutations de propriété, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et les amodiations de concessions minières par actes entre vifs ne peuvent être effectuées que si elles ont été autorisées par décret rendu sur avis conforme du Conseil d’Etat. Tous actes faits en violation des dispositions du présent article sont nuls et de nul effet et peuvent donner lieu au retrait de la concession » ; que l’article 44 du décret n° 56-838 du 16 août 1956 portant code minier disposait que : « Les mutations par actes entre vifs, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, et les amodiations de concessions minières ne prennent effet que si elles sont autorisées par un décret rendu sur avis conforme du Conseil d’Etat (...) Tout acte fait en violation du présent article est nul et de nul effet et peut donner lieu au retrait de la concession par décret en Conseil d’Etat » ; qu’aux termes de l’article 119-5 du code minier applicable à la date des refus de retrait litigieux : « La mutation d'un permis exclusif de recherches de mines, la mutation ou l'amodiation d'une concession de mines font l'objet d'une autorisation accordée par le ministre chargé des mines dans les mêmes conditions que celles prévues pour l'octroi du titre, à l'exception de la mise en concurrence et, pour ce qui concerne la concession, de l'enquête publique et de la consultation du Conseil d'Etat. L'arrêté portant autorisation de mutation d'une concession de durée illimitée fixe un terme à ce titre. Toutefois, à la date d'expiration ainsi fixée, ce titre peut être renouvelé si le gisement est exploité. La résiliation anticipée de l'amodiation est autorisée par arrêté du ministre chargé des mines » ; que l’article 119-6 dispose : « Lorsque la mutation résulte d'un acte entre vifs, et dans le cas des amodiations de titres d'exploitation, l'autorisation doit être demandée soit par le cédant et le cessionnaire, soit par le titulaire du titre et l'amodiataire, dans les six mois qui suivent la signature de l'acte, lequel doit avoir été passé sous la condition suspensive de cette autorisation. » ; qu’aux termes de l’article 119-7 : « Lorsque la mutation résulte du décès du titulaire, l'autorisation doit être demandée dans les douze mois qui suivent l'ouverture de la succession, soit par les ayants droit, soit par la personne physique ou morale qu'ils se seront substituée dans l'intervalle en vertu d'un acte qui aura été passé sous la condition suspensive de cette autorisation. L'absence de dépôt de la demande en autorisation dans les délais prescrits peut donner lieu au retrait du titre. Le rejet de la demande entraîne le retrait du titre. » ; que l’article 119-8 précise : « Les actes entre vifs passés en violation des articles qui précèdent sont nuls et de nul effet. » ;
Considérant que, par un décret du 22 février 1923 publié au Journal officiel du 25 février 1923, a été autorisée la mutation de plusieurs concessions, dont celle de Bertholène, au profit de MM Jean et Bernard F== ; que, si la COMMUNE DE BERTHOLENE fait valoir que M. Bernard F== a cédé le 9 novembre 1944 à son frère Jean sa part de concession sans que cette cession ait été autorisée par l’administration, ce qui rendrait nulle et de nul effet cette mutation en vertu de l’article 138 de la loi du 13 juillet 1911 alors en vigueur, cette circonstance n’est pas, en tout état de cause, de nature à rendre nulle, en application de l’article 119-8 précité du code minier, la convention portant sur la mutation autorisée par l’arrêté ministériel du 24 octobre 2003 dès lors qu’il n’est pas démontré que M. Albert-Bernard F==, partie à cette convention, ait agi en sa seule qualité d’héritier de M. Jean F==, l’administration ayant au contraire relevé devant le tribunal administratif que la demande de mutation avait été présentée par M. Albert-Bernard F== agissant tant en son nom personnel qu’en tant que mandataire des héritières des titulaires des concessions, et autorisée en tant que telle ; que si la commune se prévaut encore de ce que les mutations résultant du décès de M. Jean F== en 1949 et de sa veuve en 1972 n’ont elles-mêmes pas été autorisées par l’administration, cette circonstance ne suffit pas à conférer à l’arrêté du 24 octobre 2003 le caractère d’un acte inexistant ;
Sur la légalité des refus de retrait litigieux au regard de l’article 119-1 du code minier :
Considérant qu’aux termes de l’article 119-1 du code minier, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Tout titulaire d'un permis exclusif de recherches, d'une concession de mines, ou d'une des autorisations prévues aux articles 98 et 99, tout titulaire d'une autorisation d'amodiation de titre minier peut, après mise en demeure, se voir retirer son titre ou autorisation dans l'un des cas suivants : a) Défaut de paiement, pendant plus de deux ans, des redevances minières dues à l'Etat, aux départements et aux communes ; b) Cession ou amodiation non conforme aux règles du code ; c) Infractions graves aux prescriptions de police, de sécurité ou d'hygiène ; inobservation des mesures imposées en application de l'article 79 ; d) Pour les permis de mines ou les autorisations de recherche de mines : inactivité persistante ou activité manifestement sans rapport avec l'effort financier et, plus généralement, inobservation des engagements souscrits visés dans l'acte institutif ; pour les permis exclusifs de recherches de stockages souterrains : inactivité persistante ; e) Pour les titres ou les autorisations d'exploitation : absence ou insuffisance prolongée d'exploitation manifestement contraire aux possibilités du gisement ou à l'intérêt des consommateurs et non justifiées par l'état du marché, exploitation effectuée dans des conditions telles qu'elle est de nature à compromettre sérieusement l'intérêt économique, la conservation et l'utilisation ultérieure du gisement et, en matière de stockage souterrain du gaz naturel, l'accomplissement des missions de service public relatives à la sécurité d'approvisionnement, au maintien de l'équilibre des réseaux raccordés et à la continuité de fourniture du gaz naturel ; f) Inobservation des dispositions de l'article 81 ; g) Inobservation des conditions fixées dans l'acte institutif ; non-respect des engagements mentionnés à l'article 25 ; h) Pour les concessions de mines : inexploitation depuis plus de dix ans. / La décision de retrait est prononcée par arrêté préfectoral en ce qui concerne les autorisations ou permis prévus aux articles 98 et 99, par arrêté ministériel dans les autres cas, selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu’aux termes de l’article 25 : « Nul ne peut obtenir une concession de mines s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux d'exploitation et pour répondre aux obligations mentionnées aux articles 79, 79-1 et 91. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les critères d'attribution des titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes de concessions. » ;
Considérant que, si les dispositions précitées de l’article 119-1 du code minier permettent à l’administration, dans les cas qu’elles énumèrent, de retirer un titre minier à son titulaire lorsque ce dernier ne satisfait plus aux obligations découlant de la détention d’un tel titre, elles ne lui permettent pas, en revanche, de retirer ce titre, qui est créateur de droits, plus de quatre mois après sa délivrance, en se fondant sur ce qu’il aurait été délivré illégalement, sauf s’il a été obtenu par fraude ;
Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que, pour contester la légalité des refus de retrait contestés, la COMMUNE DE BERTHOLENE ne peut utilement invoquer, sur le fondement des dispositions précitées du b) de l’article 119-1 du code minier, le caractère irrégulier, au regard du code minier, du code civil ou de l’article 1er du protocole n° 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la cession opérée au profit de la société Aardvark TFC Limited et de la société des ressources minières du Massif central ; qu’elle ne peut davantage se prévaloir utilement de ce que la demande d’autorisation ne faisait pas ressortir que ces deux sociétés justifiaient des capacités financières et techniques nécessaires dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Aardvark TFC Limited aurait, comme le soutient la commune, trompé l’administration sur ses capacités réelles et aurait ainsi obtenu l’autorisation par fraude ; qu’enfin, le détournement de pouvoir allégué n’est en tout état de cause pas établi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BERTHOLENE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes ;
Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, ne saurait être condamné à verser à la COMMUNE DE BERTHOLENE la somme que celle-ci réclame au titre dudit article ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BERTHOLENE est rejetée.