Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J== N== a demandé au tribunal administratif de Poitiers de « parfaire, rectifier voire annuler » la décision du 25 octobre 2011 du directeur départemental des finances publiques des Deux-Sèvres statuant sur sa réclamation préalable dirigée contre les mises en demeure du 22 juillet 2011 lui réclamant le paiement d’impositions et pénalités dues par les sociétés SA Nov’Ingénieurie et SA Novy Panification Différée et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 20 000 euros au titre du harcèlement injustifié dont il aurait fait l’objet.

Par un jugement n° 1102776 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2014, et un mémoire enregistré le 16 juin 2015, M. N==, représenté par Me Richard, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 22 mai 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de l’obligation de payer la somme de 432 858,58 euros ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. M. N== était le président directeur général de la société SA Nov’Ingénieurie et de sa filiale, la société SA Novy Panification Différée. Ces deux sociétés ont fait l’objet de vérifications de comptabilité à l’issue desquelles elles ont été assujetties à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités, par des avis de mise en recouvrement du 27 novembre 2011. Elles ont été mises en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Niort en date du 27 décembre 2001, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 14 mai 2002. Le mandataire liquidateur ayant attesté du caractère irrécouvrable des créances correspondant aux impositions et pénalités mises en recouvrement le 27 novembre 2011, le comptable des finances publiques chargé du recouvrement a assigné M. N==, par acte du 15 novembre 2002, devant le tribunal de grande instance de Niort afin que M. N== soit déclaré solidairement responsable, avec les sociétés SA Nov’Ingénieurie et SA Novy Panification Différée, du paiement des impositions et pénalités dues par celles-ci. Par jugement du 7 avril 2003 du président du tribunal de grande instance de Niort, confirmé par un arrêt définitif de la cour d’appel de Poitiers du 9 juin 2009, M. N== a été condamné, en application de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales, à payer, en tant que solidairement responsable des sociétés SA Nov’Ingénieurie et SA Novy Panification Différée, la somme de 432 859, 33 euros. L’administration fiscale a alors adressé à M. N==, le 7 juillet 2009, une mise en demeure de payer cette somme. Des avis à tiers détenteurs lui ont, par la suite, été notifiés les 9 septembre 2009, 5 novembre 2010, 30 mars 2011, 24 mai 2011 et 16 juin 2011, qui ont permis le recouvrement de la somme totale de 60 762,09 euros. Statuant sur la réclamation présentée par l’intéressé à l’encontre de mises en demeure émises le 22 juillet 2011, le directeur départemental des finances publiques, tout en admettant que ces mises en demeure étaient erronées en ce qu’elles portaient sur un montant supérieur à celui de la condamnation solidaire prononcée par le jugement du 7 avril 2003, a rejeté la réclamation en tant qu’elle tendait à la décharge de l’obligation de payer la somme de 372 097, 24 euros, en précisant que la mise en demeure du 7 juillet 2009 demeurait valable. M. N== relève régulièrement appel du jugement du 22 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de l’obligation de payer ladite somme.

Sur l’existence d’un titre exécutoire permettant le recouvrement de la somme en litige :

2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu’un dirigeant d’une société (…) est responsable des manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société (…), ce dirigeant peut (…) être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités par le président du tribunal de grande instance (…) ». Aux termes de l’article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 : « Seuls constituent des titres exécutoires : 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire (…) ». Aux termes de l’article 503 du code de procédure civile : « Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. » Enfin, aux termes de l’article 539 du même code : « Le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif. » .

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, dès lors qu’il a été régulièrement notifié au dirigeant de la société et que le délai d’appel est expiré - et, lorsqu’un appel a été formé dans ce délai, dès lors que l’arrêt de la cour d’appel, s’il le confirme, a lui-même été régulièrement notifié à ce dirigeant - le jugement du président du tribunal de grande instance déclarant ce dirigeant solidairement responsable du paiement des impositions et pénalités dues par la société constitue un titre exécutoire sur le fondement duquel, dans la limite de la solidarité ainsi prononcée, peut agir le comptable public chargé du recouvrement de ces impositions et pénalités.

4. Il résulte de l’instruction que le jugement du président du tribunal de grande instance du 7 avril 2003 a été régulièrement notifié à M. N== le 2 mai 2003. Par suite, ce jugement, confirmé en toutes ces dispositions par l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 9 juin 2009, lui-même régulièrement notifié à l’intéressé le 26 juin 2009, constitue un titre exécutoire justifiant les actes du comptable public tendant au recouvrement de la somme de 432 858,33 euros auprès de M. N==. Dès lors, les moyens tirés de ce qu’aucun titre exécutoire mentionnant cette somme n’a été notifié à ce dernier, de ce que les avis de mise en recouvrement adressées aux deux sociétés ne lui ont pas été notifiées et de ce que la mise en demeure du 7 juillet 2009 est irrégulière en ce que, notamment, elle ne comporte pas la copie du jugement du 7 avril 2003, ne peuvent qu’être écartés. Le requérant ne saurait, par ailleurs, utilement contester, dans le cadre du présent litige, la motivation du jugement du président du tribunal de grande instance du 7 avril 2003 et celle de l’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 9 juin 2009.

Sur la prescription de l’action en recouvrement :

5. L'article L. 274 dudit livre dispose que : « Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable./ Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de la prescription ». Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles de l’article 503 du code de procédure civile, que la notification de la décision juridictionnelle déclarant, sur le fondement des dispositions, citées au point 2, du premier alinéa de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales, qu’une personne est tenue au paiement solidaire de l’impôt dû par le redevable légal, interrompt la prescription de l’action en recouvrement de l’impôt, à la condition toutefois que ladite prescription n’ait pas déjà été acquise à cette date.

6. La notification régulière à M. N==, le 2 mai 2003, du jugement du 7 avril 2003 le constituant, à hauteur de 432 858,33 euros, débiteur solidaire des impositions et pénalités mises en recouvrement le 27 novembre 2011 a interrompu avant l’expiration du délai de quatre ans la prescription de l’action en recouvrement de ces impositions et pénalités.

7. L’appel introduit par M. N== à l’encontre du jugement du 7 avril 2003 a suspendu son exécution. Toutefois, M. N== soutient que l’administration n’était pas, entre la notification du jugement et celle de l’arrêt l’ayant confirmé le 26 juin 2009, privée de la possibilité d’agir puisqu’elle pouvait prendre des mesures conservatoires interruptives de prescription, ce dont elle s’est abstenue. Il en déduit que la prescription était acquise lorsqu’ont été émis les actes de poursuite litigieux.

8. Si le deuxième alinéa de l’article L. 267 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, prévoit que les voies de recours qui peuvent être exercées contre la décision du président du tribunal de grande instance ne font pas obstacle à ce que le comptable public compétent prenne à l’encontre du dirigeant déclaré solidaire des dettes fiscales de la société des mesures conservatoires en vue de préserver le recouvrement de la créance du Trésor, ces mesures conservatoires présentent un caractère provisoire et ont pour seul effet de rendre indisponibles, dans l’attente de la décision du juge d’appel, les biens du débiteur qu’elles visent. Par suite, en dépit de cette faculté qui lui est ouverte de prendre des mesures conservatoires, le comptable, jusqu’à la décision du juge d’appel statuant sur la contestation de la décision du président du tribunal de grande instance, ne peut émettre d’actes de recouvrement forcé et demeure ainsi privé de la possibilité d’agir pour obtenir le recouvrement effectif des sommes dues. Il en résulte notamment que, contrairement à ce que soutient le requérant, le fait que le comptable n’a pas pris de telles mesures conservatoires est sans incidence sur la suspension de la prescription ayant résulté de l’appel introduit contre le jugement du 7 avril 2003. Dans ces conditions, le délai de prescription n’a commencé à courir qu’à compter du 27 juin 2009, date de la notification régulière à l’intéressé de l’arrêt rendu le 9 juin 2009. Il s’ensuit que l’action en recouvrement n’était pas prescrite lorsque sont intervenues la mise en demeure du 7 juillet 2009 puis celles du 22 juillet 2011.

9. M. N== n’est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 153 de l’instruction 12 C-6221 publiée le 30 octobre 1999 dès lors qu’en tout état de cause, ce paragraphe, qui se borne à indiquer que « le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard » ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale qui soit différente de celle dont il a été fait application ci-dessus.

10. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. N== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la condamnation de l’Etat au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. N== est rejetée.