Vu la requête enregistrée par courriel le 24 janvier 2013, et régularisée par courrier le 29 janvier suivant, présentée pour Mme A== D==, par Me Dugoujon ;

Mme D== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1000944 du 22 novembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la décision de ne pas la recruter et de la méthode employée pour ce faire ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice financier, la somme de 30 000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence et la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral et d’image subi ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative, majorée de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros ;


1. Considérant que Mme D== s’est portée candidate au poste de chef du service de la communication interministérielle de la préfecture de La Réunion en tant qu’agent contractuel de la fonction publique de l’Etat ; que, le 12 octobre 2010, l’intéressée s’est vue remettre un document par lequel le chef du service des moyens et de la logistique de la préfecture attestait de sa future embauche à compter du 8 février 2010 ; qu’à la suite de la parution dans le quotidien « Le Journal de l’île de la Réunion » du 23 janvier 2010 d’un article intitulé « Le réveillon d’Irène » publié par l’intéressée sur son blog durant la période comprise entre le 31 décembre 2007 et le 22 janvier 2010, Mme D== a été informée, par lettre du préfet de la Réunion du 5 février 2010 adressée à son conseil, qu’il était mis fin à la procédure de recrutement la concernant ; que Mme D== fait appel du jugement du 22 novembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la décision de ne pas la recruter et de la méthode employée pour ce faire ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de l’intérieur, la requête de Mme D== contient une critique des motifs du jugement attaqué ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre et tirée de ce que la requête se bornerait à reproduire intégralement le texte du mémoire de première instance, sans présenter à la cour des moyens d’appel, doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 5 du code de justice administrative : « L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celle de l’urgence. » ; qu’aux termes de l’article R. 611-1 du même code : « (...). / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611 3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s’ils contiennent des éléments nouveaux. » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de Mme D== présentée devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a été enregistrée le 20 octobre 2010 ; que le mémoire en défense du préfet de la Réunion daté du 12 octobre 2012 n’a été enregistré au greffe du tribunal administratif que le 18 octobre 2012 ; qu’en l’absence d’ordonnance portant clôture de l’instruction, celle-ci était, en application de l’article R. 613-2 du même code, close trois jours francs avant l’audience, soit le dimanche 21 octobre 2012 ; que le tribunal administratif a cependant examiné l’affaire à l’audience publique du 25 octobre 2012 ; qu’en procédant de la sorte, les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que, par suite, il y a lieu d’annuler le jugement attaqué ;

5. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D== devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Sur les conclusions indemnitaires :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) - retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (…). » ; que l’article 24 de loi 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (…) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (…). / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (…). » ;

7. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’un projet de contrat en vue de son recrutement ait été soumis par l’administration à Mme D== ; qu’en attestant de la future embauche de l’intéressée à compter du 8 février 2010 pour lui permettre d’entreprendre des démarches en vue de se loger, le chef du service des moyens et de la logistique de la préfecture de la Réunion, n’a pas pris une décision susceptible de créer des droits à cette nomination au profit de Mme D== ; que, dès lors, Mme D== n’est pas fondée à soutenir que la décision du 5 février 2010 du préfet de la Réunion serait entachée d’irrégularité au motif que les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 auraient été méconnues ;

8. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, il appartient à l’autorité administrative d’apprécier, dans l’intérêt du service, si un candidat désirant accéder à la fonction publique en qualité d’agent contractuel présente les garanties requises pour l’exercice des fonctions auxquelles il postule ; que l’autorité administrative peut, à cet égard, tenir compte de faits antérieurs à la candidature de l’intéressée, s’ils établissent son inaptitude à exercer les fonctions dont s’agit ; qu’il incombe au juge administratif de vérifier que la décision ainsi prise est fondée sur des faits matériellement exacts et de nature à la justifier légalement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l’administration ne pouvait reprocher à Mme D== d’avoir manqué à son devoir de loyauté qui n’incombe qu’aux agents publics et de n’avoir pas spontanément révélé l’existence de cette nouvelle, dans laquelle « certaines personnes ont pensé reconnaître le chef de l’Etat et son épouse », doit être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite de la présentation par le préfet de Mme D== à la presse le 22 janvier 2010, un article paru dans la presse locale a rendu public le fait que Mme D== avait, sur un blog où elle était clairement identifiée, publié un billet se présentant comme une nouvelle intitulé « Le réveillon d’Irène » ; que ce billet, mis en ligne entre le 31 décembre 2007 et le 22 janvier 2010, comportait des propos à tout le moins désobligeants à l’encontre du Président de la République en exercice et de son épouse ; que même si Mme D== soutient que ce billet constituait une œuvre de fiction, elle y exprimait sans réserve, et dans des termes excessifs, son opinion personnelle critique à l’égard du chef de l’Etat ; qu’en estimant que cette manifestation publique d’opinion était incompatible avec la réserve et la pondération qui s’imposent à une candidate à l’exercice des fonctions de chef du service de la communication interministérielle des services de l’Etat et en décidant, pour ce motif, de mettre fin à la procédure de recrutement par sa décision du 5 février 2010, le préfet de la Réunion a fondé sa décision sur des faits qui étaient de nature à la justifier légalement ; qu’ainsi, et alors même que durant toute la phase préalable à son recrutement, cette nouvelle était en ligne et n’a jamais été cachée, que la requérante aurait répondu à toutes les questions de la préfecture sur son parcours et sa personnalité, qu’elle connaissait très bien le préfet alors en poste, que son curriculum vitae portait la mention « auteur publié », que l’enquête des renseignements généraux sur sa personnalité n’aurait rien révélé d’incompatible avec ses futures fonctions et que l’autorité administrative aurait faussement affirmé à la presse qu’elle se trouvait hors du département au lendemain de la publication, Mme D== n’est pas fondée à soutenir que le préfet de la Réunion aurait commis une faute en refusant de finaliser son recrutement en tant que chef du service de la communication interministérielle ; qu’en l’absence d’illégalité fautive commise par l’administration, les conclusions indemnitaires présentées par Mme D== ne peuvent qu’être rejetées ;

10. Considérant il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de laisser la contribution pour l’aide juridique à la charge de Mme D== ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D== demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1000944 du 22 novembre 2012 du tribunal administratif de Saint Denis de la Réunion est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A== D== présentée devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est rejetée.