Vu la requête sommaire, enregistrée le 30 juillet 2012 et le mémoire complémentaire, enregistré le 23 août 2012, présentés pour la SARL Compagnie de Transport Maritime La SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1000716 du 30 avril 2012 du tribunal administratif de Basse-Terre, qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de la Guadeloupe à leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité de l’arrêté du 10 décembre 1999 du président du conseil général du département de la Guadeloupe ;

2°) de condamner le département de la Guadeloupe à verser une indemnité de 11 121 411 euros à la SARL Compagnie de Transport Maritime et de 1 168 371 euros à M. D== ;

3°) de mettre à la charge du département de la Guadeloupe la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761 1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que par arrêté du 10 décembre 1999 pris sur le fondement de l’article R. 351-2 du code des ports maritimes et portant règlement particulier de police des ports maritimes départementaux de Trois-Rivières, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, le président du conseil général de la Guadeloupe a fixé les créneaux horaires de départ de l'ensemble des vedettes assurant la liaison de service public minimum de desserte de ces trois ports en réservant chacun de ces créneaux à une seule vedette ; que cet arrêté a été annulé par jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 19 juin 2003, confirmé par arrêt de la cour administrative de Bordeaux en date du 6 juin 2006 ; que la SARL Compagnie de Transport Maritime, qui avait conclu le 23 novembre 1989 une convention avec le département de la Guadeloupe en vue de l’exploitation du transport de passagers sur les liaisons entre les ports de Trois-Rivières et de Terre-de-Haut dans l’archipel des Saintes et M. D==, associé de celle-ci et propriétaire d'une des vedettes exploitées par elle, relèvent appel du jugement du 30 avril 2012 du tribunal administratif de Basse-Terre qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation du département de la Guadeloupe à leur verser une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de l’arrêté du 10 décembre 1999 ;

Sur les conclusions dirigées contre le département sur le fondement de la responsabilité pour faute :

2. Considérant que si en principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain, la responsabilité de l'administration ne saurait être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s'est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l'administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que malgré l’intervention de l’arrêté du 10 décembre 1999, la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== ont continué à faire partir, au mépris des dispositions de cet arrêté, plusieurs vedettes dans chacun de leurs anciens créneaux horaires ; qu’en refusant de respecter l’arrêté du président du conseil général de Guadeloupe, ils se sont eux-mêmes placés en situation irrégulière avant l’annulation de cet arrêté par jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 19 juin 2003 ; que du fait de l'embarquement de passagers et/ou de marchandises aux horaires non autorisés par l'arrêté du 10 décembre 1999, ils ont été condamnés, à la demande d’armateurs qui s'estimaient lésés par leur comportement, par ordonnance du 10 mai 2000 du juge des référés du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre qui leur a fait interdiction d'utiliser l'appontement de Trois-Rivières à des fins commerciales, sous astreinte de 15 000 francs par infraction constatée soit par l'agent du port, soit par huissier de justice ou par procès-verbal de gendarmerie ; que cette condamnation a été confirmée par arrêt du 7 mai 2001 de la cour d'appel de Basse-Terre ; que la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== ont été de nouveau condamnés à de lourdes astreintes pour concurrence déloyale par ordonnance du président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 31 décembre 2000 et par ordonnance du 18 janvier 2001 du président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre ; qu’ils soutiennent que, dans la plupart des cas qui leur ont valu ces condamnations, ils n'ont pas volontairement méconnu les dispositions, qu'ils estiment ambiguës, de l'arrêté du 10 décembre 1999 mais en ont fait une application fondée sur l'interprétation que leur en aurait donné l'autorité administrative ; que toutefois en leur indiquant que les dispositions de son arrêté n'interdisaient pas à un armateur d'organiser autant de départs qu'il le souhaite à l'intérieur de son créneau horaire, le président du conseil général de la Guadeloupe n'a donné aucune interprétation erronée de son arrêté dont les dispositions, contrairement à ce que soutiennent les requérants, étaient claires ; que la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== n'apportent aucun élément dont il ressortirait qu'il leur aurait été reproché d'avoir procédé à l'embarquement de passagers dans plusieurs vedettes à partir du même appontement et à l'intérieur du nouveau créneau horaire dont ils disposaient et non d'avoir procédé à de telles opérations en empiétant sur la plage horaire d'autres armements ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== ne sont pas fondés à demander réparation des indemnités, des injonctions et des astreintes prononcées à leur encontre par les juridictions judiciaires, du fait des condamnations rappelées au point 3 ci-dessus, dès lors que les préjudices dont ils demandent réparation à ce titre résultent exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle ils se sont eux-mêmes placés en refusant de respecter l'arrêté du 10 décembre 1999 du président du conseil général de la Guadeloupe avant qu’il ne soit annulé par jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 19 juin 2003 ;

5. Considérant que la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== n'établissent ni même n'allèguent qu'ils auraient fait l'objet de condamnations prononcées pour des faits postérieurs à la date de l'annulation de l'arrêté par le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 19 juin 2003 ou postérieurement à cette date ; qu’au soutien de leur demande tendant à l’indemnisation d’autres préjudices que ceux qui, pour les motifs exposés au point 4, ne sauraient ouvrir droit à réparation, la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== se bornent à faire valoir, d’ailleurs dans la seule demande préalable d'indemnité adressée au département de la Guadeloupe, les conclusions d'une expertise comptable non contradictoire et l'importance de la diminution des produits de leur exploitation entre 1997 et 2001, sans même donner d'évaluation des pertes d'exploitation en résultant ; que de plus, ils n’apportent, à l'appui de leur demande d'indemnisation du préjudice résultant de la perte de valeur du patrimoine personnel de M. D== et de la détérioration de l'état de santé de ce dernier, aucun élément permettant de regarder ces préjudices comme présentant un lien direct de causalité avec l’illégalité de l'arrêté du 10 décembre 1999 du président du conseil général de la Guadeloupe ; qu’ainsi et en tout état de cause, la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== ne sont pas fondés à demander, sur le fondement de la responsabilité pour faute, réparation de l’ensemble des préjudices invoqués ;

Sur les conclusions dirigées contre le département sur le fondement de la responsabilité sans faute :

6. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== n’apportent pas la preuve qui leur incombe d’un lien de causalité direct entre l’ensemble des préjudices qu’ils invoquent et l’intervention de l’arrêté du 10 décembre 1999 fixant la nouvelle répartition des créneaux horaires de départ des vedettes depuis les appontements des ports des Saintes et de Trois-Rivières et autorisant de nouveaux opérateurs à les utiliser ; qu’en se bornant à soutenir que cette mesure n'était pas justifiée par le caractère, regardé à tort comme privilégié, de leur situation antérieure résultant de la conclusion le 23 novembre 1989 par la SARL Compagnie de Transport Maritime avec le département de la Guadeloupe d’une convention en vue de l’exploitation du transport de passagers sur les liaisons entre les ports de Trois-Rivières et de Terre-de-Haut dans l’archipel des Saintes, les requérants n’établissent pas qu’une atteinte excessive aurait été portée à l'équilibre financier de cette convention du fait de l’arrêté pris, dans l'exercice de ses attributions de police du port départemental, par le président du conseil général, et pas davantage qu’ils auraient subi un préjudice excédant ceux que des tiers peuvent être normalement appelés à supporter sans indemnité, dans l’intérêt général ; qu’ainsi faute de prouver l’existence d’un préjudice anormal en lien direct de cause à effet avec l’intervention de l’arrêté du 10 décembre 1999, seul de nature à engager la responsabilité sans faute du département de la Guadeloupe à leur egard, leurs conclusions présentées sur ce terrain ne peuvent qu’être rejetées ;



7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Compagnie de Transport Maritime et M. D== ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article ler : La requête de SARL Compagnie de Transport Maritime et de M. D== est rejetée. Article 2 : Les conclusions du département de la Guadeloupe tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.