Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de l’Indre a émis, le 5 février 2015, un avis favorable à la demande de la société en nom collectif « LIDL » en vue de la création d’un magasin à dominante alimentaire sous l’enseigne « LIDL » d'une surface de vente de 1 271 m², situé 39 avenue d’Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre.

Par un recours enregistré le 5 mars 2015, la société Sodino, propriétaire du bâtiment commercial situé sur le terrain contigu du projet de la société Lidl, a demandé à la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) d’annuler cet avis favorable.

Le 1er juillet 2015, la commission nationale d’aménagement commercial a émis un avis favorable au projet.

Par un arrêté du 3 avril 2015, le maire de La Châtre a délivré à la société Lidl le permis de construire sollicité le 16 décembre 2014 pour la création d’un magasin sur un terrain situé 39 avenue d’Auvergne pour une surface de plancher créée de 1 966 m².

Par un arrêté du 19 novembre 2015, le maire de La Châtre a délivré à la SNC Lidl un permis de construire modificatif pour la création d’un tourne-à-gauche sur la RD 943.

Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance de renvoi n° 1500891 et 1501998, enregistrée le 5 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis, en application de R. 351-3 du code de justice administrative, à la cour administrative d’appel de Bordeaux les requêtes présentées par la société Sodino les 22 mai 2015 et 30 décembre 2015 tendant à l’annulation de ces deux permis de construire.

I. Par la requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 17BX03222, les 22 mai 2015, 12 juin 2015, 11 juillet 2016, 31 janvier 2017, 31 août 2017 et 18 mai 2018 la société Sodino, représentée par Me Page, demande à la cour :

1°) d’annuler le permis de construire accordé le 3 avril 2015 à la SNC Lidl en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploiter et en tant qu’il vaut autorisation de construire ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl le versement d’une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


II. Par la requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 17BX03327, les 30 décembre 2015 et 11 juillet 2016, la société Sodino, représentée par Me Page, demande à la cour :

1°) d’annuler le permis de construire modificatif accordé le 19 novembre 2015 à la SNC Lidl ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl le versement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Saisie le 24 décembre 2014 d’une demande de création d’un magasin à dominante alimentaire sous l’enseigne « LIDL » d’une surface de vente de 1 271 m², situé 39 avenue d’Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre, par transfert et extension d’un magasin existant sur la même zone d’activités de l’autre côté de la RD 943, la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) de l’Indre a émis, le 5 février 2015, un avis favorable à la demande de la société Lidl. Par un recours enregistré le 5 mars 2015, la société Sodino, propriétaire du bâtiment commercial à l’enseigne Super U situé sur le terrain contigu du projet de la société Lidl, a demandé à la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) d’annuler cet avis favorable. Le 1er juillet 2015, la commission nationale d’aménagement commercial a émis un avis favorable au projet. Concomitamment, le 16 décembre 2014, la société Lidl a demandé au maire de La Châtre la délivrance d’un permis de construire un magasin d’une surface de plancher de 1 966 m², sur ce même terrain. Par un arrêté du 3 avril 2015, le maire de La Châtre a délivré le permis de construire sollicité. Le 19 novembre 2015, le maire de La Châtre a délivré à la société Lidl un permis de construire modificatif à l’effet de créer un tourne-à-gauche sur la RD 943. La société Sodino a demandé l’annulation du permis de construire du 3 avril 2015 ainsi que la suspension de son exécution au tribunal administratif de Limoges. Par une ordonnance du 14 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges a mis fin aux effets de l’ordonnance du 4 novembre 2015 par laquelle il avait suspendu l’exécution du permis de construire du 3 avril 2015. Par une ordonnance du 5 octobre 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a transmis à la cour, en application en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, les deux requêtes de la société Sodino tendant à l’annulation d’une part, du permis de construire initial et d’autre part, du permis de construire modificatif.

2. Ces deux requêtes portant sur le même projet et ayant fait l’objet d’une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les fins de non-recevoir :

En ce qui concerne la qualité à agir de la société requérante :

3. Aux termes de l’article L. 227-6 du code de commerce applicable à la société par actions simplifiée (SAS) : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social (…) ». Aux termes de l’article L. 223-18 du même code applicable aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) : « (…) Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. (…) ». Aux termes de l’article 13 des statuts de la société Sodino : « La société est représentée, dirigée et administrée par un président, personne morale ou physique, associé ou non de la société. / Lorsque le président est une personne morale, celle-ci agit au sein de la société par son représentant légal ». Il résulte de l’article 16 des statuts de la SARL Sochadis, présidente de la SAS Sodino, qu’elle est représentée par son gérant.

4. Il ressort des pièces du dossier que les requêtes ont été présentées par un avocat pour la société par actions simplifiée Sodino représentée par « ses représentants légaux ». La commune de La Châtre ayant soulevé une fin de non-recevoir tirée de ce que l’identité de ces représentants n’était pas indiquée et que les mandats les habilitant à ester en justice au nom de la société n’étaient pas produits, la société a versé au dossier ses statuts ainsi que ceux de la SARL Sochadis, sa présidente, faisant apparaître le nom des représentants légaux des sociétés, à savoir le président de la SAS Sodino, et le gérant de la SARL Sochadis. La commune de La Châtre ne faisant valoir aucune circonstance de nature à justifier l’absence de qualité pour agir du gérant de la SARL Sochadis, alors que cette personne tire des dispositions des articles L. 227-6 et L. 223-18 du code de commerce la qualité pour agir en justice au nom de la société Sodino, la fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

En ce qui concerne l’intérêt pour agir de la société requérante :

5. Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme : « Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient (…) ».

6. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société Sodino est propriétaire des parcelles contigües du terrain d’assiette du projet de la société Lidl, qui exploite actuellement un commerce alimentaire de détail au 48 avenue d’Auvergne sur le territoire de la commune de La Châtre, en face du projet. Le projet de la société Lidl consiste en la création d’un magasin au 39 de l’avenue d’Auvergne, sur le même côté de la RD 943 que celui de la société requérante. S’il ressort du dossier de demande présenté devant la commission départementale d’aménagement commercial que le projet ne devrait générer, sur la RD 943, qu’un trafic supplémentaire de 31 véhicules par jour sur un flux moyen journalier de 7 156 véhicules, la réalisation du projet consistant en l’agrandissement du magasin Lidl et le déplacement de son accès sur le même côté de l’avenue d’Auvergne et à quelques mètres de celui exploité par la société requérante, doit être regardée comme de nature à affecter directement, notamment par la modification des flux de circulation, les conditions d’utilisation du bien de la société Sodino. Par suite, la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la société requérante au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, ne peut être accueillie.

En ce qui concerne le délai de contestation du permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale :

8. La loi du 18 juin 2014 prévoit que la décision unique par laquelle l’autorité compétente octroie un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, d’une part par les personnes mentionnées au I de l’article L. 752-17 du code de commerce, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d’être affectée par celui-ci et, d’autre part, par les personnes mentionnées à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, au nombre desquelles figurent notamment celles pour lesquelles la construction est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elles détiennent ou occupent régulièrement. Pour chacune de ces deux catégories de requérants, l’article L. 600-1-4, introduit au code de l’urbanisme par la loi du 18 juin 2014, fixe des dispositions qui leur sont propres dans les termes suivants : « Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 752-17 du code de commerce d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l’appui de telles conclusions. / Lorsqu’il est saisi par une personne mentionnée à l’article L. 600-1-2 d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l’article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l’annulation de ce permis qu’en tant qu’il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploitation commerciale sont irrecevables à l’appui de telles conclusions ».

9. Dans tous les cas où la Commission nationale d’aménagement commercial, régulièrement saisie, est amenée à rendre son avis après la délivrance du permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale, la publication de cet avis dans les conditions fixées à l’article R. 752-39 du code de commerce ouvre, à l’égard des requérants mentionnés au I de l’article L. 752-17 du code de commerce, y compris si le délai déclenché dans les conditions prévues par l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme est expiré, un délai de recours de deux mois contre le permis. Il en va de même lorsque, quelles que soient les conditions de publication de l’avis, celui-ci a fait l’objet d’une notification à la société requérante.

10. En l’espèce, la requête n’avait initialement pour objet que de contester le permis de construire en tant qu’il vaut autorisation d’urbanisme. En ajoutant, par mémoire du 18 mai 2018, présenté au demeurant plus de deux mois après l’arrêt n° 15BX03035 du 14 décembre 2017, dont la requérante a reçu notification le 16 décembre 2017, rejetant comme irrecevable la requête de la société Sodino dirigée contre l’avis du 1er juillet 2015 de la commission nationale d’aménagement commercial, des conclusions tendant à l’annulation du permis de construire du 3 avril 2015 en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale, la société ne s’est pas bornée à présenter des moyens nouveaux contre une même décision, mais a modifié l’objet même de sa demande. Ces conclusions nouvelles présentées postérieurement à l’expiration du délai de deux mois courant de la notification de cet avis, alors qu’il ressort du mémoire enregistré le 1er septembre 2015 qu’elle en avait connaissance, sont tardives et par suite irrecevables.

Sur les conclusions à fin d’annulation des permis en tant qu’ils valent autorisation d’urbanisme :

En ce qui concerne le permis de construire modificatif délivré le 19 novembre 2015 :

11. Aux termes de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme : « Lorsque le projet aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique dont la gestion ne relève pas de l'autorité compétente pour délivrer le permis, celle-ci consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon particulière les conditions d'accès à ladite voie ».

12. Il ressort des pièces du dossier que le maire de La Châtre a consulté le conseil départemental, gestionnaire de la voirie, lors de l’instruction du permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 prévoyant un tourne-à-gauche sur la RD 943. Par un arrêté du 7 décembre 2015, régulièrement affiché et publié, le président du conseil départemental a donné délégation à Mme Nadine Bellurot, vice-présidente du conseil départemental, à l’effet de signer les actes relatifs aux routes et aux biens départementaux, à l’exclusion des lettres de commande, des marchés ou tout engagement juridique relatif à la commande publique. Contrairement à ce que soutient la société Sodino, cette délégation n’était pas trop générale, et Mme Bellurot était donc compétente pour signer l’avis du 16 novembre 2015.

13. Aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ». Aux termes de l’article 3 du règlement du plan local d’urbanisme applicable à la zone UY : « (…) Les accès ne seront autorisés que si leurs caractéristiques permettent de satisfaire aux règles minimales de desserte (défense contre l'incendie, protection civile, enlèvement des ordures ménagères) et présentent toutes les garanties de sécurité pour les usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. / Lorsque le terrain est riverain de 2 ou plusieurs voies, l’accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / La réalisation de tout projet peut être subordonnée : / a) à la création d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux besoins de l'immeuble à construire / b) à la création de voies privées ou de tous autres aménagements particuliers nécessaires au respect des conditions de sécurité. / Lorsque le terrain est riverain de 2 ou plusieurs voies, l'accès sur celle de ces voies qui présenterait une gêne ou un risque pour la circulation peut être interdit. / 3°) les voies publiques doivent avoir des caractéristiques répondant à l'importance ou à la destination de l'immeuble et être adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie (…) ».

14. D’une part, si la société Sodino fait valoir qu’un second accès envisagé par le chemin de la Croix Saint Félix, à l’arrière du terrain d’assiette, affecté exclusivement aux poids lourds, est au regard de son tracé et de sa largeur, source d’insécurité, cette branche du moyen est inopérante au regard de l’objet du permis de construire modificatif, qui se borne à prévoir un tourne-à-gauche sur la RD 943.

15. D’autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis favorable sans réserve du conseil départemental du 16 novembre 2015, qu’à l’issue d’une campagne de comptage réalisée du 6 au 14 janvier 2015, le trafic journalier moyen sur la RD 943, classée route à grande circulation, a été évalué à 6 467 véhicules légers et à 689 poids lourds dans les deux sens confondus. Il ressort du dossier que le trafic moyen estimé par la SNC Lidl pour le magasin actuel était de 627 véhicules par jour, soit un flux complémentaire de trente et un véhicules. Si la société Sodino estime que ce flux complémentaire est minimisé en raison de la commercialisation du bâtiment exploité actuellement par la société Lidl, à la date de la délivrance du permis de construire attaqué, il n’existait aucune certitude sur la reconversion du site de l’actuel magasin. Au vu de ces conditions de circulation, et bien que le guide d’aménagement des carrefours urbains ne recommande aucun aménagement spécifique pour un trafic de moins de 300 véhicules légers par heure pour le mouvement de tourne-à-gauche, le département a demandé la création d'une voie de tourne-à-gauche pour les véhicules en provenance du centre-ville de La Châtre afin de ne pas impacter le trafic en transit. En outre, cet avis recommande l’instauration d’une interdiction de tourner à gauche en manœuvre de sortie du parc de stationnement afin d’éviter les conflits avec les véhicules circulant sur la RD 943. Le permis de construire modificatif du 19 novembre 2015 reprend en ses articles 2 et 3 les deux prescriptions du conseil départemental, qui ont pris en compte un dossier prévoyant une voie centrale de 23 mètres permettant le stockage de cinq à six véhicules en attente de tourner à gauche. Si la société Sodino soutient que le positionnement de l’accès du magasin projeté est source de dangerosité et d’insécurité au vu notamment d’une rupture topographique réduisant la visibilité, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis du conseil départemental du 18 février 2015, que les distances de visibilité au droit de l’accès véhicules légers projeté sont satisfaisantes au vu des vitesses pratiquées. En outre, si la société Sodino fait état d’accidents survenus entre 2000 et 2014, seuls cinq accidents sont situés sur la commune de La Châtre et trois d’entre eux ont eu lieu en dehors des heures d’ouverture des grandes surfaces existantes. Ces seuls chiffres ne suffisent donc pas à démontrer le caractère dangereux de la portion de route concernée par le projet, laquelle se trouve au demeurant entre deux giratoires, l’un à 400 mètres au Nord du projet et l’autre, celui desservant la société requérante, à deux cents mètres au Sud de l’accès envisagé. Le projet prévoit par ailleurs le déplacement du passage piéton et un aménagement en deux temps permettant une traversée sécurisée. Enfin, la circonstance que l’implantation de l’enseigne Grand Frais sur la commune de Poinçonnet ait nécessité l’aménagement d’un terre-plein central interdisant tout franchissement de la RD 943 n’a pas d’incidence, dès lors que ce projet portait sur des flux de circulation plus importants de 35 % à 40 % par rapport à ceux liés à la création du magasin Lidl. Dans ces conditions, la société Sodino n’est pas fondée à soutenir que le projet méconnaîtrait les dispositions des articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 3 du règlement du plan local d’urbanisme applicable à la zone UY.

En ce qui concerne les moyens développés à l’encontre du permis de construire initial délivré le 3 avril 2015 :

16. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

17. Il ressort des pièces du dossier que le conseil départemental a émis, le 18 février 2015, un avis favorable au projet sous réserve de respecter deux conditions : la réalisation d’un tourne-à-gauche et une interdiction de tourner à gauche lors de la sortie des véhicules du parc de stationnement vers le domaine public routier départemental. La société Sodino soutient que l’arrêté du 3 avril 2015 méconnaît l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme en ce que la seconde réserve émise par le conseil départemental n’a pas été reproduite dans le corps de l’arrêté. Ainsi qu’il a été indiqué au point 14, le permis de construire modificatif reprend en ses articles 2 et 3 les prescriptions du service gestionnaire de la voirie, l’instauration d’un tourne-à-gauche ainsi que l’interdiction de tourner à gauche en manœuvre de sortie du parc de stationnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 423-53 du code de l’urbanisme est inopérant.

18. Aux termes de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (…) ».

19. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que le plan de masse représente les dispositifs de recueil des eaux pluviales par des pointillés violets et matérialise le bassin de rétention en indiquant qu’il est destiné aux eaux pluviales. Les dispositifs de cheminement et de raccordement au réseau prévus pour la gestion des eaux usées sont également identifiés par une couleur bleue. Par suite, la société Sodino n’est pas fondée à soutenir que le plan de masse ne respecterait pas les dispositions de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme.

20. D’une part, ainsi qu’il a été indiqué au point 14, la société Sodino n’établit pas que les aménagements prévus au projet sur la RD 943 seraient insuffisants pour assurer la sécurité publique.

21. D’autre part, il ressort du dossier de demande présenté devant la commission départementale d’aménagement commercial que l’activité du magasin projeté génèrera 9 camions de livraison par semaine, qui accéderont au quai de livraison depuis un accès différent par le chemin de La Croix Félix relié à la réserve, au fond de la parcelle, sans passer par le parking clientèle, afin d’assurer une sécurisation des flux voitures de la clientèle. La société Sodino soutient que l’accroissement des flux de poids lourds sur ce chemin sera, au regard de son tracé et de sa largeur, source d'insécurité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce chemin qui dessert actuellement le magasin « Super U » ainsi que l’entreprise Berry Environnement, est rectiligne et présente une largeur de chaussée d’environ cinq mètres, sans compter les accotements. Eu égard à son utilisation actuelle et au faible trafic supplémentaire généré par le magasin Lidl, il n’est pas établi que cet accès présenterait une gêne ou un risque pour la circulation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 111-2 du code de l’urbanisme et 3 des dispositions du plan local d’urbanisme applicables à la zone UY doit être écarté.

22. Aux termes de l’article L. 332-28 du code de l’urbanisme : « Les contributions mentionnées ou prévues au c du 2° de l'article L. 332-6-1, au d du 2° du même article, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, et à l'article L. 332-9 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 précitée ». Aux termes de l’article L. 332-6-1 du même code : « Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (…) c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 ». Aux termes de l’article L. 332-7 du code de l’urbanisme : « L'illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des contributions aux dépenses d'équipements publics est sans effet sur la légalité des autres dispositions de l'autorisation de construire (…) ». Aux termes de l’article L. 332-8 du même code : « Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels ».

23. La société Sodino fait valoir que l’arrêté du 3 avril 2015 méconnaît l’article L. 332-28 du code de l’urbanisme en ce qu’il ne prescrit pas la participation destinée à financer l’aménagement d’une voie centrale destinée aux manœuvres de tourne-à-gauche depuis la RD 943 pour accéder au magasin Lidl. Toutefois, une telle participation est bien prescrite par l’article 3 du permis de construire initial, et cette prescription n’a nullement été supprimée par le permis de construire modificatif. Par suite, ce moyen ne peut qu’être écarté.

24. Si la société Sodino fait également valoir que la participation prévue par la convention signée avec la commune et le département méconnaîtrait l’article L.332-8 du code de l’urbanisme en ce que les travaux de tourne-à-gauche ne relèvent pas de la notion d’équipement public exceptionnel susceptible d’être mis à la charge du pétitionnaire, elle ne peut utilement soulever un tel moyen alors qu’il n’est pas contesté que la société pétitionnaire, seule en mesure de s’en plaindre, a accepté de financer intégralement le coût de réalisation de cet équipement, et que l’illégalité d’une participation ne serait en tout état de cause pas de nature à affecter, en vertu de l’article L.332-7 du code de l’urbanisme, la légalité de l’autorisation d’urbanisme.

25. Aux termes de l’article UY7 du plan local d’urbanisme : « Pour les activités industrielles, artisanales ou commerciales: / La distance horizontale de tout point d'un bâtiment au point le plus proche de la limite parcellaire doit être au moins égale à 5 m (…) ».

26. Contrairement à ce que soutient la société Sodino, la façade nord-est du bâtiment projeté est située à 5 mètres de la limite séparative. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article UY7 manque en fait.

27. Aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme : « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ». Aux termes de l’article UY 11 du plan local d’urbanisme : « Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. / Il est recommandé de consulter, préalablement à tout projet de construction, les services ou organismes de conseil en matière d'architecture ». Ces dispositions ont le même objet que celles, également invoquées par les requérants, de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c’est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d’urbanisme que doit être appréciée la légalité de la décision attaquée.

28. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le bâtiment commercial projeté, de teinte neutre et claire, présentant des ouvertures et baies vitrées sur les façades donnant sur les voies publiques, malgré son importance, porterait atteinte au bâti environnant, principalement constitué d’établissements commerciaux le long de l’avenue d’Auvergne, dépourvus d’ailleurs d’attrait particulier. La circonstance que la société Lidl n’ait pas consulté les services de conseil en matière d’architecture n’a pas d’incidence sur la légalité du permis de construire dès lors que l’article UY11 n’instaure qu’une recommandation et non une obligation. Ainsi, le projet ne méconnaît pas les dispositions précitées.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sodino n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêtés des 3 avril 2015 et 19 novembre 2015.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :



30. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Lidl, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Sodino au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Sodino les sommes de 2 000 euros que demandent la commune de La Châtre et la société Lidl sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de la société Sodino sont rejetées.

Article 2 : La société Sodino versera à la commune de La Châtre une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Sodino versera à la société Lidl une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.