Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) des Landes, par une décision du 8 novembre 2013, a autorisé la société civile immobilière (SCI) Ondres à procéder à l’extension du « Pôle commercial et de loisirs du Seignanx » situé sur la commune d’Ondres par la création, sur une surface de 25 000 mètres carrés, d’un nouvel ensemble dénommé « Les allées shopping » et composé d’une grande surface spécialisée dans le bricolage d’une surface de vente de 13 000 mètres carrés et de six grandes et moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la maison de surfaces de vente comprises entre 600 et 4 000 mètres carrés, portant la surface totale de l’ensemble du pôle commercial à 78 910 mètres carrés.

Par deux recours enregistrés respectivement sous les n°s 2 103-T et 2 111-T, la société Bricorama France d’une part, et les sociétés par actions simplifiées Campas Distribution et Sodibay d’autre part, ont demandé à la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) d’annuler cette autorisation.

Par une décision en date du 5 mars 2014, la commission nationale d’aménagement commercial a, d’une part, déclaré le recours n° 2 111-T irrecevable et d’autre part, admis le recours n° 2 103-T exercé par la société Bricorama et annulé l’autorisation précitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 juin 2014 et complétée le 13 avril 2015, la société civile immobilière Ondres, représentée par Me Courrech, demande à la cour :



1°) d’annuler la décision du 5 mars 2014 de la Commission nationale d’aménagement commercial ayant annulé l’autorisation accordée par la commission départementale d'aménagement commercial des Landes le 8 novembre 2013 ;

2°) d’enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau dans un délai de quatre mois à compter de l’arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu : - le code de commerce ; - la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ; - le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud, - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ; - et les observations de Me Courrech, avocat de la SCI Ondres ;

Considérant ce qui suit :



1. Par une décision du 8 novembre 2013, la commission départementale d’aménagement commercial des Landes a délivré à la société civile immobilière (SCI) Ondres l’autorisation de procéder à l’extension du « Pôle commercial et de loisirs du Seignanx » situé sur la commune d’Ondres, autorisé pour 53 910 mètres carrés de surface de vente mais non encore réalisé, par la création, sur une surface de 25 000 mètres carrés d’un nouvel ensemble dénommé « Les allées shopping » et composé d’une grande surface spécialisée dans le bricolage d’une surface de vente de 13 000 mètres carrés et de six grandes et moyennes surfaces spécialisées dans l’équipement de la maison de surfaces de vente comprises entre 600 et 4 000 mètres carrés, portant la surface totale de l’ensemble du pôle commercial à 78 910 mètres carrés. La société Bricorama France d’une part, et les sociétés par actions simplifiées (SAS) Campas Distribution et Sodibay d’autre part, qui exploitent des grandes surfaces dans la zone de chalandise de l’ensemble commercial en litige, ont formé un recours contre cette décision auprès de la Commission nationale d’aménagement commercial. La SCI Ondres doit être regardée comme sollicitant l’annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 5 mars 2014 uniquement en tant qu’elle statue sur le recours de la société Bricorama France en annulant l’autorisation délivrée par la commission départementale, le recours présenté par les sociétés Campas Distribution et Sodibay ayant été rejeté comme tardif, et par suite irrecevable.

Sur la légalité de la décision du 5 mars 2014 :

2. L’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat prévoit que : « La liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celles-ci s’exercent dans le cadre d’une concurrence claire et loyale. /Le commerce et l’artisanat ont pour fonction de satisfaire les besoins des consommateurs, tant en ce qui concerne les prix que la qualité des services et des produits offerts. Ils doivent participer au développement de l’emploi et contribuer à accroître la compétitivité de l’économie nationale, animer la vie urbaine et rurale et améliorer sa qualité. /Les pouvoirs publics veillent à ce que l’essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l’emploi». Aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce, « Les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu’au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. /Dans le cadre d’une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l’évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d’achat du consommateur et à l’amélioration des conditions de travail des salariés ». Selon l’article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : «Lorsqu’elle statue sur l’autorisation d’exploitation commerciale visée à l’article L. 752-1, la commission départementale d’aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d’évaluation sont : / (…) 1° En matière d’aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne /b) L’effet du projet sur les flux de transports.(…) /2° En matière de développement durable : /a) La qualité environnementale du projet / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs.». Il appartient aux commissions d’aménagement commercial, lorsqu’elles se prononcent sur un projet d’exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l’article L. 752-1 du code de commerce, d’apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l’article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du même code. L’autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

3. Pour annuler l’autorisation d’exploiter délivrée par la commission départementale d’aménagement commercial des Landes, la commission nationale a estimé que le projet n’était pas compatible avec les critères énoncés à l’article L. 752-6 du code de commerce aux motifs que le projet apparaît prématuré, qu’il participe à la consommation d’espace agricole et à l’étalement urbain et qu’il risque de fragiliser les commerces du centre-ville de Bayonne et des communes avoisinantes.

4. D’une part, il appartient à la Commission nationale d'aménagement commercial d’apprécier non pas l’opportunité d’un projet mais sa compatibilité avec les objectifs prévus à l’article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l’article L. 750-1, conformément aux critères d’évaluation mentionnés à l’article L. 752-6 du code de commerce. Dès lors, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait utilement fonder sa décision sur le caractère « prématuré » du projet en relevant que la première phase n’avait pas encore été réalisée.

5. D’autre part, si les ministres chargés de l’urbanisme et de l’environnement ont émis un avis réservé « car le projet est consommateur d’espace » notamment agricole, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d’instruction, que le terrain d’assiette du projet, qui se situe à 1,5 km du centre de la commune d’Ondres, le long de l’autoroute A 63 et à proximité immédiate de zones d’habitations, ne présente aucune caractéristique naturelle remarquable, est situé dans la zone Uéc du plan local d'urbanisme d’Ondres, laquelle est destinée à l’accueil d’activités économiques, commerciales et de loisirs, et est inséré dans une zone d’aménagement commercial. Dès lors, en retenant que le projet favoriserait l’étalement urbain et entraînerait une consommation excessive de foncier, la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d’appréciation.

6.Enfin, les grandes et moyennes surfaces commerciales envisagées portent exclusivement sur l’équipement de la maison et n’apparaissent pas susceptibles, dans une zone en forte croissance démographique, de bouleverser les équilibres avec les commerces de centre-ville de l’agglomération de Bayonne. Dans ces conditions, et alors que le projet rééquilibrera l’offre dans ce secteur par rapport à la zone située au sud de l’Adour, comme l’a souligné le ministre chargé du commerce dans son avis favorable, la Commission nationale d'aménagement commercial a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que le projet compromettait l’objectif d’aménagement du territoire.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCI Ondres est fondée à demander l’annulation de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 5 mars 2014 en tant qu’elle statue sur le recours numéro 2103 T.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

8. Le présent arrêt implique nécessairement que la commission nationale procède à un nouvel examen du recours formé par la société Bricorama France enregistré sous le numéro 2103 T dont elle se trouve à nouveau saisie. Il y a lieu d’enjoindre un tel réexamen dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.




Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SAS Bricorama France au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à la SCI Ondres d’une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d’aménagement commercial du 5 mars 2014 est annulée en tant qu’elle a statué sur le recours numéro 2103 T.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d’aménagement commercial de réexaminer le recours numéro 2103 T dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à la SCI Ondres la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SAS Bricorama France présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.