délais de recours contentieux – interruption par un recours administratif préalable – recours adressé par erreur par un agent à une autorité administrative subordonnée à celle compétente pour traiter ce recours – caractère interruptif du délai : oui
Par Benoît le vendredi 8 mars 2019, 09:22 - PROCEDURE - Lien permanent
Un professeur agrégé en fonction dans un institut universitaire de technologie de Saint-Pierre (La Réunion) mais rattaché administrativement à un lycée d’enseignement professionnel, a entendu contester sa notation au titre de l’année scolaire 2014-2015, établie par le ministre chargé de l’éducation nationale. Il a formé auprès du recteur un recours gracieux à l’encontre de celle-ci, le 29 février 2016, puis a saisi le tribunal administratif de La Réunion d’une demande tendant à l’annulation de cette notation. Mais, cette juridiction a rejeté sa demande comme irrecevable au motif que le recours effectué par l’enseignant concerné n’avait pas eu pour effet de prolonger le délai de recours contentieux dès lors qu’il était adressé à tort au recteur de l’académie de La Réunion, lequel n’était pas l’auteur de la notation attaquée et n’était donc pas compétent pour se prononcer sur ce recours.
La cour censure ce raisonnement en relevant que lorsqu’un recours a été adressé par erreur à un service ou à une autorité subordonnés à l’autorité compétente pour en connaître ce service ou cette autorité est tenu de le transmettre à cette dernière, y compris lorsque sont en cause les relations de l’administration avec ses agents.
En effet, l’appelant n’invoquait pas l’article L. 114-2 du code des relations entre le public et l’administration, qui instaure une obligation générale de transmission à l’administration compétente, qui n’est pas applicable aux relations de l’administration avec ses agents, en vertu de l’article L. 114-1 du même code. La cour a par conséquent estimé que rien ne faisait obstacle à l’application à l’espèce du principe jurisprudentiel en vertu duquel le recours adressé au service ou à l’autorité subordonnés à l’autorité compétente interrompt le délai de recours contentieux.
Voir Conseil d’État Section 28/07/1951 Compagnie immobilière des téléphones (Recueil Lebon p. 477). Voir aussi, dans un cas plus proche de notre espèce : Conseil d’État 9/03/1983 Syndicat intercommunal des services d’incendie de Joeuf et Homécourt n° 34726 publié aux Tables du Recueil Lebon (obligation de transmission d’une autorité à l’autorité compétente quand elle participe de son activité ; cas d’un pompier contestant sa révocation).
Arrêt n°18BX03751 - 2ème chambre – 5 mars 2019 – M. F=== - C+
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J==-P== F== a demandé au tribunal administratif de La Réunion l’annulation de sa notation établie par le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche pour l’année scolaire 2014-2015.
Par un jugement n° 1600679 du 26 juillet 2018 le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2018, M. F==, représenté par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 26 juillet 2018 ;
2°) d’annuler la décision du 8 janvier 2016 par laquelle le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a établi sa notation au titre de l’année scolaire 2014-2015, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 29 février 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l’État le paiement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 8 janvier 2016 le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a établi la notation de M. F==, professeur agrégé en fonction à l’institut universitaire de technologie de Saint-Pierre (La Réunion) et rattaché administrativement à un lycée d’enseignement professionnel, au titre de l’année scolaire 2014-2015 en lui attribuant la note globale de 87/100. L’intéressé a formé un recours gracieux à l’encontre de cette décision, le 29 février 2016, puis a saisi le tribunal administratif de La Réunion d’une demande tendant à l’annulation de cette notation. Il relève appel du jugement du 28 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande comme irrecevable.
2. En vertu des dispositions du premier alinéa de l’article R. 421-1 du code de justice administrative la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Cependant, l’exercice dans ce délai de deux mois d’un recours administratif à l’encontre d’une décision a pour conséquence de conserver ce délai, qui ne recommence à courir qu’à compter de l’intervention d’une décision rejetant ce recours. Lorsque celui-ci a été adressé par erreur à un service ou une autorité subordonnés à l’autorité compétente pour en connaître, ce service ou cette autorité est tenu de le transmettre à cette dernière, y compris lorsque sont en cause les relations de l’administration avec ses agents.
3. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que le recours formé le 29 février 2016 par M. F== à l’encontre de la décision ministérielle du 8 janvier 2016 établissant sa notation au titre de l’année scolaire 2014-2015 doit être regardé comme ayant conservé le délai de recours contentieux à l’encontre de cette décision alors même que ce recours a été adressé au recteur de l’académie de la Réunion et non au ministre chargé de l’éducation nationale. Dans ces conditions, la requête enregistrée le 6 juin 2016 au greffe du tribunal administratif de La Réunion n’était pas tardive, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges.
4. Il résulte de ce qui précède que M. F== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa requête comme irrecevable. Par suite, il est également fondé à demander l’annulation de ce jugement.
5. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer M. F== devant le tribunal administratif de La Réunion pour qu’il soit à nouveau statué sur sa demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme que demande M. F== au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 28 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : M. F== est renvoyé devant le tribunal administratif de La Réunion pour qu’il soit statué sur sa demande.