Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J a demandé au tribunal administratif de la Martinique d’annuler la décision du 16 octobre 2015 par laquelle le directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique a rejeté sa candidature à deux emplois de psychologue du travail, et de condamner Pôle emploi Martinique à lui verser les sommes de 50 000 et 80 000 euros en réparation des préjudices financier et moral que lui a causé l’illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1800632 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 16 octobre 2015, enjoint à Pôle emploi de procéder au réexamen de la situation de Monsieur J et rejeté le surplus des conclusions de M. J.

Procédure devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 26 novembre 2019, sous le n° 19BX04529, et un mémoire enregistré le 27 mai 2021, Pôle Emploi, représenté par Me Lonqueue, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 en tant qu’il a annulé la décision du 16 octobre 2015 par laquelle le directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique a rejeté la candidature de M. J à deux emplois de psychologue du travail, enjoint à Pôle emploi de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de Pôle emploi la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté ses conclusions présentées au même titre ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. J devant le tribunal ;

3°) mettre à la charge de M. J une somme de 5 000 euros au titre des frais exposés pour l’instance.

……………….

Par un mémoire enregistré le 28 avril 2021, M. J, représenté par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Pôle emploi au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

……………………..

II. Par une requête enregistrée le 4 décembre 2019 sous le n° 19BX04698 et un mémoire enregistré le 28 avril 2021, M. J, représenté par la SCP Foussard-Froger, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 en tant qu’il n’a pas statué sur ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner Pôle emploi Martinique à lui verser une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice financier ainsi qu’une somme de 80 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

3°) d’enjoindre à Pôle emploi Martinique de le déclarer éligible à un poste de psychologue du travail niveau IV B à compter du 16 octobre 2015 ;

4°) de mettre à la charge de Pôle emploi Martinique une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………..

Par un mémoire enregistré le 3 février 2021, Pôle Emploi, représenté par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. J au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

…………………… Considérant ce qui suit : 1. M. J a été recruté par l’Agence nationale pour l’emploi à compter du 1er décembre 1985, en qualité d’agent contractuel. Lors de la création de Pôle emploi par la loi du 13 février 2008, relative à la réforme du service public de l’emploi, il a souhaité conserver son statut d’agent contractuel de droit public de niveau III. En 2014, il a présenté sa candidature à deux postes de psychologue du travail, niveau IV B, au sein de Pôle emploi. Par une décision du 16 octobre 2015, le directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique a rejeté les candidatures de M. J à ces deux postes. Par une première requête, enregistrée sous le n° 19BX04529, Pôle Emploi demande à la cour d’annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 en tant qu’il a annulé, à la demande de M. J, cette décision du 16 octobre 2015. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 19BX04698, M. J demande à la cour d’annuler ce jugement en tant qu’il n’a pas statué, dans le dispositif de sa décision, sur ses conclusions indemnitaires. 2. Les requêtes n° 19BX04529 et 19BX04698 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions semblables. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué : 3. En premier lieu, la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du conseiller-rapporteur et de la greffière de l’audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement n’a pas été signé, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 741-7 du code de justice administrative, doit être écarté comme manquant en fait. 4. En second lieu, le tribunal, après avoir considéré que les conclusions indemnitaires présentées par M. J étaient irrecevables, a omis de statuer sur ces conclusions dans le dispositif de son jugement. Par suite, et alors même que les premiers juges se sont prononcés sur ces conclusions dans les motifs de leur décision, M. J est fondé, dans la mesure de cette omission, à demander l’annulation, pour irrégularité, du jugement. 5. Il résulte de ce qui précède qu’il a lieu pour la cour de statuer, par voie d’évocation, sur les conclusions indemnitaires présentées par M. J en première instance et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel pour le surplus. Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 16 octobre 2015 : 6. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « (…) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ». Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse du 16 octobre 2015 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours, ce qui faisait obstacle au déclenchement du délai de recours de deux mois prévu par les dispositions précitées. 7. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance. Un requérant, qui saisit la juridiction judiciaire, alors que la juridiction administrative était compétente, conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. Il est recevable à saisir la juridiction administrative jusqu’au terme d’un délai de deux mois à compter de la notification, de la signification ou de sa connaissance de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s’est, de manière irrévocable, déclarée incompétente. 8. Il ressort des pièces du dossier que M. J a eu connaissance de la décision en litige du 16 octobre 2015 au plus tard le 23 décembre 2015, date à laquelle il a saisi le tribunal d'instance de Fort-de-France d’une demande tendant, notamment, à son annulation. Ce tribunal s’est déclaré incompétent pour statuer sur cette demande par un jugement, dont il n’est pas contesté qu’il est devenu irrévocable, du 29 mai 2017. Si la date à laquelle ce jugement aurait été notifié ou signifié à M. J ne ressort pas des pièces du dossier, ces pièces permettent néanmoins d’établir que l’intéressé a eu connaissance du jugement d’incompétence au plus tard le 5 juillet 2018, quand Pôle Emploi l’a produit dans un autre litige en référé devant le conseil de prud’hommes de Fort-de-France auquel M. J était partie. En conséquence, M. J disposait d’un nouveau délai de deux mois à compter du 5 juillet 2018 pour saisir le tribunal administratif d’un recours contre la décision en litige. Ce n’est que le 23 octobre 2018 que M. J a soumis au tribunal administratif de la Martinique sa demande d’annulation de la décision du 16 octobre 2015. Par suite, Pole emploi est fondé à soutenir qu’à la date du 23 octobre 2018, M. J n’était plus recevable à saisir cette juridiction. 9. Il résulte de ce qui précède que Pôle emploi est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé la décision du 16 octobre 2015 par laquelle le directeur des ressources humaines de Pôle emploi Martinique a rejeté sa candidature à deux emplois de psychologue du travail, lui ont enjoint de procéder au réexamen de la situation de M. J dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce jugement et ont mis à sa charge de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Dès lors, Pôle emploi est fondé à demander, dans cette mesure, l’annulation de ce jugement. Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires : 10. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction résultant du décret du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : « (…) Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ». 11. Il résulte de ces dispositions qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées. 12. Il ne résulte pas de l’instruction que M. J ait, par une demande préalable, sollicité de Pôle emploi l’indemnisation des préjudices qu’il aurait subis à raison de l’illégalité alléguée de la décision du 16 octobre 2015. Par suite, le contentieux n’ayant pas été lié par le rejet d’une telle demande, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires de M. J comme irrecevables. Sur les frais exposés pour l’instance : 13. En premier, lieu, il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. J la somme que demande Pôle Emploi au titre des frais qu’il a exposés pour l’instance devant le tribunal administratif. 14. En second lieu, il n’y pas davantage lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu’elles ont exposés pour l’instance devant la cour. DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800632 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de la Martinique, en tant qu’il n’a pas statué sur les conclusions indemnitaires de M. J est, ainsi que ses articles 1er, 2 et 3, annulé.



Article 2 : Les conclusions indemnitaires présentées par M. J sont rejetées.



Article 3 : le surplus des conclusions présentées par les parties devant le tribunal administratif et devant la cour est rejeté.

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