Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat interdépartemental mixte pour l’équipement rural (SIMER) a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le groupement Ebhys-Stadler à lui verser une somme de 610 133 euros HT au titre des travaux de mise en conformité de la chaîne de tri ainsi qu’une somme de 373 459, 40 euros HT au titre de son préjudice d’exploitation.

Par un jugement n° 1301621 du 18 novembre 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2016, le syndicat interdépartemental mixte pour l’équipement rural (SIMER), représentée par Me Arzel, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 novembre 2015 ;

2°) de condamner le groupement Ebhys-Stadler à lui verser une somme de 610 133 euros HT au titre des travaux de mise en conformité de la chaîne de tri ainsi qu’une somme de 373 459, 40 euros au titre de son préjudice d’exploitation arrêté au 31 décembre 2012 ;



3°) de mettre à la charge du groupement précité les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 34 880,20 euros ;



4°) de mettre à la charge du groupement Ebhys-Stadler le paiement de la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. En vue de l'attribution d'un marché de modernisation de la chaîne de tri des déchets qu’il gère sur le territoire de la commune de Sillars (Vienne), le syndicat interdépartemental mixte pour l'équipement rural (SIMER), dont le siège est à Montmorillon, a lancé le 8 avril 2010 une procédure de dialogue compétitif au terme de laquelle l'offre du groupement constitué par les sociétés Ebhys et Stadler a été retenue pour un montant de 931 971,76 euros HT. À l’issue des opérations préalables à la réception des travaux, le syndicat a procédé à cette réception par une décision du 25 février 2011, prenant effet au 10 janvier 2011, en l'assortissant de réserves portant notamment sur la capacité de production horaire de la chaîne de tri. La campagne de mesures complémentaires conduite par l'attributaire du marché les 31 mars et 1er avril 2011 a montré que la performance minimale à atteindre, fixée par le cahier des clauses techniques particulières à quatre tonnes par heure pour une ligne de tri, exigeait des opérateurs de tri un nombre de gestes évalués à 3 700 par heure.

2. Le SIMER, ayant estimé que l'attributaire du marché s'était engagé, dans le mémoire technique annexé à son offre, à ce que la cadence ne dépassât pas 2 200 gestes par heure pour les onze opérateurs en poste, a mis en demeure le groupement de prévoir les aménagements nécessaires pour répondre aux exigences du marché dans un délai de trois mois. Estimant n'avoir reçu aucune proposition satisfaisante dès lors que l’augmentation du nombre d’opérateurs de tri de onze à treize faite par l’attributaire du marché, d’une part, méconnaissait les termes du contrat qui prévoyaient de ne pas dépasser un effectif de douze, d’autre part, ne résolvait pas les difficultés rencontrées, le SIMER a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers qui a ordonné, le 28 septembre 2011, une expertise. L’expert a établi son rapport le 21 décembre 2012. Le SIMER a ensuite saisi la société Girus afin que fussent dégagées des solutions techniques permettant d'obtenir le tonnage nominal requis de quatre tonnes par heure tout en préservant l'ergonomie des postes de travail, en particulier la limitation des gestes de tri. Il relève appel du jugement du 18 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du groupement Ebhys-Stadler à lui verser la somme de 610 133 euros HT au titre des travaux de mise en conformité de la chaîne de tri ainsi qu’une somme de 373 459,40 HT euros au titre de son préjudice d'exploitation arrêté à la date du 31 décembre 2012.

Sur la responsabilité contractuelle du groupement :

3. Aux termes de l'article 5 du code des marchés publics : « La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence (...) ». Aux termes de l'article 6 du même code : « Les prestations qui font l'objet d'un marché (...) sont définies (...) par des spécifications techniques formulées : 1° soit par référence à des normes ou d'autres documents accessibles aux candidats notamment (...) référentiels techniques élaborés par des organismes de normalisation (...) 2° en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles (...) ». Aux termes de l'article 36 de ce code : « La procédure de dialogue compétitif est une procédure dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les candidats admis à participer en vue de définir ou de développer une ou plusieurs solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les participants au dialogue seront invités à remettre une offre.(...) ». Enfin, aux termes de l'article 67 dudit code : « I (...) Les besoins et exigences sont définis par le pouvoir adjudicateur (...) dans un programme fonctionnel / VI (...) L'objet du dialogue est l'identification et la définition des moyens propres à satisfaire au mieux les besoins. Tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les candidats sélectionnés. (...). Tous les aspects du marché peuvent être discutés avec les candidats sélectionnés.(...) Le dialogue se poursuit jusqu'à ce que soient identifiées, éventuellement après les avoir comparées, la ou les solutions qui sont susceptibles de répondre aux besoins (…) / VIII (...) Il peut être demandé au candidat retenu de clarifier des aspects de son offre ou de confirmer les engagements figurant dans celle-ci (...) ».



4. Ainsi que l’ont retenu les premiers juges, il résulte de ces dispositions que l'objet du dialogue compétitif ne consiste pas à identifier les besoins mais les moyens propres à les satisfaire, ce qui implique que les besoins aient été au préalable précisément définis. Pour qu'il soit admis que le pouvoir adjudicateur a précisé ses besoins, ces derniers, définis par des spécifications techniques, formulées par référence à des normes, des performances, des exigences fonctionnelles ou des écolabels, doivent prendre en compte les caractéristiques de l'ouvrage ou du service ou les éléments susceptibles d'exercer une influence déterminante sur leur conception.



5. Il résulte de l’instruction qu’après avoir rappelé les objectifs généraux visés par la modernisation de la chaîne de tri des déchets, notamment l’augmentation du rendement horaire de l’installation par la mise en œuvre d’une séparation mécanique des flux « corps creux/corps plats », l'amélioration de l'ergonomie des postes de travail et la simplification des gestes de tri, le cahier des clauses particulières transmis par le SIMER aux candidats après la phase de dialogue compétitif précise, en son point 2.2 des clauses techniques, les objectifs de performance minimaux à garantir tenant à une production horaire de quatre tonnes avec un effectif maximum de douze trieurs sur chaîne. Selon l’article 3 de ce document, il est demandé aux candidats de produire un mémoire technique comprenant notamment une note de qualité des flux obtenus sur les différentes tables de tri, appréciée en particulier au regard du nombre de gestes par opérateur évalué à partir des ratios de poids moyen des matériaux donnés par Eco-Emballages, ces derniers étant joints en annexe et mentionnant pour les cartons et cartonnettes sur ligne de tri un poids moyen unitaire de 80 grammes par objet. La composition du gisement par type de déchets reçus par le SIMER était également mentionnée en annexe. Contrairement à ce que soutient le SIMER, il ne résulte pas des termes mêmes du cahier des clauses particulières que les tableaux qui y étaient annexés, fixant les densités de déchets ménagers recyclables, n’auraient présenté qu’une valeur purement indicative.

6. Il résulte également de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise que le groupement Ebhys-Stadler a présenté un mémoire technique aux termes duquel onze opérateurs de tri maximum étaient nécessaires pour répondre à l'objectif de performance exigé par le SIMER. Il ressort de ce mémoire technique que cet effectif a été calculé en prenant en compte la capacité de préhension des opérateurs de tri, fondée sur une hypothèse de calcul de 2 200 gestes par heure, issue des valeurs préconisées par Eco-Emballages, y compris pour la table des corps plats . Les essais menés les 12 et 13 janvier 2012 au cours des opérations d’expertise aboutissent à un rendement horaire moyen de 3,951 tonnes pour onze opérateurs effectuant 2 200 gestes de tri à l’heure ainsi qu’à un nombre moyen de 2 236 gestes de tri à l’heure pour 11 opérateurs ayant un rendement horaire de 4 tonnes, soient des écarts non significatifs selon l’expert par rapport aux exigences contractuelles. Si, pour la seule table de tri des corps plats, les essais aboutissent à des écarts significatifs, notamment un nombre moyen de 2 701 gestes de tri à l’heure pour onze opérateurs ayant un rendement horaire de 4 tonnes, ces écarts trouvent leur origine dans la différence entre le poids moyen des emballages ménagers recyclables contractuellement établi à 80 grammes par objet selon l’annexe I au cahier des clauses particulières et le poids moyen réel de ces emballages ménagers recyclables au sein du gisement du SIMER, proche de 30 grammes, engendrant ainsi un nombre de gestes accru pour un même poids global traité. Dans ces conditions, le SIMER n’est pas fondé à soutenir que le groupement attributaire aurait méconnu ses obligations contractuelles. À cet égard, il appartenait au SIMER et non au candidat au marché en cause, de préciser ses besoins au regard des spécificités locales de son gisement plutôt que de se borner à se référer par son cahier des clauses particulières aux poids unitaires des déchets définis nationalement par Eco-Emballages.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le SIMER n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Ebhys et Stadler, qui ne sont pas parties perdantes à l’instance, la somme que demande le SIMER au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

9. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du SIMER le paiement d’une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par les sociétés Ebhys et Stadler et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le SIMER versera aux sociétés Ebhys et Stadler une somme globale de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.