Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D== C== a demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler le permis de construire initial délivré le 14 septembre 2011 par le maire de la commune de l'Entre-Deux à M. F== pour l’édification d’une maison d’habitation au ==, le permis de construire modificatif délivré le 27 mars 2014, ainsi que la décision du 11 mars 2015 de rejet de son recours gracieux dirigé contre ce permis de construire modificatif.

Par un jugement n° 1500422 du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er mars 2017, Mme C==, représentée par Me Seroc, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 22 décembre 2016 ;

2°) d’annuler le permis de construire n° 97440311A0037 en date du 14 septembre 2011 délivré par le maire de la commune de l’Entre-Deux à M. F== ;

3°) d’annuler le permis de construire modificatif n° 97440311A0037/M1 délivré à M. F== le 27 mars 2014, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux en date du 11 mars 2015 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de l’Entre-Deux une somme de 2 900 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que : - à supposer qu’elle ait eu connaissance du projet de construction de M. F== lors de la réception de la copie du permis de construire le 20 juin 2014, cette notification n’a pu faire courir le délai de recours faute de contenir l'information concernant les délais et voies de recours ; - le permis de construire délivré le 14 septembre 2011 n’a pas été affiché ; - en tout état de cause, le permis de construire est entaché de fraude puisque M. F== ne disposait pas d’une qualité lui permettant de déposer une demande de permis, ce qui faisait obstacle à la forclusion opposée par le tribunal ; - la décision de rejet de son recours gracieux est insuffisamment motivée ; - elle n’a pas été mise à même de faire valoir ses observations préalablement au rejet de son recours gracieux ; - ni le permis de construire initial ni le permis de construire modificatif ne méconnaissent les dispositions de l’article Uc 7.2 du plan local d'urbanisme relatives à l’implantation des constructions par rapport aux limites séparatives ; au demeurant, la construction est implantée à 40 centimètres de la limite séparative, ce qui ne respecte ni le modificatif ni l’article Uc 7.2 ; cette méconnaissance des dispositions de l’article Uc7.2 du plan local d'urbanisme va la priver de lumière naturelle ; - en déposant une demande de permis alors que sa qualité de tiers ne le lui permettait pas, en méconnaissance des dispositions de l’article R*. 423-1 du code de l'urbanisme, M. F== a commis une fraude ; il ne peut se prévaloir d’un compromis de vente sous condition suspensive, dès lors qu’il a demandé et obtenu le permis de construire après les délais fixés ; - la signature apparaissant sur le mémoire de M. F== ne correspond pas aux signatures apparaissant sur le compromis de vente en date du 19 mai 2011, si bien que la personne ayant signé le mémoire en date du 15 octobre 2015 n’avait pas qualité pour le produire.


Considérant ce qui suit :

1. Le 14 septembre 2011, le maire de la commune de l’Entre-Deux (97403) a délivré à M. H== J== F== un permis de construire une maison d’habitation sur un terrain situé rue C==. Un permis de construire modificatif lui a ensuite été délivré le 27 mars 2014 pour la création d’un vide sanitaire. Par courrier du 9 février 2015 reçu le 10 février 2015, Mme C==, propriétaire d’un terrain limitrophe dans la même rue, a exercé contre ce permis modificatif un recours gracieux, qui a été rejeté par le maire le 11 mars 2015. Mme C== a ensuite demandé au tribunal administratif de La Réunion d’annuler le permis de construire modificatif délivré le 27 mars 2014 et la décision du 11 mars 2015 de rejet de son recours gracieux, puis, dans un mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 2015, elle a demandé, en outre, l’annulation du permis de construire du 14 septembre 2011. Elle relève appel du jugement du 22 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ces demandes.

Sur la recevabilité de la requête d’appel :

2. Aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un (...) permis de construire (…), le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant (…) un permis de construire (…). L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif (…) ». Aux termes de l’article R. 600-2 du code de l'urbanisme : « Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ». Aux termes de l’article R. 424-15 du même code : « Mention du permis explicite ou tacite (…) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (…) est acquis et pendant toute la durée du chantier (…) / Cet affichage mentionne également l’obligation, prévue à peine d’irrecevabilité par l’article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (…) ». Enfin aux termes de l’article A. 424-17 du code de l'urbanisme : « Le panneau d'affichage comprend la mention suivante : / " Droit de recours : / " Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain du présent panneau (art. R. 600-2 du code de l'urbanisme) (…) ».

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’irrecevabilité tirée de l’absence d’accomplissement des formalités de notification prescrites par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ne peut être opposée en appel qu’à la condition, prévue à l’article R. 424-15 du même code, que l’obligation de procéder à cette notification ait été mentionnée dans l’affichage du permis de construire.

4. Il ne ressort d’aucune pièce du dossier que le permis de construire délivré le 14 septembre 2011 ou celui délivré le 27 mars 2014 auraient fait l’objet des mesures de publicité prévues à l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du non accomplissement en appel des formalités prévues par l’article R. 600-1 du même code doit être rejetée.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation du permis de construire délivré le 14 septembre 2011 :

5. Dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu’il a été dit au point 4, que les formalités de publicité des permis de construire en litige prévues par les dispositions de l’article R. 424-15 du code de l'urbanisme précité auraient été régulièrement effectuées par M. F==, le tribunal ne pouvait régulièrement juger que la requête était tardive au motif que la notification de ce permis à la requérante avait eu pour effet de faire courir à son égard le délai de recours de deux mois prévu par l’article R. 600-2 du même code.

6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce qu’un permis de construire puisse être contesté indéfiniment par les tiers. Dans le cas où la preuve de l'affichage régulier du permis faisant courir le délai de recours prévu à l'article R. 600-2 n’est pas rapportée, mais où il est démontré que le tiers a reçu une copie intégrale du permis de construire attaqué et ainsi eu connaissance de ses caractéristiques principales, le recours contentieux doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle cette notification a été effectuée. Sauf circonstance particulière dont se prévaudrait le requérant, un délai excédant un an suivant cette date ne peut être regardé comme raisonnable.

7. Si la preuve de l’affichage du permis de construire délivré le 14 septembre 2011 à M. F== n’est pas rapportée, il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme C== en a reçu une copie intégrale le 27 février 2012 et a ainsi pu prendre connaissance de l’ensemble des caractéristiques du projet envisagé. Mme C== disposait donc d’un délai d’un an pour contester ce permis. A cet égard, la circonstance que le permis de construire aurait été obtenu par fraude est, en tout état de cause, sans incidence. Mme C== n’est par suite pas fondée à se plaindre que les premiers juges ont rejeté ses conclusions comme tardives, dès lors qu’elles ont été présentées dans un mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 14 septembre 2015 soit postérieurement à l’expiration de ce délai d’un an.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation du permis de construire délivré le 27 mars 2014 :

8. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 5, la délivrance le 20 juin 2014 à Mme C== d’une copie du permis modificatif du 27 mars 2014 ne pouvait, en l’absence d’affichage, faire courir à son égard le délai de deux mois prévu à l’article R.600-2 du code de l’urbanisme. Si le délai d’un an évoqué au point 6 ci-dessus a couru, il n’était pas expiré le 10 février 2015, date de réception par la commune de son recours gracieux contre cette décision, lequel a donc prolongé le délai de recours contentieux. Ainsi Mme C== est fondée à soutenir que sa demande enregistrée au tribunal le 5 mai 2015 n’était pas tardive, et que c’est à tort que le tribunal l’a rejetée comme irrecevable.

9. Il y a lieu d’évoquer sur ce point et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C== contre l’arrêté du 27 mars 2014.

Sur la légalité du permis de construire délivré le 27 mars 2014 et de la décision du 11 mars 2015 portant rejet du recours gracieux de Mme C== :

10. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire délivré à M. F== le 14 septembre 2011 autorisait l’implantation de sa construction sur les deux limites séparatives latérales de son terrain. Ce faisant, ce permis méconnaissait les prescriptions de l’article UD 7 du règlement du plan d’occupation des sols approuvé le 25 février 1997, alors applicable, qui disposaient que : « les constructions peuvent s’implanter sur une des deux limites séparatives à conditions que la profondeur de la construction n’excède pas : / - 15 m pour les habitations / - 20 m pour les commerces / Dans le cas contraire elles devront respecter un recul de 3 m par rapport à ces limites (…) ». S’il se déduit de l’article UD 8 du même règlement relatif à l’implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même unité foncière, ainsi que le soutient la commune, que les dépendances des constructions principales peuvent leur être contiguës, il n’en résulte pas que l’ensemble puisse de ce fait être implanté sur les deux limites séparatives latérales de la parcelle d’assiette.

11. Or, le permis de construire modificatif délivré le 27 mars 2014, qui autorise la réalisation d’un vide sanitaire d’une hauteur maximale de 1,27 mètre sous la construction litigieuse, a pour effet d’en accroître la hauteur maximale d’approximativement 1,7 mètre. Il n’est donc pas étranger à la méconnaissance des règles relatives à l’implantation sur les limites séparatives rappelée au point précédent, et maintenues en vigueur par le règlement du nouveau plan local d’urbanisme approuvé le 21 septembre 2011, dont il aggrave les effets. Il s’ensuit que Mme C== est fondée à soutenir que le permis de construire délivré le 27 mars 2014 est illégal et doit être annulé.

12. Aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ».

13. Le vice dont le permis de construire délivré le 27 mars 2014 est entaché pour les motifs exposés aux points 9 et 10 affecte la conception générale du projet et n’est donc pas susceptible d’être régularisé par un permis de construire modificatif. Il n’y a donc pas lieu, en l’espèce, de faire usage de la faculté ouverte par l’article L. 600-5-1 précité.

Sur les dépens :

14. Aux termes de l’article 2 du décret n°95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente : « Le droit de plaidoirie est dû à l'avocat pour chaque plaidoirie faite aux audiences dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. /A défaut de plaidoirie, est considéré comme ayant plaidé l'avocat représentant la partie à l'audience… ». La commune de l’Entre-Deux n’ayant pas été représentée à l’audience, le droit de plaidoirie n’est pas dû. Ses conclusions tendant au remboursement d’un tel droit, qui au demeurant ne fait pas partie des dépens au sens de l’article R.761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

15. Les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C== la somme que demande la commune de l’Entre-Deux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1 500 euros au bénéfice de Mme C== à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500422 du 22 décembre 2016 du tribunal administratif de La Réunion est annulé en tant qu’il se prononce sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 27 mars 2014 et le rejet du recours gracieux.

Article 2 : L’arrêté du maire de la commune de l’Entre-Deux du 27 mars 2014 portant permis de construire modificatif au bénéfice de M. F== et la décision du maire 11 mars 2015 portant rejet du recours gracieux de Mme C== sont annulés.

Article 3 : La commune de l’Entre-Deux versera à Mme C== une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C== est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de l’Entre-Deux présentées au titre des dispositions des articles L.761-1 et R.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.