Périodes d’astreinte de nuit des sapeurs pompiers définies par le règlement intérieur du SDIS – En l’espèce, périodes de temps de travail effectif au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003
Par Cindy le mardi 28 mai 2019, 07:47 - COLLECTIVITES TERRITORIALES - Lien permanent
Règlement intérieur du service départemental d'incendie et de secours prévoyant, en sus des périodes de garde proprement dites, des périodes d'astreinte de nuit de 8 heures (45 périodes par semestre) pour lesquelles il est précisé qu'elles imposent à l’agent « de rester à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure de répondre à la sollicitation opérationnelle ou de service lié à ses fonctions ». Compte tenu de leurs caractéristiques spécifiques ainsi définies par le règlement intérieur, ces périodes d'astreinte doivent être regardées dans leur totalité comme des périodes de temps de travail effectif au sens des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. En tant qu'elles impliquent, pour les sapeurs-pompiers concernés, une durée de temps de travail annuel excédant le plafond de 2256 heures, les dispositions du règlement intérieur du service départemental relatives à ces astreintes sont illégales Cf : CAA de Nantes n°17NT00382 du 19/10/2018 -– C+ Arrêt 17BX00972 - 6ème chambre - 27 mai 2019 - Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialises du service départemental d’incendie et de secours de la Haute-Vienne – C+
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a demandé au tribunal administratif de Limoges d’annuler la délibération n° 2013-3-9 du 20 décembre 2013 par laquelle le conseil d’administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a approuvé, à compter du 1er février 2014, la modification des dispositions de son règlement intérieur relatives au régime du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde.
Par un jugement n° 1401195 du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 mars 2017 et 18 juillet 2018, le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne, représenté par Me Euvrard, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 26 janvier 2017 du tribunal administratif de Limoges ;
2°) d’annuler la délibération n° 2013-3-9 du 20 décembre 2013 du conseil d’administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la modification, par le décret du 18 décembre 2013, du décret n° 2001-1382 du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, dont plusieurs dispositions n’étaient pas conformes à la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de la Haute-Vienne (87) a, par une délibération n° 2013-3-9 du 20 décembre 2013, approuvé, à compter du 1er février 2014, la modification des dispositions de son règlement intérieur relatives au régime de temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde. Le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne relève appel du jugement du 26 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de diverses dispositions de cette délibération.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération contestée : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (…) ». Aux termes de l’article R. 421-5 de ce code : « Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ». S'il est introduit dans le délai du recours contentieux de deux mois prévu par les dispositions précitées, un recours administratif, qu'il soit gracieux ou hiérarchique, interrompt ce délai.
3. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre en date du 19 février, le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a sollicité du président de cet établissement public local le retrait de la délibération litigieuse du 20 décembre 2013. Ce recours gracieux, qui, introduit dans le délai de deux mois suivant la publication de cette délibération, a conservé à son auteur le délai de recours contentieux, a donné lieu à une lettre de réponse du 4 avril 2014 dans laquelle le président du conseil d’administration du SDIS a indiqué au syndicat que la modification du régime de temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde avait été décidée au terme d’une large concertation avec les organisations syndicales et que, compte tenu de ce qu’un recours contentieux avait été formé devant le Conseil d’Etat contre le décret n° 2013 1186 du 18 décembre 2013 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, il s’engageait « à rouvrir rapidement les concertations sur le temps de travail pour répondre au droit qui sera donné par les hautes instances administratives ». Toutefois, il est constant que cette lettre du 4 avril 2014 ne comportait pas la mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions, et en admettant même que ladite lettre pourrait être regardée comme valant rejet du recours gracieux du syndicat, les délais de recours contentieux ne lui étaient pas opposables. Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir le SDIS intimé, la demande du Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du SDIS de la Haute-Vienne, enregistrée au greffe de tribunal administratif de Limoges le 20 juin 2014, n’était pas tardive.
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
En ce qui concerne la légalité externe de la délibération du 20 décembre 2013 :
4. Il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner les moyens que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans les assortir des précisions nécessaires, à défaut pour lui soit de fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé, soit de joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions.
5. Le Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne a indiqué, dans ses écritures d’appel, qu’il entendait reprendre l’ensemble des moyens développés dans sa demande de première instance, « qui sera regardée comme faisant corps avec la présente requête ». Toutefois, le requérant n’a joint à ladite requête d’appel que sa requête introductive d’instance enregistrée le 20 juin 2014, dans laquelle n’était pas soulevé le moyen de légalité externe tiré de l’absence de saisine de la commission administrative technique. Dès lors, le requérant doit être regardé comme s’étant tacitement désisté de ce moyen.
En ce qui concerne la légalité interne de la délibération du 20 décembre 2013 :
6. Pour contester la légalité de diverses dispositions du règlement intérieur relatives au régime du temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde, le syndicat requérant se prévaut de ce que la délibération litigieuse du 20 décembre 2013 entérinant les modifications correspondantes dudit règlement méconnait le droit communautaire, en particulier la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, ainsi que plusieurs textes du droit interne.
S’agissant de la méconnaissance du droit communautaire :
7. D’une part, aux termes de l’article 3 de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 susvisée : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d'une période minimale de repos de onze heures consécutives. ». Aux termes de l’article 6 de cette directive : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs: a) la durée hebdomadaire du travail soit limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux ; b) la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n'excède pas quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires. ». En vertu de l’article 8 de ladite directive : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que : a) le temps de travail normal des travailleurs de nuit ne dépasse pas huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures ; / b) les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes ne travaillent pas plus de huit heures au cours d'une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit. (…) ». Aux termes de l’article 16 de cette directive : « Les États membres peuvent prévoir : a) pour l'application de l'article 5 (repos hebdomadaire), une période de référence ne dépassant pas quatorze jours ; / b) pour l'application de l'article 6 (durée maximale hebdomadaire de travail), une période de référence ne dépassant pas quatre mois. / Les périodes de congé annuel payé, accordé conformément à l'article 7, et les périodes de congé de maladie ne sont pas prises en compte ou sont neutres pour le calcul de la moyenne ; / c) pour l'application de l'article 8 (durée du travail de nuit), une période de référence définie après consultation des partenaires sociaux ou par des conventions collectives ou accords conclus au niveau national ou régional entre partenaires sociaux. (…) ». L’article 17 de cette même directive dispose : « 1. Dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, les États membres peuvent déroger aux articles 3 à 6, 8 et 16 lorsque la durée du temps de travail, en raison des caractéristiques particulières de l'activité exercée, n'est pas mesurée et/ou prédéterminée (…) / 2. Les dérogations prévues aux paragraphes 3, 4 et 5 peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l'octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n'est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés. / 3. Conformément au paragraphe 2 du présent article, il peut être dérogé aux articles 3, 4, 5, 8 et 16 : (…) / c) pour les activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou de la production, notamment lorsqu'il s'agit : (…) / iii) (…) des services d'ambulance, de sapeurs-pompiers ou de protection civile ; (…) ». En vertu de l’article 19 de cette directive : « La faculté de déroger à l'article 16, point b), prévue à l'article 17, paragraphe 3 (…) ne peut avoir pour effet l'établissement d'une période de référence dépassant six mois. »
8. D’autre part, aux termes de l’article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : « Les règles relatives à la définition, à la durée et à l'aménagement du temps de travail des agents des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa de l'article 2 sont fixées par la collectivité ou l'établissement, dans les limites applicables aux agents de l'Etat, en tenant compte de la spécificité des missions exercées par ces collectivités ou établissements. (...) ». Aux termes de l’article 3 du décret du 25 août 2000 susvisé, rendu applicable – sous certaines réserves – aux fonctionnaires territoriaux par l’article 1 du décret du 12 juillet 2001 susvisé : « I.- L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. (…) / L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. / Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures. (…) / II.- Il ne peut être dérogé aux règles énoncées au I que dans les cas et conditions ci-après : a) Lorsque l'objet même du service public en cause l'exige en permanence, notamment pour la protection des personnes et des biens, par décret en Conseil d'Etat, (…) qui détermine les contreparties accordées aux catégories d'agents concernés ; (…) ». Aux termes de l’article 1 du décret du 31 décembre 2001 susvisé : « La durée de travail effectif des sapeurs-pompiers professionnels est définie conformément à l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé auquel renvoie le décret du 12 juillet 2001 susvisé et comprend : 1. Le temps passé en intervention ; / 2. Les périodes de garde consacrées au rassemblement qui intègre les temps d'habillage et déshabillage, à la tenue des registres, à l'entraînement physique, au maintien des acquis professionnels, à des manœuvres de la garde, à l'entretien des locaux, des matériels et des agrès ainsi qu'à des tâches administratives et techniques, aux pauses destinées à la prise de repas ; / 3. Le service hors rang, les périodes consacrées aux actions de formation définies par arrêté du ministre de l'intérieur dont les durées sont supérieures à 8 heures, et les services de sécurité ou de représentation. ». L’article 2 de ce décret dispose : « La durée de travail effectif journalier définie à l'article 1er ne peut pas excéder 12 heures consécutives. Lorsque cette période atteint une durée de 12 heures, elle est suivie obligatoirement d'une interruption de service d'une durée au moins égale. ». Aux termes de l’article 3 dudit décret, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 : « Par dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut, eu égard aux missions des services d'incendie et de secours et aux nécessités de service, et après avis du comité technique, fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives. / Dans ce cas, le conseil d'administration fixe une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail, qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois. / Lorsque la durée du travail effectif s'inscrit dans un cycle de présence supérieur à 12 heures, la période définie à l'article 1er n'excède pas huit heures. Au-delà de cette durée, les agents ne sont tenus qu'à accomplir les interventions. / Ce temps de présence est suivi d'une interruption de service d'une durée au moins égale. ».
9. En premier lieu, le Syndicat requérant soutient que la délibération du 20 décembre 2013 a entrepris d’imposer aux sapeurs-pompiers travaillant en service « logé », c’est-à-dire qui bénéficient d’un logement en caserne, de nombreuses gardes supplémentaires sous la forme d’astreintes, en ne les incluant pas dans le décompte du temps de travail effectif, afin de soustraire aux seuils communautaires relatifs à la durée hebdomadaire de travail maximum définis par l’article 6 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Toutefois, le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013, dont la légalité a été confirmée par le Conseil d’Etat dans un arrêt n° 375534 du 3 novembre 2014, a modifié notamment les dispositions, précitées au point 8, de l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 applicable aux sapeurs-pompiers afin de rendre le régime de la garde de 24 heures compatible avec les dispositions de l’article 6 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003. Ainsi que l’expose la notice de ce décret du 18 décembre 2013, entré en vigueur au 1er janvier 2014, « Ces modifications ramènent la période de référence pour l'appréciation de la durée maximale hebdomadaire de travail à six mois. La limite annuelle de 2 400 heures précédemment en vigueur devient un plafond semestriel de 1 128 heures qui, cumulé sur deux semestres, respecte la limite maximale de 48 heures hebdomadaires en moyenne sur 47 semaines de travail. Le nombre de gardes de 24 heures est ainsi plafonné pour chaque sapeur-pompier professionnel à 47 pour chaque semestre. En outre, il est mis fin à la possibilité de majorer le temps d'équivalence pour les sapeurs-pompiers professionnels logés et le régime de travail de cette catégorie de personnels est aligné sur celui de sapeurs-pompiers professionnels non logés. ». Il est constant que la délibération litigieuse du 20 décembre 2013 est destinée à modifier les dispositions du règlement intérieur du SDIS 87 relatives au régime de temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels travaillant en service de garde à compter du 1er février 2014, date à laquelle les dispositions de l’article 6 de la directive du 4 novembre 2013 avaient été transposées de manière effective et complète en droit interne. Il s’ensuit qu’ainsi que l’ont relevé les premiers juges, le syndicat requérant ne saurait se prévaloir utilement d’une méconnaissance de l’article 6 de la directive du 4 novembre 2013.
10. En second lieu, le Syndicat appelant soutient que la délibération litigieuse a porté, d’une part, la période de référence d’une durée maximale de quatre mois à six mois et prévu, d’autre part, des dépassements des limites légales en matière de temps de travail de nuit ou d’amplitude journalière maximale du travail, sans que ces dérogations aux articles 3, 8 et 16 de la directive du 4 novembre 2003 soient assorties de contreparties spécifiques, notamment sous la forme de repos compensateurs, conformément à l’article 17.2 de cette même directive. Ce faisant, le requérant doit être regardé comme excipant de l’inconventionnalité, au regard des objectifs de ladite directive, du décret du 31 décembre 2001 dans sa version modifiée par le décret du 18 décembre 2013, dont la délibération en date du 20 décembre 2013 a fait application pour modifier le règlement intérieur applicable aux sapeurs-pompiers concernés travaillant en service de garde. Toutefois, et ainsi que l’a relevé le Conseil d’Etat dans l’arrêt susmentionné arrêt n° 375534 du 3 novembre 2014, si le fait de déroger à la durée maximale journalière de travail effectif de douze heures peut conduire les sapeurs-pompiers professionnels à travailler de nuit, il résulte des dispositions de l’article 2 et de la nouvelle rédaction de l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels que, d’une part, lorsque la durée du travail effectif s’inscrit dans un cycle de travail journalier supérieur à douze heures, le temps de travail effectif ne peut dépasser une durée de huit heures à l’exception des temps passés en intervention et que, d’autre part, toute période de travail effectif d’une durée supérieure à douze heures est suivie obligatoirement d’une interruption de service d’une durée au moins égale. Dès lors, le décret du 31 décembre 2001 n’est pas incompatible avec les objectifs de l’article 8 de la directive relative au travail de nuit. Par ailleurs, si l’article 3 de la directive du 4 novembre 2003 prévoit une période minimale de repos de onze heures consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures et si son article 16 fixe à un maximum de quatre mois la période de référence du calcul de la durée maximale hebdomadaire de travail, l’article 17 de ladite directive prévoit qu’il peut être dérogé à ces deux dispositions, notamment, pour les services de sapeurs-pompiers. Une telle dérogation, qui permet d’adopter une période de référence de six mois, est toutefois subordonnée à ce que « des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ». Or l’article 2 du décret du 31 décembre 2001 ayant prévu que toute période de travail effectif d’une durée supérieure à douze heures devait être suivie obligatoirement d’une interruption de service d’une durée au moins égale, le décret du 18 décembre 2013 n’a pas, compte tenu de ce repos compensateur, méconnu les objectifs tirés des articles 3, 16 et 17 de la directive en prévoyant, d’une part qu’il pourrait être dérogé, pour les sapeurs-pompiers professionnels, à la durée maximale de travail effectif journalier de douze heures et, d’autre part, que les sapeurs-pompiers professionnels verraient dans ce cas leur durée maximale de travail hebdomadaire calculée sur une période de référence de six mois. Dès lors, et en tout état de cause, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3, 8, 16 et 17 de la directive du 4 novembre 2003 doivent être écartés.
S’agissant de la méconnaissance du droit interne :
11. En premier lieu, aux termes des dispositions de l’article 2 du décret du 25 août 2000 susvisé : « La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. ». En vertu de l’article 5 de ce décret : « Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif. (…). ». Ainsi qu’il a été dit plus haut, l’article 3 du décret du 31 décembre 2001, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013 prévoit que, en cas de dérogation aux dispositions de l'article 2 relatives à l'amplitude journalière, une délibération du conseil d'administration du service d'incendie et de secours peut fixer le temps de présence à vingt-quatre heures consécutives, sur la base d’une durée équivalente au décompte semestriel du temps de travail qui ne peut excéder 1 128 heures sur chaque période de six mois, correspondant à une durée maximale hebdomadaire du temps de travail de 48 heures hebdomadaires en moyenne sur 47 semaines de travail, compte tenu des cinq semaines de congés annuels, soit 2 256 heures par an.
12. D’une part, il appartient au juge de première instance et d’appel, sauf à méconnaître son office, de rechercher les textes applicables au litige, dès lors que le demandeur a des prétentions précises (CE, 319569, B, 22 octobre 2010, Cornut). D’autre part, l'interprétation du traité et des actes communautaires, que la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour donner en vertu du a) et du b) de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, s’impose à la juridiction administrative nationale, à qui il appartient ensuite de qualifier les faits dans le cadre du litige dont elle est saisie.
13. Ainsi qu’il a été dit au point 9, le syndicat requérant ne saurait utilement se prévaloir d’une méconnaissance de l’article 6 de la directive du 4 novembre 2003 dès lors que celui-ci a été transposé à l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 par le décret n° 2013-1186 du 18 décembre 2013. Toutefois, en soutenant que la délibération du 20 décembre 2013 impose aux sapeurs-pompiers qui bénéficient d’un logement en caserne de nombreuses gardes supplémentaires sous la forme d’astreintes, en ne les incluant pas dans le décompte du temps de travail effectif, ce qui conduit les agents concernés à dépasser le seuil de 2 256 heures de gardes par an, l’intéressé doit être regardé comme se prévalant du moyen tiré d’une méconnaissance, par la délibération litigieuse, de l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 dans sa rédaction issue du décret du 18 décembre 2013.
14. La délibération contestée prévoit, s’agissant des sapeurs-pompiers professionnels postés bénéficiant d’un logement pour nécessité de service, l’obligation de réaliser, en sus de 960 heures de garde par semestre correspondant à 45 gardes de 16 heures, 5 gardes de 24 heures et 10 gardes de 12 heures, un total de 360 heures d’astreintes à domicile correspondant à 45 périodes de 8 heures par semestre. L’article 7.12.5 du règlement de temps de travail qu’elle comporte en annexe précise, à cet égard, que « Le SPP logé en caserne, à titre gratuit, assure des périodes d’astreintes de nuit pendant lesquelles il a l’obligation de rester à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure de répondre à la sollicitation opérationnelle ou de service lié à ses fonctions ». Dans son arrêt du 21 février 2018 C-518 / 15 Ville de Nivelle c. Rudy Matzak, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une question préjudicielle relative à l’application de la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 dont le décret du 18 décembre 2013 a assuré la transposition, a rappelé d’abord que la relation de travail se définit comme l’accomplissement par une personne, pendant un certain temps, en faveur d’une autre et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération, que les notions de « temps de travail » et de « période de repos » sont exclusives l’une de l’autre et que la présence physique et la disponibilité du travailleur sur le lieu de travail, pendant la période de garde, en vue de la prestation de ses services professionnels, doit être considérée comme relevant de l’exercice de ses fonctions. La CJUE a, ensuite, dit pour droit que le facteur déterminant pour la qualification de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, est le fait que le travailleur est contraint d’être physiquement présent au lieu déterminé par l’employeur et de s’y tenir à la disposition de ce dernier pour pouvoir immédiatement fournir les prestations appropriées en cas de besoin et qu’il convient d’interpréter la notion de « temps de travail », prévue à l’article 2 de la directive 2003/88, dans le sens qu’elle s’applique à une situation dans laquelle un travailleur se trouve contraint de passer la période de garde à son domicile, de s’y tenir à la disposition de son employeur et de pouvoir rejoindre son lieu de travail dans un délai de huit minutes. Or en l’espèce, le Syndicat requérant soutient sans aucun contredit sérieux du SDIS intimé qu’au cours des périodes d’astreintes fixées par la délibération contestée, les sapeurs-pompiers logés en caserne - dont le lieu de travail se confond alors avec leur domicile - ne sont pas autorisés à quitter la caserne et doivent être en mesure de partir en intervention dans les trois minutes suivant leur appel. L’obligation ainsi édictée pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers professionnels postés implique nécessairement qu’ils restent physiquement présents dans leur logement en caserne et limite de manière drastique la possibilité pour eux de se consacrer à leurs intérêts personnels et sociaux. Dans ces conditions où le sapeur-pompier doit, en réalité, se tenir à la disposition permanente et immédiate de son employeur, toute heure d’astreinte effectuée doit être comptabilisée dans son intégralité comme temps de travail au sens de la directive précitée et telle qu’interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, sans que le SDIS puisse utilement se prévaloir en défense, pour tenter de faire obstacle à une telle qualification, de ce que, d’une part, les sapeurs-pompiers concernés bénéficient en contrepartie d'une concession de logement à titre gratuit et de ce que, d’autre part, les heures de travail ainsi réalisées par des sapeurs-pompiers professionnels sur sollicitation du service à 1’occasion des périodes d'astreintes sont comptabilisées au titre d'heures supplémentaires et sont obligatoirement récupérées ou indemnisées par le paiement d'indemnités horaires supplémentaires sur le fondement du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires. Il s’ensuit qu’ainsi que le soutient le syndicat appelant, l’obligation, pour les sapeurs-pompiers professionnels postés bénéficiant d’un logement pour nécessité de service, de réaliser, en sus de 960 heures de garde par semestre, un total de 360 heures d’astreintes à domicile, qui correspond à un total de 1 320 heures de travail effectif par semestre, soit 2 640 heures par an, conduit à dépasser le plafond semestriel de 1 128 heures, lequel, cumulé sur deux semestres, limite le temps de travail effectif à 2 256 heures par an. Dès lors, la délibération et le règlement qui y est annexé, sont, en tant qu’ils régissent le régime des astreintes des sapeurs pompiers postés logés, contraires à l’article 3 du décret du 31 décembre 2001 dans sa rédaction issue du décret du 18 décembre 2013 et, partant, entachés d’illégalité dans cette mesure.
15. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l’article 1 du décret du 25 août 2000 susvisé : « La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. (…). ».
16. Le syndicat appelant soutient que la période de référence pour l’appréciation de la durée maximale hebdomadaire de présence des sapeurs-pompiers professionnels ne peut légalement être de six mois glissants, dès lors qu’elle n'a pas vocation à être déconnectée de la période de référence pour le calcul du temps de travail effectif que constitue l’année civile. Toutefois, d’une part, ni la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ni le décret du 31 décembre 2001 n’interdisent que la période de référence pour le décompte du temps de présence soit fixée en mois glissants. D’autre part, la circonstance que le mode de détermination ainsi retenu pour la période semestrielle de référence du temps de présence entraîne une déconnexion avec la période de décompte du temps de travail effectif, n’est pas, par elle-même, de nature à entacher d’illégalité la délibération litigieuse sur ce point.
17. En troisième lieu, le Syndicat requérant reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, et tirés de ce que la délibération du 20 décembre 2013 n’a pas pris en compte le temps de travail des sapeurs-pompiers exerçant à temps partiel et conduirait les agents à être privés du droit à bénéficier des congés annuels prévus par le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 et à obtenir l’abondement de leur compte épargne-temps. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
18. En quatrième et dernier lieu, aucune disposition du décret du 31 décembre 2001, non plus qu’aucun principe, ne faisait obstacle à ce que la délibération litigieuse organise - ainsi qu’elle l’a fait - diverses gardes d’une durée de 16 heures.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat appelant est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 20 décembre 2013 et du règlement intérieur qui y est annexé en tant qu’ils ne comptabilisent pas les 360 heures d’astreintes à domicile des sapeurs-pompiers professionnels postés bénéficiant d’un logement pour nécessité de service, comme du temps de travail effectif. Il y lieu, dès lors, de réformer le jugement attaqué dans cette mesure.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ».
21. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du SDIS intimé une somme de 1 500 euros à verser au syndicat appelant sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La délibération du 20 décembre 2013 et le règlement intérieur qui y est annexé sont annulés en tant qu’ils ne comptabilisent pas les 360 heures d’astreintes à domicile des sapeurs-pompiers professionnels postés bénéficiant d’un logement pour nécessité de service, comme du temps de travail effectif.
Article 2 : Le jugement n° 1401195 du 26 janvier 2017 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne versera la somme de 1 500 euros au Syndicat autonome des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Vienne sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions du SDIS 87 tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.