Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association N, l'association O, l’association P et l’association Q ont demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté interpréfectoral du 25 août 2017 par lequel les préfets des Landes, des Hautes-Pyrénées, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques ont délivré au syndicat mixte Irrigadour en tant qu’organisme unique de gestion collective, une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d’eau à usage agricole sur le périmètre du V, jusqu’au 31 mai 2022, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° XXXXXXX du 3 février 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté du 25 août 2017 et la décision de rejet du recours gracieux, à compter du 31 mai 2022, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du jugement à l’encontre des actes pris sur le fondement de l’arrêté, et a décidé que, jusqu’à cette date, les prélèvements autorisés seront plafonnés à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des dix campagnes antérieures à la date du jugement sur les points de prélèvements existants ou, en l’absence d’antériorité de dix ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 mars 2021 et 9 juin 2021, le syndicat mixte ouvert Irrigadour, représenté par Me XXXXX, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2021 ;

2°) de mettre à la charge des associations intimées la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 25 août 2017, les préfets des Landes, des Hautes-Pyrénées, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques ont délivré au syndicat mixte Irrigadour, désigné en qualité d’organisme unique de gestion collective de l’eau, une autorisation unique pluriannuelle de prélèvement d’eau à usage agricole durant cinq ans, jusqu’au 31 mai 2022, sur le périmètre du V. Saisi par l'association N, l'association O, l’association P et l’association Q, le tribunal administratif de Pau, par jugement du 3 février 2021, a prononcé l’annulation de cet arrêté et de la décision de rejet du recours gracieux des associations, à compter du 31 mai 2022, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du jugement à l’encontre des actes pris sur le fondement de l’arrêté, et a décidé que, jusqu’à cette date, les prélèvements autorisés seront plafonnés à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des dix campagnes antérieures à la date du jugement sur les points de prélèvement existants ou, en l’absence d’antériorité de dix ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné. Par les requêtes susvisées n°s XXXXXXXXX et XXXXXXXXX, le syndicat mixte ouvert Irrigadour et la ministre de la transition écologique relèvent appel de ce jugement.

2. Les requêtes du syndicat Irrigadour et de la ministre sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les interventions :

3. L’U et les 1 775 autres irrigants situés dans le périmètre de compétence du syndicat Irrigadour justifient, en cette qualité, d’un intérêt suffisant pour intervenir à l’appui de la requête n° XXXXXXXXX présentée par le syndicat Irrigadour. Ainsi, leur intervention doit être admise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (…) ».

5. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions citées au point 4, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

6. Il ressort de l’application « Sagace » que le rapporteur public du tribunal a porté à la connaissance des parties, le 18 janvier 2021, le sens des conclusions qu’il envisageait de prononcer dans les termes suivants : « Annulation partielle de l’arrêté ». Lors de l’audience publique du 20 janvier 2021, le rapporteur public a en outre conclu à ce que les effets de cette annulation partielle soient différés dans le temps, sans en avoir informé préalablement les parties. Dans ces conditions, la modulation dans le temps des effets d’une annulation contentieuse ne revêtant pas un caractère accessoire, les parties ne peuvent être regardées comme ayant été mises en mesure de connaître l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public comptait proposer au tribunal administratif d’adopter, alors même que les parties étaient présentes à l’audience. Par suite, en tant qu’il a différé dans le temps les effets de l’annulation prononcée et qu’il a assorti ce différé de mesures transitoires, le jugement attaqué du tribunal administratif de Pau a été rendu au terme d’une procédure irrégulière.

7. En deuxième lieu, il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a estimé, au point 9 du jugement, que « 4 des 14 périmètres élémentaires du bassin versant de l’V (3 - 150 - 151 et 221) pour lequel le syndicat Irrigadour détient la qualité d’organisme unique sont en état de déséquilibre ou d’équilibre temporaire au regard de la ressource en eaux. Or les prélèvements autorisés par l’arrêté attaqué pour l’irrigation emporteront des effets sur des masses d’eau dont « la majorité n’atteint pas le bon état », selon l’étude d’impact dès lors que seulement 34 % des masses d’eau du périmètre se trouvaient en bon état écologique avant même ces prélèvements, c’est-à-dire dans une situation d’équilibre quantitatif entre la ressource disponible et les volumes prélevés. Le syndicat mixte Irrigadour et le préfet des Landes font valoir en défense qu’il avait été prévu une clause de « revoyure » en 2022 et surtout que les effets des prélèvements litigieux seront compensés par la réalisation de retenues de substitution. Toutefois, d’une part l’arrêté attaqué, qui couvre une période de 5 ans expirant au plus tard le 31 mai 2022, s’il prévoit en son article 15 un bilan à mi-parcours, ne comporte pas une telle clause de « revoyure » et il ne résulte pas de l’instruction qu’une demande de renouvellement aurait été présentée conformément à l’article 6 de l’arrêté attaqué, ni en mai 2020, deux ans avant l’expiration de l’autorisation, ni postérieurement à cette date. D’autre part et surtout, il résulte de l’instruction qu’à l’exception de la retenue de la Barne, d’un volume de seulement un million de m3, les retenues prévues n’ont pas été construites, de sorte que les objectifs pertinents du SDAGE, de non-détérioration des masses d’eau et d’atteinte du bon état des eaux, doivent être regardés comme compromis par l’autorisation attaquée. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que cette autorisation n’est pas compatible avec les deux premiers objectifs du SDAGE Adour-Garonne 2016-2021 ». Le tribunal a ainsi suffisamment répondu au moyen tiré de l’atteinte aux intérêts protégés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement et n’était tenu ni de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ni de préciser les volumes d’eau autorisés par l’arrêté en litige. Par suite, la ministre de la transition écologique n’est pas fondée à soutenir que le jugement était insuffisamment motivé.

8. Ainsi, il y a lieu d’annuler pour irrégularité le jugement attaqué en tant qu’il a différé dans le temps les effets de l’annulation qu’il a prononcée et qu’il a assorti ce différé de dispositions transitoires, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen d’irrégularité dirigé contre cette même partie du jugement, et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur la légalité de l’arrêté en litige du 25 août 2017.

Sur le bien-fondé de l’annulation prononcée par le tribunal :

9. La directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dont les dispositions ont été transposées par la loi du 21 avril 2004, désormais codifiées aux articles L. 211-1 et suivants du code de l’environnement, pose le principe d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau qui doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population mais également de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences, d’une part, de la vie biologique du milieu récepteur, d’autre part, de la conservation et du libre écoulement des eaux ainsi que de la protection contre les inondations, enfin, de toutes les activités humaines légalement exercées. En application de l’article L. 212-1 du même code, chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d’un ou de plusieurs schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux qui fixe les orientations permettant de satisfaire à ce principe ainsi que les objectifs de qualité et de quantité des eaux.

10. Aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement : « I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (…) 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; / (…) 6° La promotion d'une utilisation efficace, économe et durable de la ressource en eau, notamment par le développement de la réutilisation des eaux usées traitées et de l'utilisation des eaux de pluie en remplacement de l'eau potable ; (…) II.-La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : 1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ; / 2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; / 3° De l'agriculture (…) ». Aux termes de l’article R. 214-31-2 du même code : « (…) Les prélèvements faisant l'objet de l'autorisation unique de prélèvement doivent être compatibles avec les orientations fondamentales, les dispositions et les objectifs environnementaux fixés par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (…) ».

11. Pour apprécier la compatibilité de l’autorisation unique de prélèvement avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d’une analyse globale le conduisant à se placer à l’échelle du territoire pertinent pour apprécier les effets du projet sur la gestion des eaux, si l’autorisation ne contrarie pas les objectifs et les orientations fixés par le schéma, en tenant compte de leur degré de précision, sans rechercher l’adéquation de l’autorisation au regard de chaque orientation ou objectif particulier. L’autorisation unique en litige regroupe l’ensemble des prélèvements d’eau pour l’irrigation sur le périmètre d’intervention du syndicat Irrigadour, à savoir le sous-V. Il convient de se placer à l’échelle de ce territoire pertinent, en tenant compte de l’état des masses d’eau que celui-ci abrite, pour apprécier la compatibilité de l’autorisation contestée avec le SDAGE Adour-Garonne.

12. Les objectifs environnementaux du SDAGE Adour-Garonne 2016-2021, lesquels sont destinés à permettre le respect des objectifs figurant à l’article 4 de la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, sont a) la non-détérioration de l’état des masses d’eau ; b) l’atteinte du bon état des eaux, c) la prévention et limitation de l’introduction de polluants dans les eaux souterraines, d) l’inversion de toute tendance à la hausse, significative et durable, de la concentration de polluants dans les eaux souterraines, e) la réduction progressive ou, selon les cas, suppression des émissions, rejets et pertes de substances prioritaires, pour les eaux de surface, f) l’atteinte des objectifs liés aux zones protégées. Les orientations du SDAGE, au nombre de quatre, consistent à créer les conditions de gouvernance favorables à l’atteinte des objectifs du SDAGE, réduire les pollutions, améliorer la gestion quantitative, préserver et restaurer les fonctionnalités des milieux aquatiques. Cependant, le SDAGE indique, après avoir précisé que le bassin a une vocation agricole affirmée, que les objectifs, notamment celui de restauration du bon état des eaux, pour 2021 et plus encore pour 2027 sont assortis de réserves et incertitudes « au premier rang desquelles l’évolution du contexte économique qui sera essentielle pour l’acceptabilité sociale, le portage et le financement des mesures » et liste parmi les critères de report des échéances le coût des actions à mettre en œuvre.

13. Il résulte de l’instruction que le périmètre d’intervention du syndicat Irrigadour a été entièrement classé, en application de l’article R. 211-71 du code de l’environnement, en zone de répartition des eaux compte tenu de l’insuffisance de la ressource en eau par rapport aux besoins. Les prélèvements autorisés par l’arrêté litigieux correspondent, en période d’étiage, à 224,77 Mm3 (hors retenues) et 278,02 Mm3 (avec retenues) et, hors période d’étiage, à 63,90 Mm3 (hors retenues) et 65,93 Mm3 (avec retenues). Il résulte de l’instruction, en particulier des conclusions de la commission d’enquête publique, que ces volumes autorisés sont supérieurs d’environ 35% aux volumes prélevables initiaux notifiés en 2009 de 165,45 Mm3 établis sur la base d’une étude de l’agence de l’eau Adour-Garonne laquelle repose sur un bilan des besoins et des ressources, et sont supérieurs aux volumes prélevables définitifs de 215,95 Mm3 qui ont été définis après concertation. En outre, il ressort du graphique représentant l’évolution des volumes antérieurement consommés en période d’étiage, en page 17 de l’étude d’impact, que les volumes prélevables autorisés sont supérieurs au niveau minimal consommé de 136 Mm3 atteint en 2008 ainsi qu’au niveau maximal consommé de 220 Mm3 atteint en 2003, alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que les besoins des exploitations agricoles justifient impérativement une telle augmentation. Or, en 2015, l’irrigation représente déjà 71% des volumes prélevés en moyenne annuelle et 95,4% des consommations nettes en période d’étiage, en comparaison avec l’alimentation en eau potable et l’industrie.

14. Il ressort de la page 191 de l’étude d’impact que sur les 14 périmètres élémentaires constituant le sous-V, 7 sont en état de déséquilibre, c’est-à-dire dans une situation où les volumes maximums prélevés sont supérieurs au volume prélevable, dont 5 sont en état de déséquilibre important. En outre, 5 masses d’eau souterraines sont en mauvais état quantitatif, dont les alluvions de l’V qui constituent l’une des masses d’eau souterraines les plus mobilisées, et seulement 34% des masses d’eau superficielles se trouvent en bon état écologique. Contrairement à ce que soutient le syndicat Irrigadour, l’aspect quantitatif des prélèvements qui influe notamment sur les débits, est un élément du bon état écologique des masses d’eau superficielles et représente une pression non négligeable sur ces masses. A cet égard, il ne résulte pas de l’instruction que le débit objectif d’étiage (DOE) fixé par le SDAGE en vue de la maîtrise des prélèvements pourrait être mieux respecté avec une augmentation conséquente des volumes de prélèvement autorisés.

15. Par ailleurs, alors même que la durée de l’autorisation litigieuse a été limitée à 5 ans, ni les volumes autorisés, compte tenu de leur importance, ni les autres dispositions de l’arrêté qui ne comportent notamment aucune indication sur la réalisation des retenues, ne permettent de considérer que l’autorisation délivrée permettrait d’atteindre, à une proche échéance, les objectifs de non détérioration des masses d’eau et de bon état des eaux ou, à tout le moins de s’en approcher. Les retenues prévues, qui conditionnent l’atteinte du bon état des eaux, n’ont pas été réalisées alors qu’aucun élément de l’instruction n’indique que le programme de réalisation des retenues aurait été trop coûteux ou trop complexe pour être mis en œuvre plus rapidement et si l’arrêté litigieux prévoit à son article 15 un bilan à mi-parcours, rien n’indique que ce bilan ait été réalisé et qu’il permettrait d’estimer que l’objectif est atteignable à brève échéance.

16. Si le syndicat Irrigadour soutient que dans la plupart des périmètres élémentaires, la majorité des prélèvements en période d’étiage sont effectués sur des ouvrages de substitution existants, il ressort de l’étude d’impact que certains périmètres élémentaires sont en déséquilibre, voire en déséquilibre important comme les périmètres 3 (Aire aval-Audon), 142 (Luys) et 150 (Douze amont), alors même qu’une part importante voire majoritaire des prélèvements dans ces périmètres sont réalisés sur des ouvrages de substitution. Ainsi, et contrairement à ce qui est soutenu, le prélèvement d’eau sur des ouvrages de substitution ne garantit pas l’équilibre quantitatif de la ressource en eau. En outre, il ne résulte pas de l’instruction que les mesures de « gestion conjoncturelle », tels que les « tours d’eau », ou les mesures d’économie d’eau envisagées par le syndicat Irrigadour seraient suffisantes pour limiter les déséquilibres au sein des périmètres élémentaires concernés.

17. Dans ces conditions, malgré les efforts engagés en vue d’adopter des projets de territoire de gestion de l’eau pour certains périmètres, et bien que les volumes autorisés ne correspondent pas nécessairement aux volumes réellement consommés, l’autorisation litigieuse ne peut être regardée comme permettant de restaurer un équilibre entre les prélèvements et les ressources disponibles et contrarie les objectifs définis par le SDAGE. Par suite, c’est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance par l’arrêté du 25 août 2017 de l’article L. 211-1 du code de l'environnement et ont estimé que l’arrêté était incompatible avec les objectifs et orientations du SDAGE Adour-Garonne.

18. Eu égard à la circonstance que les volumes autorisés ont été négociés globalement, que les masses d’eau concernées sont, pour certaines, interconnectées, notamment les périmètres 152 et 141 situés en amont de périmètres en déséquilibre, et que les objectifs environnementaux de la directive-cadre sur l’eau et du SDAGE sont définis à l’échelle de masses d’eau alors que l’arrêté litigieux concerne des périmètres élémentaires qui ne coïncident pas nécessairement avec ces masses d’eau, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l’annulation prononcée aurait pu être limitée à certains périmètres élémentaires. Par suite, l’arrêté n’étant pas divisible, c’est à bon droit que les premiers juges en ont prononcé l’annulation totale.

19. Il résulte de ce qui précède que le syndicat Irrigadour et la ministre de la transition écologique ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé l’arrêté en litige ainsi que la décision de rejet du recours gracieux des associations formé contre cet arrêté.

Sur les conséquences de l’illégalité de l’arrêté du 25 août 2017 :

20. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.

21. L’annulation rétroactive de l’arrêté aurait pour conséquence de remettre immédiatement en cause les conditions dans lesquelles les irrigants ont engagé la campagne culturale et porterait une atteinte manifestement excessive à l’intérêt de ces derniers. Selon l’article 2 de l’arrêté du 25 août 2017 en litige, l’autorisation unique pluriannuelle est accordée pour une durée de 5 ans à compter de la date de signature de l’arrêté, et au plus tard jusqu’au 31 mai 2022. Si le syndicat Irrigadour a demandé la prorogation de l’autorisation unique pluriannuelle en litige, le courrier du 31 juillet 2020 de la préfète des Landes dans lequel celle-ci se borne à manifester son intention d’accorder ladite prorogation et fait référence à un arrêté de prorogation « qui sera pris prochainement » ne peut être regardé comme constituant une décision de prorogation, qu’au demeurant la seule préfète des Landes ne pouvait pas prendre dès lors qu’une telle décision nécessite l’accord des préfets des quatre départements composant le V. Il ne résulte pas de l’instruction qu’une décision de prorogation aurait été édictée. Il y a lieu, dans ces circonstances, et sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, de différer les effets de l’annulation de l’arrêté en litige au 31 mars 2022.

22. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prévoir des mesures transitoires dès lors que, d’une part, il résulte de l’instruction qu’un plafonnement des prélèvements autorisés à la moyenne des prélèvements annuels effectivement réalisés sur chaque point de prélèvement n’est pas possible en l’absence de données connues par l’Etat et le syndicat Irrigadour sur la consommation antérieure par points de prélèvement et, que, d’autre part, l’autorisation en litige ne continuera à s’appliquer que jusqu’au 31 mars 2022, sur la période hivernale qui est la moins impactante sur la ressource en eau.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des associations intimées, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat mixte Irrigadour demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. L’U et les 1 775 autres irrigants, intervenants en demande, ne sont pas parties à l’instance et ne peuvent donc réclamer le paiement de frais sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l’Etat et du syndicat Irrigadour la somme de 750 euros chacun à verser aux associations intimées, prises ensemble, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de l’U et des 1 775 autres irrigants est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu’il a différé au 31 mai 2022 les effets de l’annulation de l’arrêté du 25 août 2017 et a décidé que, jusqu’à cette date, les prélèvements autorisés seront plafonnés à hauteur de la moyenne des prélèvements annuels constatés lors des dix campagnes antérieures à la date du jugement sur les points de prélèvement existants ou, en l’absence d’antériorité de dix ans, depuis la mise en service régulière du point de prélèvement concerné.

Article 3 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent arrêt à l’encontre des actes pris sur son fondement, l’arrêté du 25 août 2017 est annulé à compter du 31 mars 2022.

Article 4 : L’Etat et le syndicat Irrigadour verseront chacun la somme de 750 euros à l’association N, à l’association O, à l’association P et à l’association Q, prises ensemble, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du syndicat Irrigadour, de l’U et des 1 775 autres irrigants présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.