Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C== N== a demandé au tribunal administratif de la Martinique de déclarer la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) responsable des dommages qu’elle a subis et d’ordonner une expertise aux fins de déterminer ses préjudices et, à titre subsidiaire, de condamner la CACEM à lui verser les sommes suivantes : au titre des préjudices temporaires, les sommes de 5 000 euros au titre de l’incapacité temporaire de travail et 5 000 euros au titre du pretium doloris ; au titre des préjudices permanents, les sommes de 20 000 euros au titre de l’incapacité permanente physique, 5 000 euros au titre de l’incapacité ménagère permanente, 20 000 euros au titre du préjudice d’agrément, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique, 10 000 euros au titre du préjudice moral et 1 700 euros au titre du préjudice financier.

Par un jugement n° 1400506 du 12 février 2015, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2015, Mme C== N==, représentée par Me G==, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 février 2015 ; 2°) de dire et juger que la CACEM est responsable des dommages subis du fait de la chute dont elle a été victime le 9 mars 2007 ;

3°) d’ordonner une expertise aux fins de déterminer les préjudices occasionnés et leur quantum ;

4°) de condamner la CACEM à lui verser une provision de 67 700 euros ;

5°) de mettre à la charge de la CACEM les entiers dépens ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Pour demander, sur le fondement du régime de responsabilité applicable aux dommages de travaux publics, la condamnation de la communauté d’agglomération du centre de la Martinique (CACEM) à réparer les préjudices consécutifs à une chute survenue le 9 mars 2007, Mme N== invoque les défectuosités que présentaient les trois premières marches de l’escalier permettant, depuis le trottoir de la voie publique, d’accéder à l’immeuble appartenant à la société dont elle est locataire, en faisant valoir que ces trois marches ont, à l’initiative de l’entreprise chargée par la CACEM de travaux portant sur la voie publique, été refaites afin d’ajuster leur niveau à celui du nouveau trottoir. Elle fait appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 février 2015 qui a rejeté sa demande à fin de condamnation de la CACEM.

Sur la régularité du jugement :

2. Après avoir retenu, dans les motifs du jugement attaqué, qu’une telle modification des marches d’un escalier privé aurait procédé, de la part de la CACEM et en tout état de cause, d’une emprise irrégulière dont il n’appartenait qu’aux juridictions judiciaires de connaître, le tribunal administratif de la Martinique, dans son dispositif, a rejeté purement et simplement la demande de Mme N==, sans décliner la compétence de la juridiction administrative. Dans la mesure toutefois où le rejet pour incompétence et le rejet pur et simple ne revêtent pas les mêmes effets, Mme N== est fondée à soutenir que ce jugement est entaché d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif.

3. Il y a donc lieu d’annuler le jugement attaqué et de statuer immédiatement, par la voie de l’évocation, sur les conclusions présentées par Mme N== devant le tribunal administratif de la Martinique.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. En premier lieu, à supposer que des travaux aient été réalisés sur les trois premières marches de l’escalier en litige sans l’autorisation de la société propriétaire de celui-ci, ces travaux n’ont pas abouti à l’extinction d’un droit de propriété. Dans ces conditions, et comme le fait valoir Mme N==, les agissements invoqués ne pouvant être qualifiés de voie de fait, n’excluent pas la compétence du juge administratif pour connaître de conclusions tendant à la réparation de leurs conséquences dommageables.

5. En second lieu et d’une part, des travaux immobiliers de réfection de la voie publique doivent être regardés comme réalisés par l’intermédiaire d’une personne publique lorsque celle-ci les a, par contrat, confiés à une entreprise. D’autre part, les missions de service public que constituent l’entretien et la réfection de la voie publique comportent en principe le maintien des accès aux propriétés riveraines. Dès lors, les travaux auxquels Mme N== impute ses préjudices, quand bien même exécutés sans autorisation sur un ouvrage appartenant à une personne privée, ont le caractère de travaux publics.

6. Il en résulte que, contrairement à ce que la CACEM soutient, il appartient à la juridiction administrative de connaître de l’action engagée par Mme N==.

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

7. A l’appui de sa demande, Mme N== produit trois attestations, datées du 7 mars 2007, dans lesquelles il est indiqué qu’elle aurait, le même jour, fait une chute dans l’escalier reliant le trottoir à son immeuble. Ces attestations ne permettent toutefois pas d’établir, compte tenu des termes dans lesquels elles sont rédigées, que cette chute aurait été causée par les trois premières marches de l’escalier. En outre, il résulte de l’instruction, et notamment des propres déclarations de Mme N==, ainsi que des différentes autres pièces qu’elle a produites - qu’il s’agisse du rapport d’expertise susmentionné, du rapport de l’expert médical nommé par le président du tribunal de grande instance de Fort-de-France, daté du 21 septembre 2009, de l’ordonnance de référé en date du 26 juin 2009, procédant à la désignation de cet expert, ou des différents certificats médicaux établis par le Pr. S== et par le Dr C== - que la chute à l’origine des dommages dont elle se prévaut dans le cadre du présent litige est survenue, non pas le 7 mars 2007 comme l’indiquent les attestations produites, mais le 9 mars 2007, l’opération à l’épaule consécutive à cette chute ayant été réalisée le surlendemain. Dans ces conditions, le lien de causalité entre les préjudices invoqués et les trois premières marches de l’escalier litigieux ne peut être regardé comme établi.

8. Par suite, et sans qu’il soit besoin de désigner un expert, les conclusions de Mme N== tendant à ce que la CACEM soit condamnée à réparer les dommages subis du fait de la chute dont elle a été victime le 9 mars 2007 ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les dépens :

9. Eu égard à ce qui précède, les frais de l’expertise ordonnée par le 25 janvier 2010 par le président du tribunal administratif sont mis à la charge de Mme N==.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CACEM, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement des sommes que Mme N== demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n’y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner Mme N== à verser à la CACEM la somme que cette dernière demande au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 février 2015 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme N== devant le tribunal administratif de la Martinique sont rejetées, de même que le surplus de ses conclusions en appel.

Article 3 : Les frais de l’expertise ordonnée le 25 janvier 2010 par le président du tribunal administratif sont mis à la charge de Mme N==.

Article 4 : Les conclusions de la CACEM présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.