Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer - Refus de versement de l’indemnité de sujétion géographique – condition d’affectation préalable de deux ans en métropole non remplie en l’espèce
Par Administrateur le mercredi 6 février 2019, 07:31 - FONCTION PUBLIQUE - Lien permanent
Comme plusieurs autres lauréats du concours de professeur d’éducation physique et sportive, session 2013, affectés en Guyane à compter du 1er septembre 2014 après une année de stage accomplie dans une académie métropolitaine, M. C== a sollicité la perception de la première fraction de l’indemnité de sujétion géographique prévue par le décret n° 2013-314 du 15 avril 2013 et attribuée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. Cependant, aux termes de l’article 8, dans sa rédaction applicable (1) au présent litige : « une affectation ouvrant droit à l'indemnité de sujétion géographique prévue ne peut être sollicitée qu'à l'issue d'une affectation d'une durée minimale de deux ans hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte. ».
Au cas d’espèce, la décision de refus de versement de l’ISG était devenue définitive mais il fallait se prononcer sur les conclusions indemnitaires de l’intéressé, qui prétendait avoir subi un préjudice en raison de la promesse non tenue de percevoir cette indemnité que l’administration lui aurait faite.
La cour rejette ces conclusions en estimant qu’il ne résulte pas de l’instruction, notamment, que l’État aurait assuré à M. C== de façon ferme et précise qu’il bénéficierait, au titre de son affectation en Guyane, de l’ISG créée par le décret du 15 avril 2013, en précisant, au demeurant, qu’il n’en remplissait pas les conditions puisqu’il n’avait effectué qu’une année de stage avant d’être affecté en Guyane.
Cet obiter dictum porte sur une question inédite, soit celle de l’application à un fonctionnaire venant d’être titularisé à l’issue d’une année de stage de la condition de durée d’affectation préalablement à l’affectation dans un DOM pour ouvrir le droit au versement de l’ISG, et qui présentait une petite difficulté née de la rédaction apparemment contradictoire du décret concerné (2).
Arrêt 17BX00234 - 2ème chambre – 5 février 2019 – M. C==
(1)- Par décret n° 2016-1648 du 1er décembre 2016 a été ajouté un second alinéa à l’article 8 disposant que, par dérogation, l’ISG « est versée aux stagiaires qui ne demeuraient pas, précédemment à leur affectation en stage, en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte et qui y sont affectés à leur entrée dans l'administration ou à la suite d'une promotion. » Ce décret entré en vigueur le 15 août 2016, a ainsi ouvert le bénéfice de l'indemnité de sujétion géographique aux agents primo-affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte et qui n'y demeuraient pas précédemment.
(2)- En effet le dernier alinéa de l’article 2 de ce décret précise que l’ISG « est versée aux stagiaires qui ne demeurent pas en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte et qui y sont affectés à l'issue de leur entrée dans l'administration ou à l'issue d'une promotion ».
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. N== C== a demandé au tribunal administratif de la Guyane d’annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l’académie de la Guyane a rejeté son recours gracieux contre la décision du 16 février 2015, refusant de lui accorder le bénéfice de l’indemnité de sujétion géographique et d’enjoindre à l’administration de lui verser le montant de la première fraction de l’indemnité de sujétion géographique assortie des intérêts légaux de droit depuis la présentation de sa demande ou, à défaut, depuis le 3 juin 2016, ainsi que, le moment venu, les autres fractions de l’indemnité de sujétion géographique, subsidiairement, de condamner l’administration à lui verser une somme égale à la totalité de l’indemnité de sujétion géographique en réparation du préjudice subi du fait de la remise en cause de la promesse de règlement de l’indemnité de sujétion géographique.
Par un jugement n° 1600546 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 janvier 2017, et des mémoires, enregistrés le 16 août 2017, le 23 mai et les 8 et 21 juin 2018, M. C==, représenté par Me Weyl, demande à la cour : 1°) d’annuler ce jugement du 29 décembre 2016 ;
2°) de condamner l’État à lui verser les trois fractions de l’indemnité de sujétion géographique (ISG), subsidiairement les 2ème et 3ème fractions de cette indemnité ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l’État à lui verser une indemnité égale à la totalité de l’ISG en réparation du préjudice résultant d’une promesse fautive, outre les intérêts légaux à compter de sa demande du 3 juin 2016 et capitalisation au bout d’un an ;
4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 1 500 euros au titre de l’appel en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l’article 1er du décret du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique : « Une indemnité de sujétion géographique est attribuée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats, titulaires et stagiaires affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte, s'ils y accomplissent une durée minimale de quatre années consécutives de services. ». Aux termes de l’article 2 du même décret : « L'indemnité de sujétion géographique est versée aux fonctionnaires de l'État et aux magistrats dont la précédente résidence administrative était située hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte./ Les fonctionnaires de l'État et les magistrats qui demeurent en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte ne peuvent bénéficier de cette indemnité s'ils sont affectés sur place./ Elle est versée aux stagiaires qui ne demeurent pas en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy ou à Mayotte et qui y sont affectés à l'issue de leur entrée dans l'administration ou à l'issue d'une promotion. ». Et aux termes de l’article 4 de ce décret : « L'indemnité de sujétion géographique est payable en trois fractions égales : - une première lors de l'installation du fonctionnaire ou du magistrat dans son nouveau poste ; - une deuxième au début de la troisième année de service ; - une troisième au bout de quatre ans de services. ». Enfin, aux termes de l’article 8 dudit décret, dans sa rédaction applicable au présent litige : « une affectation ouvrant droit à l'indemnité de sujétion géographique prévue ne peut être sollicitée qu'à l'issue d'une affectation d'une durée minimale de deux ans hors de la Guyane, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy ou de Mayotte. ».
2. M. N== C==, lauréat du concours de professeur d’éducation physique et sportive, session 2013, affecté en Guyane à compter du 1er septembre 2014 après une année de stage accomplie dans l’académie d’Aix Marseille, relève appel du jugement du 29 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l’académie de la Guyane a rejeté son recours gracieux formé le 3 juin 2016 contre la décision du 16 février 2015, refusant de lui accorder le bénéfice de l’indemnité de sujétion géographique (ISG), à ce qu’il soit enjoint à l’administration de lui verser le montant de la première fraction de l’ISG ainsi que, le moment venu, les autres fractions de celle-ci, subsidiairement, à la condamnation de l’administration à lui verser une somme égale à la totalité de cette indemnité en réparation du préjudice subi du fait de la remise en cause de la promesse de son règlement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le tribunal administratif de la Guyane a rejeté comme irrecevable la demande présentée par M. C== tendant à l’annulation de la décision par laquelle le recteur de l’académie de Guyane a refusé de lui accorder le bénéfice de l’ISG et, subsidiairement, à l'indemnisation du préjudice subi en raison de la remise en cause de la promesse de règlement de l’indemnité, aux motifs, d’une part, qu’à la date à laquelle le requérant a formé son recours gracieux auprès du recteur de l’académie de Guyane, le 3 juin 2016, le délai de recours, qui avait commencé à courir au plus tard le 20 février 2015, était expiré et qu’ainsi, ce recours gracieux, formé au-delà du délai de recours contentieux contre la décision du 16 février 2015 par laquelle le recteur de l’académie de la Guyane lui avait refusé le bénéfice de l’ISG, n'avait pu avoir pour effet de proroger celui-ci et, d’autre part, qu'en rejetant, fût-ce implicitement, le recours gracieux du 3 juin 2016, le recteur n'avait donné à la décision implicite attaquée d'autre portée que confirmative de son refus initial, devenu définitif, en date du 16 février 2015.
4. D’une part et aux termes de l’article L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Lorsque dans le délai initial du recours contentieux ouvert à l'encontre de la décision, sont exercés contre cette décision un recours gracieux et un recours hiérarchique, le délai du recours contentieux, prorogé par l'exercice de ces recours administratifs, ne recommence à courir à l'égard de la décision initiale que lorsqu'ils ont été l'un et l'autre rejetés ».
5. D’autre part et aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors applicable : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ». Il résulte des dispositions de l’article R. 421-5 du même code que ce délai n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. Aux termes de l’article R. 611-7 du code : « Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (…) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ».
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le recteur de l’académie de Guyane avait soulevé en défense devant les premiers juges une fin de non recevoir tirée de la forclusion de la demande de première instance présentée par M. C== faute pour le recours gracieux formulé le 3 juin 2016 d’avoir été introduit dans le délai imparti pour interrompre le cours du délai de recours contentieux, par application des dispositions précitées des articles L. 411-2 du code des relations entre le public et l’administration et R. 421-1 du code de justice administrative. Dès lors, en rejetant la demande de l’appelant pour le motif d’irrecevabilité décrit au point 3, tiré du caractère confirmatif d’une décision devenue définitive, le tribunal administratif de la Guyane, qui n’avait pas à procéder à la communication aux parties d’un moyen d’ordre public, la tardiveté de la requête étant déjà dans le débat contradictoire, n’a pas entaché son jugement d’irrégularité en tant qu’il porte sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision refusant à l’intéressé le versement de la première fraction de l’ISG. Les moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit au procès équitable doivent par suite être écartés.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 16 février 2015, mentionnant les délais et les voies de recours ouverts à son encontre, le recteur de l’académie de la Guyane a rejeté la demande de M. C== tendant à la perception de la première fraction de l’ISG. Il ressort également des pièces du dossier de première instance que cette décision a été présentée le 20 février 2015 à l’adresse que l’appelant avait fait connaître à l’administration. Si le pli recommandé a été retourné au service expéditeur le 10 mars 2015, il n’est pas contesté que le délai de recours prévu à l’article R. 421-1 du code de justice administrative avait commencé à courir à la date du dépôt de l’avis de mise en instance, en l’occurrence le 20 février 2015, et était expiré à la date à laquelle l’intéressé a formé son recours gracieux le 3 juin 2016, lequel n’a pu dès lors rouvrir le délai du recours contentieux. Dans ces conditions, et en l’absence de circonstances de fait ou de droit nouvelles, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le recteur de l’académie de la Guyane sur son recours du 3 juin 2016 et tendant notamment au réexamen de la décision de refus de paiement de la première fraction de l’ISG, s’analyse en une décision purement confirmative de la décision expresse antérieure devenue définitive. Le recteur de l’académie de la Guyane s’étant prononcé dans cette décision antérieure sur son droit à l’ISG, la demande formulée dans le recours du 3 juin 2016 tendant au versement « le moment venu » des deuxième et troisième fraction de ladite indemnité ne pouvait par ailleurs être regardée comme nouvelle. Dès lors, les conclusions de M. C== dirigées contre cette décision implicite en tant qu’elle refuse de lui accorder le bénéfice de l’ISG étaient tardives et le tribunal a pu les rejeter comme étant irrecevables.
8. Si la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 3 juin 2016 par M. C== doit être regardée comme confirmative de la décision du 16 février 2015 qui n’a pas été contestée par l’intéressé dans le délai de recours contentieux, en tant qu’elle concerne le refus de versement de l’ISG, il ne résulte en revanche pas de l’instruction que l’appelant avait déjà formulé une réclamation préalable indemnitaire fondée sur l’existence d’une promesse fautive. Dès lors, la décision rejetant implicitement sa demande du 3 juin 2016 tendant à la réparation du préjudice résultant de la faute de l’administration du fait de la remise en cause de la promesse de règlement de l’ISG ne saurait être regardée comme purement confirmative de décisions précédentes, alors même qu’elle tendait au versement d’une indemnité de même montant que l’ISG refusée. Il suit de là qu’en rejetant pour irrecevabilité les conclusions subsidiaires présentées par M. C== tendant à la condamnation de l’État, le tribunal a entaché son jugement d’irrégularité.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C== est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté comme irrecevable sa demande présentée à titre subsidiaire tendant à la condamnation de l’administration à lui verser une somme égale à la totalité de l’ISG en réparation du préjudice subi du fait de la remise en cause de la promesse de règlement de cette indemnité. Il y a lieu pour la cour d’annuler dans cette mesure le jugement du 29 décembre 2016 et de statuer par voie d'évocation sur ces conclusions tendant à la condamnation de l’État.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Il est constant que M. C== n’avait effectué qu’une année d’exercice en qualité de fonctionnaire stagiaire hors de la Guyane avant d’être affecté dans ce département au 1er septembre 2015. Par suite, et alors même que cette circonstance ne faisait pas obstacle à sa nomination en Guyane, en dépit de ce qu’il prétend, il ne remplissait pas la condition nécessaire au versement de l’ISG prévue par l’article 8 du décret du 15 avril 2013 cité au point 1.
11. Contrairement à ce que l’appelant soutient, il ne résulte de l’instruction ni que l’État aurait assuré à M. C== de façon ferme et précise qu’il bénéficierait, au titre de son affectation en Guyane, de l’ISG créée par le décret du 15 avril 2013 alors, au demeurant, qu’il n’en remplissait pas les conditions, ni que son choix de rejoindre ce département avait pour motif déterminant l’information relative à ce régime indemnitaire figurant dans diverses circulaires et sur le site internet de l’académie de la Guyane. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction qu’il aurait sollicité cette affectation sur le fondement de la promesse de se voir attribuer ladite indemnité.
12. Il résulte de ce qui précède que M. C== n’est pas fondé à soutenir que l’État aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard. Il suit de là, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le recteur de l’académie de Guyane, que les conclusions tendant à la condamnation de l’Etat à verser à M. C== une indemnité en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait d’une promesse fautive doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que M. C== demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 29 décembre 2016 est annulé en tant qu’il a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande de M. C== tendant à la condamnation de l’État à lui verser une somme égale à la totalité de l’indemnité de sujétion géographique en réparation du préjudice subi du fait de la remise en cause de la promesse de règlement de cette indemnité.
Article 2 : La demande de M. C== devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à la condamnation de l’État et le surplus des conclusions de sa requête présentée devant la cour sont rejetés.