Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SA Limoges Dis a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période de décembre 2000 à octobre 2003, pour un montant de 639 315 euros.

Par un jugement n° 1301754 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2015, la SA Limoges Dis, représentée par Me Duceu et Me Michaud, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de prononcer la restitution de la taxe sur les achats de viande qu’elle a acquittée au titre de la période de juin 2001 à octobre 2003 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.


Considérant ce qui suit :

1. La SA Limoges Dis, qui exploite un magasin à l’enseigne Leclerc à Limoges, a déclaré et acquitté un montant de taxe sur les achats de viande de 639 708,47 euros au titre de la période du 1er décembre 2000 au 31 octobre 2003. Le 29 décembre 2003, elle a réclamé à l’administration fiscale la restitution de cette taxe en raison de sa contrariété au droit communautaire. Le 13 août 2004, le directeur des services fiscaux a finalement procédé au dégrèvement de la totalité de ces impositions. Le service n’a toutefois remboursé à la société que la somme de 393 euros et non le surplus des taxes acquittées sur la période, soit 639 315 euros. La société Limoges Dis a sollicité le remboursement de ce surplus par une réclamation du 4 février 2013, rejetée par l’administration fiscale. Elle relève appel du jugement du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Limoges a opposé à sa demande tendant aux mêmes fins une fin de non-recevoir tiré de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande :

2. Lorsque l’administration, saisie d’une réclamation en ce sens, prononce le dégrèvement d’une imposition, sa décision a pour effet d’annuler le titre fondant le paiement de cette imposition, que ce titre résulte d’un acte de l’administration ou, si les dispositions applicables le prévoient, d’une simple déclaration du redevable. La circonstance que les sommes déjà versées par le contribuable en exécution de ce titre ne lui aient pas été remboursées en méconnaissance des dispositions de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ou n’aient pas fait l’objet d’une compensation pour avoir paiement d’autres impositions dues est sans incidence sur la portée de la décision prononçant le dégrèvement. Il s’ensuit que lorsque l’administration estime ultérieurement avoir consenti un dégrèvement à tort, il lui appartient, après avoir averti le contribuable de la persistance de son intention de l’imposer, d’émettre un nouveau titre en vue de procéder au recouvrement des impositions qu’elle entend rétablir.

3. Si l’administration n’a pas remboursé les taxes acquittées à hauteur de 639 315 euros, il est constant qu’aucun avis de mise en recouvrement susceptible de fonder de nouveau légalement ces impositions n’a été notifié à la SA Limoges Dis. Dans ces conditions, la demande qu’elle a présentée en vue d’obtenir la restitution des sommes acquittées et non remboursées ne saurait être regardée comme soulevant un litige d’assiette relatif à une imposition. Par suite, le tribunal administratif n’a pu, sans entacher son jugement d’irrégularité, opposer à cette demande une fin de non-recevoir tirée de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, qui ne s’applique qu’aux réclamations d’assiette. Il y a lieu en conséquence pour la cour d’annuler le jugement attaqué et de statuer par voie d’évocation sur la demande de la société Limoges Dis.

4. Selon l’article L. 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l’État est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires dont le taux est celui de l’intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés ». Aux termes de l’article L. 281 du même livre : « Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents (…) doivent être adressées à l’administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / (…) 2° Soit sur l’existence de l’obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l’exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l’assiette et le calcul de l’impôt. ».

5. Les sommes dont la société Limoges Dis demande la restitution ayant donné lieu à dégrèvement à la suite d’une réclamation, cette demande s’analyse, en application des dispositions précitées, comme une contestation en matière de recouvrement.

6. Le ministre des finances et des comptes publics oppose à la société Limoges Dis l’autorité relative de chose jugée s’attachant au jugement du 21 juin 2007, confirmé par une ordonnance du 6 janvier 2011 du président de la 3ème chambre de la cour, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de restitution des cotisations de taxe portée devant lui par la société à la suite du rejet de sa première réclamation du 29 décembre 2003. Cette décision de justice, toutefois, ne s’est prononcée, au regard de l’argumentation alors développée devant le juge de l’impôt, que sur des conclusions d’assiette ayant pour objet la décharge de la taxe. Dès lors que la société Limoges Dis saisit désormais la cour de conclusions relevant du contentieux du recouvrement, sa présente action en restitution ne peut être regardée comme présentant avec la précédente une identité d’objet. Le ministre n’est dès lors pas fondé à opposer à cette action l’autorité de chose jugée.

7. Faute d’avoir, après le prononcé du dégrèvement des cotisations de taxe sur les achats de viande payées par la société au titre de la période allant du 1er décembre 2000 au 31 octobre 2003, émis un nouveau titre fondant le paiement de cette imposition, l’administration ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, refuser à la SA Limoges Dis le remboursement des taxes dont le dégrèvement lui avait été accordé le 13 août 2004.

8. Il résulte de ce qui précède que la SA Limoges Dis est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SA Limoges Dis en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1301754 du 13 mai 2015 est annulé.

Article 2 : Le montant non encore remboursé des cotisations de taxe sur les achats de viande acquittées par la SA Limoges Dis au titre de la période du 1er juin 2001 au 31 octobre 2003 lui sera restitué.

Article 3 : L’Etat versera à la SA Limoges Dis une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.