Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet des Pyrénées-Atlantiques a demandé le 8 mars 2018 au juge des référés du tribunal administratif de Pau d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 554-1 du code de justice administrative et de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la suspension de l’exécution de la convention signée le 10 janvier 2018 par le maire de Bayonne avec le directeur général de l'association Euskal Moneta-Monnaie locale du Pays Basque.



Par une ordonnance n° 1800476 du 28 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté le déféré.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 10 avril 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande au juge des référés de la cour :



1°) d’annuler cette ordonnance du 28 mars 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Pau ;



2°) d’ordonner la suspension de l’exécution de la convention susmentionnée.


Considérant ce qui suit :



1. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait appel de l'ordonnance du 28 mars 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de la convention conclue le 10 janvier 2018 entre la commune de Bayonne et l'association Euskal Moneta-Monnaie locale du Pays Basque, présentée sur le fondement des articles L. 554-2 du code de justice administrative et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

2. Le premier alinéa de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission ». Aux termes du troisième alinéa du même article, dont les dispositions sont reproduites sous l’article L. 554-1 du code de justice administrative : « Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué… ».

3. Au cours de sa séance du 19 juillet 2017, le conseil municipal de Bayonne a approuvé la conclusion d'une convention avec l'association Euskal Moneta-Monnaie locale du Pays Basque que le maire de Bayonne a signé le 10 janvier 2018. En vertu de cette convention, la commune s'engage d'une part à permettre l'encaissement par les régies municipales de l'eusko, monnaie locale du pays basque dont le taux de conversion est de 1 eusko pour 1 euro, en règlement des prestations fournies par la commune et, d'autre part, à autoriser le paiement « en euskos » des dépenses de la collectivité telles que les indemnités versées aux membres du conseil municipal, les subventions et le paiement de factures aux entreprises adhérentes au réseau de la monnaie locale, sur demande des intéressés.

4. Dans le rapport de présentation de la délibération, il est mentionné que l'encaissement des titres de monnaie locale complémentaire par la commune est rendu possible par la réglementation en vigueur et dans le cadre de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire mais qu'en revanche, en l'état actuel du droit, les titres de monnaie locale ne figurent pas parmi les moyens de règlement des dépenses publiques qui sont limitativement énumérés, les comptables publics n’étant pas habilités à effectuer les paiements sous cette forme. Sur ce dernier point, la motivation de la délibération reprend les termes d’une « fiche relative aux titres de monnaie locale complémentaire » établie par la direction générale des finances publiques.

5. Le préfet soutient qu'il résulte des dispositions de l'article 34 du décret du 7 novembre 2012 et de celles de l'arrêté du 24 décembre 2012 énumérant notamment les moyens de règlement des dépenses publiques, auxquelles la loi du 31 juillet 2014 ne peut être regardée comme ayant entendu déroger, que les dépenses de la commune ne peuvent pas être réglées selon le dispositif stipulé par la convention en litige.

6. Il ressort des stipulations de cet acte que, sur demande de membres du conseil municipal, d’associations ou d’entreprises disposant d’un compte en euskos, la commune de Bayonne s’engage à payer certaines dépenses libellées en euskos en réalisant un virement en euros à l’association Euskal Moneta-Monnaie locale du Pays Basque qui opère la conversion du paiement en euskos et le règlement en monnaie locale sur le compte en euskos du destinataire du paiement, tenu par l’association. Il est vrai qu’en dépit de l’intitulé du 4 de la convention, la commune ne s’engage pas à régler directement certaines dépenses en euskos. Néanmoins, il résulte de ces stipulations que, quand bien même le bénéficiaire du paiement aura préalablement donné mandat à l’association pour recevoir celui-ci et devra fournir au comptable de la commune un « relevé d’identité euskos » indiquant son numéro de compte en euskos auprès de l’association, le caractère libératoire du paiement de la dépense publique dépendra de l’intermédiation de l’association alors que celle-ci n’est pas au nombre des organismes habilités par convention à régler certaines dépenses publiques en vertu de l’article L. 1611-7 du code général des collectivités territoriales. Il est en outre constant que la loi du 31 juillet 2014 n’a pas autorisé spécifiquement une dérogation aux règles de compétence en matière de comptabilité publique habilitant cette forme, même indirecte, de paiement des dépenses de la collectivité en monnaie locale.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, le moyen invoqué par le préfet paraît propre à créer un doute sérieux quant à la validité de la convention déférée. Par suite, le préfet est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée et la suspension de l’exécution de la convention.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :



8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la commune de Bayonne de la somme qu’elle demande au titre des frais de procès.




ORDONNE :



Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Pau n° 1800476 du 28 mars 2018 est annulée.



Article 2 : L’exécution de la convention signée le 10 janvier 2018 par la commune de Bayonne avec l'association Euskal Moneta-Monnaie locale du Pays Basque est suspendue jusqu’à ce qu’il ait été statué au fond sur la validité de cet acte.



Article 3 : Les conclusions de la commune de Bayonne tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.