Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F== a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 octobre 2019 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1902388 du 4 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, mis à la charge de l’Etat le paiement d’une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. F==.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 6 novembre 2019 et le 13 avril 2020 sous le n° 19BX04327, M. F==, représenté par Me Z==, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau du 4 novembre 2019 en tant qu’il rejette les conclusions de sa requête tendant à l’annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, lui refusant l’octroi d’un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, contenues dans l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 octobre 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le paiement au profit de son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

…/…

II - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre 2019 et 21 février 2020 sous le n° 19BX04522, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 novembre 2019 en tant qu’il annule la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et met à sa charge les frais de l’instance ;

2°) de rejeter la demande de M. F== et les conclusions incidentes qu’il présente en appel.

…/…

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité sur l’Union européenne ; - la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; - le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l’aide juridique ; - les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 ; - le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de M. Sorin ; - et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F==, ressortissant tunisien né le 7 février 1993, est entré sur le territoire français, en provenance d’Italie, à une date indéterminée, au cours de l’année 2014. Il a fait l’objet en dernier lieu, le 28 octobre 2019, d’un arrêté par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par la requête n° 19BX04327, M. F== relève appel du jugement du 4 novembre 2019 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau, après avoir annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans contenue dans l’arrêté du 28 octobre 2019, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l’annulation des autres décisions contenues dans ce même arrêté. Par la requête n° 19BX04522, le préfet de la Charente-Maritime relève appel du même jugement du 4 novembre 2019 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans contenue dans l’arrêté du 28 octobre 2019 et a mis à la charge de l’Etat une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la jonction :

2. Les deux affaires susvisées sont relatives au même jugement et ont trait à une même décision. Il y a lieu, par suite, de les joindre et d’y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la requête n° 19BX04327 présentée par M. F==:



En ce qui concerne les moyens communs à l’ensemble des décisions contestées :



3. En premier lieu, M. F== n’apporte aucun élément pertinent de nature à remettre en cause les motifs retenus à bon droit par le premier juge pour écarter le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions contenues dans l’arrêté en litige.



4. En second lieu, et comme l’a justement relevé le premier juge, le caractère suffisant de la motivation de l’ensemble des décisions contestées révèle que le préfet s’est livré à un examen réel et sérieux de la situation de M. F==.



En ce qui concerne les moyens spécifiquement dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :



5. En premier lieu, aux termes de l’article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « I. ― L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ».

6. S’il ressort des pièces du dossier de première instance que M. F== a obtenu, de la part des autorités tchèques, un visa valable du 5 au 30 août 2014 lui permettant de circuler librement dans l’espace Schengen, l’intéressé ne justifie pas davantage en appel que devant le tribunal qu’il serait entré régulièrement sur le territoire national durant cette période. Contrairement à ce qu’il allègue, le relevé du système Visabio produit par le préfet ne permet pas davantage d’établir la régularité de cette entrée sur le territoire français au cours de la période considérée. La seule production d’un billet de transport d’une compagnie de bus n’établit pas davantage la réalité de son entrée sur le territoire français avant le 30 août 2014. L’intéressé avait d’ailleurs déclaré, au cours de son audition du 19 mars 2016, être entré en France au terme de deux mois passés en République tchèque, « à la fin de 2014 ». Par suite, c’est à bon droit que le premier juge a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.



7. En deuxième lieu, la circonstance que l’obligation de quitter le territoire français sans délai du 28 octobre 2019 aurait pu faire obstacle, si elle avait été exécutée, à ce que M. F== puisse comparaître personnellement à l’audience du conseil des prud’hommes de Tours du 7 novembre 2019, une première fois reportée au 24 mars 2020, dans le cadre du litige qu’il a initié contre son ancien employeur, n’est pas de nature à caractériser une méconnaissance des stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, dès lors que l’intéressé bénéficiait de l’assistance d’un conseil dans cette affaire.



8. En troisième et dernier lieu, M. F==, dont la famille réside en Tunisie, n’apporte en appel aucun élément nouveau de nature à établir que la décision attaquée aurait méconnu l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d’une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation. Il y a lieu, par suite, d’écarter ce moyen par adoption du motif retenu à bon droit par le premier juge.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire :



9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier de première instance, notamment du procès-verbal d’audition de M. F== du 28 octobre 2019 par les services de gendarmerie de Saintes, que l’intéressé a été mis en mesure de faire valoir ses observations sur l’éventualité d’une mesure d’éloignement dont il pourrait faire l’objet. Il a d’ailleurs, à cette occasion, fait état de la procédure prud’homale en cours, de la date de sa convocation devant le conseil de prud’hommes et n’établit pas qu’il aurait eu d’autres éléments à faire valoir avant l’édiction de la décision litigieuse. Enfin, M. F==, qui avait déjà fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement sans délai le 17 décembre 2015 par le préfet du Val-de-Marne, non exécutée, ne pouvait ignorer les conséquences possibles de son maintien en situation irrégulière depuis cette date s’agissant de l’édiction d’une nouvelle mesure d’éloignement sans délai. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir pour la première fois en appel que le droit d’être entendu, principe général du droit de l’Union européenne, aurait été méconnu avant le prononcé de cette décision.

10. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « (…) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (…) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (…) ».



11. Comme l’a relevé le premier juge, M. F== était démuni de document d’identité ou de voyage en cours de validité, dès lors qu’un permis de conduire n’est pas un document d’identité. Cette seule circonstance était suffisante pour permettre à l’autorité préfectorale d’estimer établi le risque que M. F=== se soustraie à son obligation de quitter le territoire français, au sens et pour l’application des dispositions précitées. Au surplus, l’intéressé a indiqué, lors de son audition du 28 octobre 2019, ne pas vouloir retourner dans son pays d’origine.



12. En dernier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n’étant affectée d’aucune illégalité, c’est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que la décision refusant un délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale.



En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :



13. La décision portant obligation de quitter le territoire français et celle portant refus d’un délai de départ volontaire n’étant affectées d’aucune illégalité, c’est à juste titre que le premier juge a écarté l’unique moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale.

14. Il résulte de ce qui précède que M. F== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de sa requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi contenues dans l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 octobre 2019.

Sur les conclusions de la requête n° 19BX04522 présentée par le préfet de la Charente-Maritime :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

15. Pour annuler la décision portant interdiction de retour sur le territoire français de M. F== pour une durée de deux ans, le premier juge a considéré qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. F== aurait été informé de ce qu’il était susceptible de faire l’objet d’une telle mesure et aurait été mis à même de présenter ses observations sur l’éventualité d’une telle décision, de sorte que celle-ci a été prise en méconnaissance de son droit d’être entendu.

16. Aux termes du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans (…) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier (...) alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (…) ».

17. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d’interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs, notamment lorsque des circonstances humanitaires sont invoquées. Si cette motivation doit donc attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d’interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger et faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ainsi que des éventuelles circonstances humanitaires que l’étranger a entendu invoquer. En revanche, si, après prise en compte du critère de la menace pour l’ordre public, l’autorité ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.



18. Ces dispositions découlent notamment de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l’ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d’éloignement ou leur faisant interdiction de retour, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d’être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union européenne. Si l’obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d’être entendu.



19. Ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne l’a notamment jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’une décision de retour implique que l’autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l’irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l’autorité s’abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n’implique toutefois pas que l’administration ait l’obligation de mettre le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français qui est prise concomitamment à une mesure d’éloignement. La circonstance que l’autorité administrative n’est pas tenue d’édicter une telle mesure d’interdiction en complément d’une obligation de quitter le territoire français assortie d’un délai de départ volontaire et qu’elle peut, pour des raisons humanitaires, également s’abstenir de prononcer une telle interdiction à la suite d’une décision d’éloignement sans délai, ne fait pas obstacle au prononcé de cette mesure lorsque le ressortissant étranger a pu être entendu et ainsi mis à même, au cours de la procédure et avant toute décision lui faisant grief, de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur l’irrégularité du séjour ou la perspective de l’éloignement, et notamment faire valoir d’éventuelles circonstances humanitaires.

20. Si M. F== a fait valoir qu’il n’avait pas été mis en mesure de présenter ses observations sur l’éventualité d’une mesure d’interdiction de retour, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d’audition par les services de police de Saintes, en date du 28 octobre 2019, que l’intéressé a, en l’espèce, été entendu sur sa situation personnelle et familiale et a été informé de ce qu’il était susceptible de faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Il a ainsi été mis à même de faire part de ses observations sur l’irrégularité de son séjour ou la perspective d’éloignement et d’apporter tous éléments de nature à faire, le cas échéant, obstacle à une mesure d’interdiction de retour sur le territoire français. M. F==, qui avait déjà fait l’objet d’une précédente mesure portant obligation de quitter le territoire français sans délai et a été informé, lors de son audition, qu’il pourrait faire l’objet d’une nouvelle mesure d’éloignement, n’établit d’ailleurs pas avoir été privé de la possibilité de présenter, de manière utile et effective, des éléments pertinents, liés à des circonstances humanitaires, qui auraient pu influer sur le principe et la durée de l’interdiction de retour sur le territoire français susceptible d’être prise à son encontre, alors qu’il s’est en particulier expliqué, au cours de cette audition, sur sa convocation devant le conseil de prud’hommes.

21. Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, le préfet de la Charente-Maritime est fondé à soutenir que c’est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré d’une méconnaissance du droit d’être entendu pour annuler la décision d’interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

22. Il y a lieu pour la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. F== à l’encontre de cette décision.

23. En premier lieu, il ressort de la motivation de l’arrêté du préfet qu’il a rappelé l’absence d’attaches sur le territoire français de M. F==, dont la famille réside en Tunisie, le fait qu’il travaille sans autorisation « un peu pour tout le monde » et a relevé en particulier, pour justifier la durée de l’interdiction de retour, que l’intéressé n’avait pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français. Ainsi qu’il a été dit au point 17, le préfet, qui n’a retenu aucune menace pour l’ordre public, n’était pas tenu de le préciser expressément. Par suite, la motivation de l’interdiction de retour sur le territoire français n’est entachée d’aucune irrégularité.

24. En deuxième lieu, il est constant que M. F== a délibérément travaillé de manière irrégulière sans solliciter la délivrance d’un titre de séjour, qu’il ne dispose ni d’attaches ni de domicile stable en France, étant successivement hébergé par divers compatriotes, et que toute sa famille réside en Tunisie. Il a déclaré ne pas savoir pour quel motif il a été libéré du centre de rétention du Mesnil-Amelot où il était retenu après l’édiction d’une première obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet du Val-de-Marne, mais ne pouvait ignorer qu’il devait quitter le territoire. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que la durée de l’interdiction serait, au regard des critères légaux précédemment énoncés, disproportionnée.

25. En troisième lieu, et pour le même motif que celui exposé au point 7, la décision d’interdiction de retour ne méconnaît pas les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. F== bénéficie de l’assistance d’un conseil à même de le représenter devant le conseil de prud’hommes.

26. En quatrième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 24 ainsi qu’au point 8, la décision en litige, qui ne méconnaît pas les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. F== de mener une vie privée et familiale normale et n’est pas entachée d’une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

27. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Charente-Maritime est fondé à demander l’annulation du jugement du 4 novembre 2019 en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a annulé la décision d’interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, contenue dans l’arrêté du 28 octobre 2019, et a mis à la charge de l’Etat le paiement d’une somme de 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

28. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F== demande, dans les deux affaires, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 19BX04327 de M. F== est rejetée.

Article 2 : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Pau du 4 novembre 2019 sont annulés.

Article 3 : La demande de M. F===tendant à l’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l’arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 28 octobre 2019 est rejetée.

Article 4 : Le surplus des conclusions d’appel de M. F===est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Younes F== et au ministre de l’intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.