Décision de placement d’un détenu en cellule disciplinaire à titre préventif (article R. 57-7-18 du code de procédure pénale) : pas d’obligation de motivation.
Par Béatrice le mardi 21 juin 2016, 16:16 - ACTES ADMINISTRATIFS - Lien permanent
Le placement à titre préventif d’un détenu en cellule disciplinaire, prévu par l’article R. 57-7-18 du code de procédure pénale, constitue une mesure à caractère provisoire et conservatoire destinée à préserver l’ordre dans l’établissement et n’est pas, dès lors, au nombre des décisions défavorables qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Le moyen tiré de l’insuffisance de motivation d’une telle décision est, par suite, inopérant.
Arrêt n°15BX02297 – 21 juin 2016 – 3ème chambre – M. B===
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F== B== a demandé au tribunal administratif de Pau d’annuler la décision, en date du 10 juillet 2013, par laquelle le chef d’établissement du centre pénitentiaire de Lannemezan a décidé son placement en cellule disciplinaire à titre préventif.
Par un jugement n°1302115 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juillet 2015, M. F== B==, représenté par Me Benoit David, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 19 mars 2015 ;
2°) d’annuler la décision contestée du 10 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l’article L 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 du décret du 19 décembre 1991.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 juillet 2013, le chef d’établissement du centre pénitentiaire de Lannemezan a décidé de placer M. B== à titre préventif en cellule disciplinaire. M. B== a saisi le tribunal administratif de Pau d’une demande tendant à l’annulation de cette décision. Il fait appel du jugement du 19 mars 2015 rejetant sa demande.
2. La décision contestée du 10 juillet 2013 a été prise sur le fondement de l’article R. 57-7-18 du code de procédure pénale, aux termes duquel : « Le chef d'établissement ou son délégataire peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le confinement en cellule individuelle ordinaire ou le placement en cellule disciplinaire d'une personne détenue, si les faits constituent une faute du premier ou du deuxième degré et si la mesure est l'unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l'ordre à l'intérieur de l'établissement. ».
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, M. B== soutient que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision contestée. Le placement à titre préventif d’un détenu en cellule disciplinaire, prévu par l’article R. 57-7-18 précité du code de procédure pénale, constitue une mesure à caractère provisoire et conservatoire destinée à préserver l’ordre dans l’établissement et n’est pas, dès lors, au nombre des décisions défavorables qui doivent être motivées en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Le moyen tiré de l’insuffisance de motivation d’une telle décision est, par suite, inopérant. Il en résulte qu’en ne répondant pas à un tel moyen, le tribunal administratif n’a pas, en tout état de cause, entaché d’irrégularité son jugement.
4. En second lieu, aux termes de l’article R. 711-3 du code de justice administrative : « Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne (...) ».
5. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions précitées de l’article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d’apprécier l’opportunité d’assister à l’audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu’elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l’appui de leur argumentation écrite et d’envisager, si elles l’estiment utile, la production, après la séance publique, d’une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l’audience, l’ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d’adopter, à l’exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s’impose à peine d’irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
6. Par ailleurs, pour l’application de l’article R. 711-3 du code de justice administrative et eu égard aux objectifs de cet article, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l’appréciation qu’il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu’appelle, selon lui, le litige, et notamment d’indiquer, lorsqu’il propose le rejet de la requête, s’il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu’il conclut à l’annulation d’une décision, les moyens qu’il propose d’accueillir. La communication de ces informations n’est toutefois pas prescrite à peine d’irrégularité de la décision.
7. M. B== soutient que les indications données, préalablement à l’audience qui s’est tenue le 5 mars 2015, concernant les conclusions du rapporteur public étaient trop imprécises pour permettre de présenter utilement une défense orale ou une note en délibéré. Il ressort cependant des pièces du dossier de première instance que, conformément à l’article R. 711-3 du code de justice administrative, le rapporteur public a mis en ligne sur l’application «Sagace », le 3 mars 2015 à 12 heures, le sens de ses conclusions et qu’il indiquait de manière suffisante qu’il conclurait dans le sens d’un « rejet au fond ». Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait été rendu au terme d’une procédure irrégulière doit être écarté.
Au fond :
En ce qui concerne la légalité externe :
8. En premier lieu, l’article R. 57-7-5 du code de procédure pénale dispose que : « Pour l'exercice de ses compétences en matière disciplinaire, le chef d'établissement peut déléguer sa signature à son adjoint, à un directeur des services pénitentiaires ou à un membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous son autorité. / Pour les décisions de confinement en cellule individuelle ordinaire et de placement en cellule disciplinaire, lorsqu'elles sont prises à titre préventif, le chef d'établissement peut en outre déléguer sa signature à un major pénitentiaire ou à un premier surveillant. ».
9. Par une décision du 24 septembre 2012, le directeur du centre pénitentiaire de Lannemezan a donné à Mme C== D==, lieutenant pénitentiaire, membre du corps de commandement du personnel de surveillance placé sous l’autorité de ce directeur, délégation permanente de signature afin, notamment, de « décider de placer les personnes détenues à titre préventif, en confinement en cellule individuelle ordinaire ou en cellule disciplinaire ». Le tribunal administratif a relevé, sans que le requérant ne conteste le jugement sur ce point, que cette délégation avait été affichée dans l’établissement. La mesure de publicité dont a ainsi fait l’objet cet acte réglementaire a été suffisante pour rendre celui-ci opposable à M. B==. Ce dernier ne saurait, s’agissant d’un acte réglementaire, utilement faire valoir qu’il aurait dû lui être notifié en même temps que la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision litigieuse doit être écarté.
10. En deuxième lieu, l’article 4 de la loi susvisée du 12 avril 2000 dispose que : « (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ».
11. La décision en litige mentionne le nom, le prénom et la qualité de son auteur. Elle est revêtue de la signature de ce dernier. Dans ces conditions, et quand bien même cette signature serait « illisible », comme le soutient le requérant, ce dernier était en mesure d’identifier l’auteur de l’acte. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne saurait être accueilli.
12. En troisième lieu, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision critiquée est inopérant pour les motifs exposés au point 3 ci-dessus.
En ce qui concerne la légalité interne :
13. Il ressort des pièces du dossier que le 10 juillet 2013, vers 15 heurs 40, M. B== a saisi, à travers la trappe de la grille de sa cellule, l’avant-bras gauche du lieutenant D== qui lui remettait un document et l’a tiré vers lui. Eu égard à la gravité de ce geste agressif commis sur un membre du personnel de surveillance et au comportement violent dont a fait preuve M. B== depuis le début de sa détention, l’administration a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que la mesure de placement en cellule disciplinaire à titre préventif était l’unique moyen de préserver l’ordre à l’intérieur de l’établissement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B== est rejetée.