Arrêt 16BX01102

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commission départementale d’aménagement commercial de la Gironde, statuant en matière cinématographique, a, par une décision du 7 juillet 2015, autorisé la SARL Les Cinémas du Nord Bassin à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 4 salles et 637 places, à l’enseigne « La Dolce Vita » à Andernos-les-Bains.

Par un recours enregistré sous le n° 254, la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion ont demandé à la Commission nationale d’aménagement cinématographique d’annuler cette autorisation.

Par une décision en date du 17 décembre 2015, la Commission nationale d’aménagement cinématographique a rejeté ce recours et autorisé le projet.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er avril 2016 et le 27 janvier 2017, la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion, représentées par Me Bouyssou, demandent à la cour :

1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2015 de la Commission nationale d’aménagement cinématographique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société « Les Cinémas du Nord Bassin » la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ……………………………………………………………………………………………………

Considérant ce qui suit :

1. La SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » a déposé le 15 juin 2015 devant la commission départementale d’aménagement cinématographique de la Gironde une demande d’autorisation pour créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne « La Dolce Vita », composé de 4 salles, dont une équipée pour accueillir également des spectacles vivants, et 637 places au centre ville de la commune d’Andernos-les-Bains. La commission départementale d’aménagement cinématographique de la Gironde a délivré l’autorisation sollicitée le 7 juillet 2015. Saisie d’un recours formé par SCI La Montagne et la SC Arès Expansion, qui avaient également obtenu l’autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 987 places, à l'enseigne « Les Portes du Bassin » à Arès par décision du même jour de la commission départementale d’aménagement cinématographique de la Gironde, la Commission nationale d’aménagement cinématographique a rejeté le recours et autorisé le projet présenté par la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » par décision du 17 décembre 2015. La SCI La Montagne et la SC Arès Expansion demandent l’annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure suivie devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique :

2. Aux termes de l’article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l’image animée : « La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. »

3. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, notamment pas de l’article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l’image animée, ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d’aménagement cinématographique doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition ou de ce que la convocation de ses membres a été régulièrement effectuée et a été accompagnée de l’envoi de l’ordre du jour et des documents nécessaires aux délibérations. En outre, il ressort de la feuille d’émargement de la séance du 17 décembre 2015 que la Commission nationale d’aménagement cinématographique était composée de 7 membres et que les dossiers d’instruction des affaires examinées lors de la séance du 17 décembre 2015 ont été adressés aux membres de la commission le 11 décembre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de l’avis du ministre de la culture et de la communication :

4. L’avis de la ministre de la culture et de la communication a été signé par M. Fabrice Bakhouche, directeur du cabinet, ayant reçu délégation par un arrêté en date du 10 novembre 2014 publié au Journal officiel du 14 novembre 2014, à l’effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l’exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n’a pas été donnée aux personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article 1 du décret du 27 juillet 2005. Ainsi, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’avis de la ministre de la culture et de la communication ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

5. Aux termes de l’article A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l’image animée : « La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : (…) 7° L'indication de la population totale présente dans la zone d'influence cinématographique et de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; 8° Le nombre de salles de l'établissement de spectacles cinématographiques et le nombre de places de spectateurs de chacune de ses salles et, pour les projets portant sur une extension, l'indication du nombre de salles et de places de spectateurs par salle existante et envisagée (…)10° Une liste des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique précisant, pour chacun, le nombre de salles et de places de spectateurs ainsi que leur éventuelle appartenance à une entente ou à un groupement de programmation (…) »

6. Si les sociétés requérantes soutiennent que le dossier de demande d’autorisation était insuffisant en ce qui concerne la population dans la zone d'influence cinématographique, le nombre de salles et de places du projet et la localisation des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d’influence cinématographique, il ressort des pièces du dossier que tous ces éléments étaient fournis par le pétitionnaire, et ont en outre été complétés sur d’autres points par les services lors de l’instruction de la demande. La commission nationale était donc parfaitement en mesure d’apprécier la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur.

En ce qui concerne l’appréciation de la Commission nationale d’aménagement cinématographique :

7. Aux termes de l’article L. 212-6 du code du cinéma et de l’image animée : « Les créations, extensions et réouvertures au public d’établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l’offre cinématographique, d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d’une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l’exploitation cinématographique que la qualité des services offerts. » L’article L. 212-9 du même code prévoit que, dans le cadre de ces principes, « les commissions d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononcent sur les deux critères suivants : / 1° l’effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d’influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) le projet de programmation envisagé pour l’établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d’autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) la nature et la diversité culturelle de l’offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) la situation de l’accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants./ 2° L’effet du projet sur l’aménagement culturel du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) l’implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d’influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) la préservation d’une animation culturelle et le respect de l’équilibre des agglomérations ; / c) la qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) l’insertion du projet dans son environnement ; / e) la localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme. / Lorsqu’une autorisation s’appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l’objet d’un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l’article L. 212-23 (…) ». Il résulte de ces dispositions que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d’équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu’elles se prononcent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d’évaluation et indicateurs mentionnés à l’article L. 212-9 du code du cinéma et de l’image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d’équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d’attraction du projet.

Sur les effets du projet en matière de diversité cinématographique :

8. En premier lieu, si les requérantes font valoir que la Commission nationale d’aménagement cinématographique n'aurait pas été en mesure d'apprécier l'effet du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone au motif que le dossier comporterait des informations trop imprécises s'agissant du projet de programmation et des conditions d'accès aux films, il ressort des pièces produites au dossier que le projet de programmation était présenté de manière détaillée dans le dossier de demande et dans la note complémentaire transmise dans le cadre de l’instruction du dossier devant la commission départementale d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique. Ces informations sont reprises dans le rapport d’instruction du dossier présenté devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique.

9. En deuxième lieu, pour autoriser le projet de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin », la Commission nationale d’aménagement cinématographique a relevé notamment que le projet de développement de l'activité cinématographique d'Andernos-les-Bains permettra une plus grande exposition en séances des films recommandés art et essai et généralistes et que si un autre projet de création d'un établissement de spectacles cinématographiques « Les Portes du Bassin» situé à Arès, est également soumis, ce même jour, à la commission, le projet « La Dolce Vita », est distant, en voiture, de 7 kilomètres et de 10 minutes de trajet, ces projets, situés à l'intérieur d'une zone d'influence cinématographique peu étendue et au surplus à l'intérieur de la sous-zone primaire de chacun des projets, ne paraissent pas complémentaires en termes d'aménagement culturel du territoire. Les requérantes font valoir que compte tenu du sous-équipement de la zone d’influence cinématographique en salles de cinéma et de la croissance démographique, le projet d’implantation d’un complexe qu’elles portent à Arès est au contraire compatible avec le projet autorisé. Toutefois, ainsi que cela a été relevé tant par la direction régionale des affaires culturelles dans son rapport d’instruction devant la commission départementale d’aménagement commercial, que par le préfet de région dans son avis émis le 23 octobre 2015 et par le rapport d’instruction présenté devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique, l'implantation de deux cinémas susceptibles de diffuser les mêmes films, situés à seulement 10 minutes l'un de l'autre, présente de forts risques de compromettre l'accès aux films, notamment pour les films généralistes et Art et Essai porteurs. Par ailleurs, le projet autorisé prévoit que plus de la moitié des films et 35 % des séances seront consacrés à des films Art et essai, que le nombre de films diffusés en version originale sera augmenté et que la programmation du futur cinéma sera assurée par l'entente VEO, dont les engagements de programmation s'appliqueront au projet, engagements qui prévoient notamment de consacrer au moins 40 % des séances à la diffusion de films européens et de cinématographies peu diffusées et de favoriser le recours aux distributeurs les plus fragiles en leur assurant une part de marché de 20 % supérieure à leur part de marché nationale. Enfin, le projet autorisé prévoit des dispositifs spécifiques à destination du jeune public que ce soit pendant le temps scolaire ou en dehors du temps scolaire. Dans ces conditions, le motif tiré de l’absence de complémentarité des deux projets n’est pas erroné.

Sur les effets du projet en matière d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme :

10. En premier lieu, les autorisations délivrées en application du code de l’urbanisme et en application du code du cinéma et de l’image animée relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par le projet des prescriptions du plan d’occupation des sols de la commune d’Andernos-les-Bains ne peut qu’être écarté.

11. En deuxième lieu, les sociétés requérantes soutiennent que les conditions d'accessibilité du site sont insuffisantes au motif que les voies d'accès ne seraient pas suffisamment dimensionnées pour absorber le trafic généré par le cinéma, que le raccordement du terrain à la piste cyclable des Rives du Nord Bassin à la date d'ouverture du cinéma ne serait pas établi de manière certaine, et que la capacité du parc de stationnement ne serait pas suffisante. Il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé est implanté au centre ville de la commune d’Andernos-les-Bains, commune la plus peuplée de la zone d’influence cinématographique. Le rapport d’instruction relève sans que cela soit contesté que la plus grande partie de la population est à moins de 15 minutes à pied du lieu d’implantation du projet. Un arrêt de bus est situé à 100 mètres du projet, desservi par trois lignes du réseau Trans Gironde. Il ressort également des pièces du dossier que compte tenu de la proximité de la piste cyclable qui longe l’avenue de Bordeaux où doit se situer le complexe autorisé, le projet de réalisation d’une piste cyclable permettant de relier le cinéma au boulevard de la République ne conditionne pas la desserte du projet par ce mode de transport doux. Les flux de circulation engendrés par le projet, situé à proximité de la route départementale 215, évalués à 40 à 50 véhicules supplémentaires aux heures de pointes, ne sont pas de nature à provoquer des difficultés de circulation. Par ailleurs, les 175 places de stationnement prévues par le projet, auxquelles s’ajoutent les capacités de stationnement public situées dans un rayon de 300 mètres, apparaissent suffisantes compte tenu des horaires de fréquentation du cinéma.

12. En troisième lieu, la performance énergétique du bâtiment n’étant pas au nombre des critères d’appréciation de la qualité environnementale des cinémas, les requérantes ne peuvent se plaindre que le dossier ne comporterait pas suffisamment d’éléments sur ce point, alors au demeurant que le rapport d’instruction devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique relève que le projet respectera la règlementation thermique 2012. En outre, une toiture végétalisée sera réalisée, avec un système de récupération des eaux de pluie, et le projet utilisera des matériaux durables et des ressources locales. Il ressort enfin des documents d’insertion que le cinéma présente une qualité architecturale satisfaisante et une bonne insertion paysagère. Par suite, la commission nationale d’aménagement cinématographique n’a pas fait une appréciation erronée du respect par le projet du critère relatif à la protection de l’environnement et à la qualité de l’urbanisme.

13. Enfin, la circonstance que le devenir du cinéma « Rex » remplacé par « La Dolce Vita » ne serait pas déterminé ne permet pas de caractériser une méconnaissance du critère d’aménagement culturel du territoire.

14. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée en défense, que la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision du 17 décembre 2015 de la Commission nationale d’aménagement cinématographique.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

15. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin », qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que les requérantes demandent sur leur fondement. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SCI La Montagne et de la SC Arès Expansion des sommes de 1 500 euros à verser d’une part, à l’Etat, et d’autre part à la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI La Montagne et de la SC Arès Expansion est rejetée.

Article 2 : La SCI La Montagne et la SC Arès Expansion verseront des sommes de 1 500 euros respectivement à l’Etat et à la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin ».