Arrêt 16BX01096

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commission départementale d’aménagement commercial de la Gironde, statuant en matière cinématographique, a, par une décision du 7 juillet 2015, autorisé la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion à créer un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 987 places, à l’enseigne « Les Portes du Bassin » à Arès.

Par un recours enregistré sous le n° 255, la société Les Cinémas des Landes Girondines, exploitante du cinéma Rex à Andernos-Les-Bains, a demandé à la Commission nationale d’aménagement cinématographique d’annuler cette autorisation.

Par une décision en date du 17 décembre 2015, la Commission nationale d’aménagement cinématographique a admis ce recours et refusé le projet.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er avril 2016 et le 27 janvier 2017, la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion, représentées par Me Bouyssou demandent à la cour :

1°) d’annuler la décision du 17 décembre 2015 de la Commission nationale d’aménagement cinématographique ;

2°) d’enjoindre à cette commission de statuer à nouveau sur la demande dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la société Les Cinémas des Landes Girondines la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ……………………………………………………………………………………………………...

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Montagne et la SC Arès Expansion ont déposé le 21 mai 2015 devant la commission départementale d’aménagement cinématographique de la Gironde une demande d’autorisation pour créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne « Les Portes du Bassin », composé de 5 salles et 987 places sur le territoire de la commune d 'Arès. La commission départementale d’aménagement cinématographique de la Gironde a délivré l’autorisation sollicitée le 7 juillet 2015. Saisie d’un recours formé par la société Les Cinémas Les Landes Girondines, qui exploite le cinéma Le Rex à Andernos-les-Bains, la Commission nationale d’aménagement cinématographique, par décision du 17 décembre 2015, a admis le recours et refusé le projet présenté par la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion. Ces deux sociétés demandent l’annulation de la décision de la Commission nationale d’aménagement cinématographique du 17 décembre 2015.

2. Si la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion contestent l’intérêt pour défendre de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » en faisant valoir que le recours devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique a été exercé par la société Les Cinémas des Landes Girondines, il ressort des pièces du dossier que ces deux sociétés ont été créées par le même exploitant, M. Gonzalez, l’une ayant déposé une demande d’autorisation pour créer un complexe cinématographique de 4 salles et 637 places, à l’enseigne « La Dolce Vita » au centre ville d’Andernos-les-Bains, projet qui a été autorisé par décision de la commission départementale d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique du 7 juillet 2015, autorisation confirmée par la Commission nationale d’aménagement cinématographique par décision du 17 décembre 2015, l’autre exploitant le cinéma Rex à Andernos-les-Bains, qui doit être remplacé par ce projet autorisé. Ainsi, en qualité de titulaire d’une autorisation d’exploitation, la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » doit être regardée comme justifiant d’un intérêt à intervenir dans la présente instance.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la procédure suivie devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique :

3. Aux termes de l’article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l’image animée : « La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. »

4. Il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, en particulier pas de l’article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l’image animée, ni d'aucun principe que les décisions de la Commission nationale d’aménagement cinématographique doivent comporter des mentions attestant de la régularité de sa composition ainsi que celles attestant de ce que la convocation de ses membres a été régulièrement effectuée et qu’elle a été accompagnée de l’envoi de l’ordre du jour et des documents nécessaires à ses délibérations. En outre, il ressort de la feuille d’émargement de la séance du 17 décembre 2015 que la Commission nationale d’aménagement cinématographique était composée de 7 membres et que les dossiers d’instruction des affaires examinées lors de la séance du 17 décembre 2015 ont été adressés aux membres de la commission le 11 décembre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit être écarté. En ce qui concerne la régularité de l’avis du ministre de la culture et de la communication :

5. L’avis de la ministre de la culture et de la communication a été signé par M. Fabrice Bakhouche, directeur du cabinet, ayant reçu délégation par un arrêté en date du 10 novembre 2014 publié au Journal officiel du 14 novembre 2014, à l’effet de signer tous actes, arrêtés et décisions, à l’exclusion des décrets, en ce qui concerne les affaires pour lesquelles délégation n’a pas été donnée aux personnes mentionnées aux 1° et 2° de l’article 1 du décret du 27 juillet 2005. Ainsi, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’avis défavorable de la ministre de la culture et de la communication ne peut qu’être écarté.

En ce qui concerne l’appréciation de la Commission nationale d’aménagement cinématographique :

6. Aux termes de l’article L. 212-6 du code du cinéma et de l’image animée : « Les créations, extensions et réouvertures au public d’établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l’offre cinématographique, d’aménagement culturel du territoire, de protection de l’environnement et de qualité de l’urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d’une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l’exploitation cinématographique que la qualité des services offerts. » L’article L. 212-9 du même code prévoit que, dans le cadre de ces principes, « les commissions d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique se prononcent sur les deux critères suivants : / 1° l’effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d’influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) le projet de programmation envisagé pour l’établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d’autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) la nature et la diversité culturelle de l’offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) la situation de l’accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants./ 2° L’effet du projet sur l’aménagement culturel du territoire, la protection de l’environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) l’implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d’influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) la préservation d’une animation culturelle et le respect de l’équilibre des agglomérations ; / c) la qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) l’insertion du projet dans son environnement ; / e) la localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme. / Lorsqu’une autorisation s’appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l’objet d’un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l’article L. 212-23 (…) ». Il résulte de ces dispositions que l’autorisation d’aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d’équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d’aménagement commercial statuant en matière cinématographique, lorsqu’elles se prononcent sur les dossiers de demande d’autorisation, d’apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d’évaluation et indicateurs mentionnés à l’article L. 212-9 du code du cinéma et de l’image animée, parmi lesquels ne figure plus la densité d’équipement en salles de spectacles cinématographiques dans la zone d’attraction du projet.

7. En premier lieu, la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion soutiennent que la Commission nationale d’aménagement cinématographique a commis une erreur de droit en motivant sa décision de rejet par des considérations relatives à la densité d’équipement en salles de spectacles cinématographiques en comparant le projet qui lui était soumis à un autre projet situé au sein de la même zone d’influence cinématographique. Toutefois, en relevant que les projets portés par les sociétés requérantes à Arès et par la Sarl « Les Cinémas du Nord Bassin » à Andernos se situaient au sein « d'une zone d'influence cinématographique peu étendue et au surplus à l'intérieur de la sous-zone primaire de chacun des projets » et que « la présence de ces deux établissements, avec des programmations se recoupant totalement sur les films porteurs, viendra considérablement durcir l’accès aux films des deux établissements envisagés, étant donné que la distribution des œuvres cinématographiques par les distributeurs est sélective », la Commission nationale d’aménagement cinématographique s’est bornée à apprécier les effets des projets qui lui étaient soumis sur la diversité cinématographique dans la zone d’influence cinématographique et sur l'aménagement culturel du territoire, ainsi que le prévoient les dispositions susvisées du code du cinéma et de l’image animée. Par suite le moyen ne peut qu’être écarté.

8. En deuxième lieu, la circonstance que le recours devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique contre le projet porté par les sociétés requérantes ait été enregistré le 18 août 2015 sous le n° 255 alors que celui qu’elles ont exercé contre le projet de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » a été enregistré le 24 août 2015 sous le n° 254 ne suffit pas à établir que le projet autorisé à Andernos aurait été privilégié et aurait bénéficié d’un ordre de passage plus favorable, alors que l’examen des deux projets a eu lieu lors de la même séance de la Commission nationale d’aménagement cinématographique.

9. En troisième lieu, les requérantes, qui ne critiquent pas la réduction de la zone d’influence cinématographique à une distance de 20 minutes de trajet en voiture au lieu de 30 minutes à laquelle a procédé le service instructeur, retenant une population de 53 000 habitants, font valoir que compte tenu du sous-équipement de la zone d’influence cinématographique en salles de cinéma et de la croissance démographique, le motif tiré d’un durcissement des conditions d’accès aux films retenu par la Commission nationale d’aménagement cinématographique n’est pas fondé. Toutefois et d’une part, le projet de programmation des salles envisagées par les sociétés requérantes, qui s’inscrivent dans la restructuration-extension d’un centre commercial existant pour atteindre 28 724 m² de surface de vente, propose une offre généraliste et mixte associant une programmation principalement grand public à une offre de films Art et Essai. Le classement Art et Essai n'est pas envisagé et 20 % des séances seraient consacrés à l'offre Art et Essai, ce qui représente une offre moins importante que celle proposée par le cinéma mono écran Rex existant à Andernos-les-Bains ou que celle proposée par le projet « La Dolce Vita » autorisé en centre-ville en remplacement de ce dernier. D’autre part, ainsi que cela a été relevé tant par la direction régionale des affaires culturelles dans son rapport d’instruction devant la commission départementale d’aménagement commercial, que par le préfet de région dans son avis émis le 23 octobre 2015 et par le rapport d’instruction présenté devant la Commission nationale d’aménagement cinématographique, l'implantation de deux cinémas susceptibles de diffuser les mêmes films, situés à seulement 10 minutes l'un de l'autre, présente de forts risques de compromettre l'accès aux films, notamment pour les films généralistes et Art et Essai porteurs, pour lesquels les distributeurs ne pourront fournir deux copies d’un même film dans la zone. Ces difficultés sont par ailleurs confirmées par une étude produite par la Commission nationale d’aménagement cinématographique dans ses écritures en défense, dont le contenu n’est pas remis en cause par les sociétés requérantes. Dans ces conditions, en retenant que le projet présenté par la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion était de nature à compromettre l’objectif de diversité cinématographique au sein de la zone d’influence cinématographique, la Commission nationale d’aménagement cinématographique n’a pas méconnu les dispositions précitées.

10. En quatrième lieu, la Commission nationale d’aménagement cinématographique a retenu que le projet d'Arès comporterait des risques pour la préservation de l'animation culturelle cinématographique du centre-ville d'Andernos-les-Bains, en privilégiant une implantation excentrée dans une zone commerciale située à l’entrée de la commune d'Arès. Il ressort des pièces du dossier que le projet prend place au sein d’un ensemble commercial situé en périphérie de la commune d’Arès en bordure de la RD 106, et qu’il est situé à 7 kilomètres et moins de 10 minutes de temps de trajet en voiture d’Andernos-Les-Bains, , commune la plus peuplée de la zone d’influence cinématographique dans laquelle se trouve un établissement mono écran qui doit être remplacé par un complexe comprenant quatre salles situé en centre ville. Par suite, ce motif pouvait également justifier la décision attaquée.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion ne sont pas fondées à demander l’annulation de la décision de la Commission nationale d’aménagement cinématographique du 17 décembre 2015.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

12. Le présent arrêt n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions présentées par la SCI La Montagne et la SC Arès Expansion tendant à ce qu’il soit enjoint à la Commission nationale d’aménagement commercial de réexaminer leur demande ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais exposés par les parties à l’occasion du litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat et de la société « Les Cinémas des Landes Girondines », qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que les requérantes demandent sur leur fondement. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la SCI La Montagne et de la SC Arès Expansion une somme de 1 500 euros à verser à l’Etat. La société « Les Cinémas du Nord Bassin », qui a la qualité d’intervenante, n’est pas fondée à demander la condamnation des requérantes à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » est admise.

Article 2 : La requête de la SCI La Montagne et de la SC Arès Expansion est rejetée.

Article 3 : La SCI La Montagne et la SC Arès Expansion verseront une somme de 1 500 euros à l’Etat.

Article 4 : Les conclusions de la SARL « Les Cinémas du Nord Bassin » sont rejetées.