Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Ferme éolienne de Comps, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’arrêté du 8 février 2016 par lequel le préfet de l’Aveyron a rejeté sa demande d’autorisation unique en vue de la construction et de l’exploitation d’une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur le territoire de la commune de Comps-la-Grand-Ville.

Par un jugement n°1601627 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 25 octobre 2019, la société Ferme éolienne de Comps, représentée par le cabinet LPA-CGR avocats, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 octobre 2018 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet de l’Aveyron du 8 février 2016 ;

3°) d’enjoindre au préfet de l’Aveyron de procéder à un nouvel examen de sa demande, dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne de Comps a déposé, le 8 septembre 2015, une demande d’autorisation unique afin de construire et d’exploiter une installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent composée de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Comps-la-Grand-Ville (Aveyron). Par arrêté du 8 février 2016, le préfet de l’Aveyron a rejeté sa demande. La société relève appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

Sur l’intervention :

2. En vertu des articles 2 et 3 des statuts de l’association A contre vent, déclarée en préfecture le 15 janvier 2014, celle-ci a notamment pour objet de défendre le cadre de vie des habitants de la communauté de communes à laquelle appartient Comps-la-Grand-ville et de lutter contre les projets de parc éoliens incompatibles notamment avec les paysages, la santé et la sécurité des habitants. Dans ces conditions, l’association A contre vent justifie d’un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué. Dès lors que l’un au moins des intervenants est recevable, l’intervention doit être admise.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les intervenants :

3. Aux termes de l’article L. 227-6 du code de commerce, relatif aux sociétés par actions simplifiées : « La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social (…) ».

4. Il résulte de l’instruction, en particulier de l’extrait Kbis produit, que la société Ferme éolienne de Comps, société par actions simplifiée, est valablement représentée à l’instance par son président en exercice, conformément aux dispositions, citées au point précédent, de l’article L. 227-6 du code de commerce. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par les intervenants et tirée de l’absence d’habilitation du représentant de la société requérante pour agir en justice ne peut qu’être écartée.

Sur la légalité de l’arrêté du 8 février 2016 :

5. Aux termes du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, applicable en l’espèce : « A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent (…) sur le territoire des régions de (…) Midi-Pyrénées (…) ». Aux termes de l’article 2 de cette ordonnance : « Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé « autorisation unique » (…) ». Aux termes de l’article 3 de la même ordonnance : « L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (…) ».

6. Aux termes de l’article 10 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014, applicable en l’espèce : « (…) après avoir vérifié la complétude du dossier dans un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande d'autorisation, le représentant de l'Etat dans le département organise l'examen du dossier en associant, en tant que de besoin, les services de l'Etat intéressés (…) ». Aux termes du II de l’article 12 du même décret, qui est relatif au stade de l’examen préalable de la demande, avant enquête publique : « Le représentant de l'Etat dans le département peut rejeter la demande pour l'un des motifs suivants : 1° Le dossier reste incomplet ou irrégulier à la suite de la demande mentionnée à l'article 11 ; 2° Le projet ne permet pas d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée ; 3° Le projet est contraire aux règles qui lui sont applicables. Ce rejet est motivé ».

7. Aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (…) ».

8. En premier lieu, la lettre qui accompagnait l’arrêté en litige, produite par la société requérante elle-même, énonce que, compte tenu du fort impact du projet sur le paysage, le préfet a décidé de ne pas poursuivre l’instruction de la demande, conformément à l’article 12 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014. Ainsi, le recours à la procédure prévue par cet article était suffisamment motivé. En revanche, l’arrêté se borne à viser le code de l’environnement, sans préciser l’article qui serait méconnu en l’espèce par le projet. S’il fait état de ce que celui-ci, composé de cinq éoliennes de 130 mètres de haut, doit être implanté sur un plateau sans obstacle visuel susceptible d’atténuer le rapport d’échelle disproportionné, à proximité de hameaux qui seront fortement et directement impactés, et enfin de ce que le projet ne propose pas de mesure de réduction des nuisances d’un point de vue paysager, ces considérations de fait ne permettent pas à elles seules d’identifier le texte sur lequel le préfet a entendu se fonder pour justifier le refus. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté en litige est insuffisamment motivé en droit est fondé.

9. En second lieu, il résulte de l’instruction que le projet, qui consiste en la construction et l’exploitation de cinq éoliennes d’une hauteur totale de 130 mètres chacune, est prévu dans un secteur relativement plat, composé de pâturages et de cultures, offrant des perspectives visuelles larges et ne présentant aucun caractère particulier. Le projet respecte la distance réglementaire de 500 mètres entre éoliennes et habitations. Il ne résulte de l’instruction ni que le projet créerait un effet d’encerclement compte tenu de la présence d’autres parcs éoliens à proximité, ni qu’il serait, compte tenu en particulier de l’orientation des habitations, de nature à bouleverser les perceptions immédiates et le cadre de vie des habitants des hameaux les plus proches, en particulier le lotissement près du terrain de sport de la commune de Comps-la-Grand-Ville. En outre, d’une part, la pétitionnaire a accepté de diminuer la hauteur des éoliennes de 150 à 130 mètres et, d’autre part, le projet prévoit des mesures de réduction et de compensation, consistant essentiellement en la plantation d’arbres et de haies, mesures qui au demeurant sont susceptibles d’être reprises et renforcées par les prescriptions d’un éventuel arrêté d’autorisation. Ainsi, en l’état de l’instruction de la demande, l’atteinte par le projet en litige aux intérêts visés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement ne peut être regardée comme suffisamment caractérisée. Dans ces conditions, le préfet n’a pu légalement estimer que le projet avait un fort impact sur le paysage, et décider, pour ce motif, en application du II de l’article 12 du décret n° 2014-450 du 2 mai 2014, de ne pas poursuivre l’instruction de la demande de la société Ferme éolienne de Comps et de la rejeter dès le stade de l’examen préalable.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, que la société Ferme éolienne de Comps est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Aveyron du 8 février 2016.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

11. L’exécution du présent arrêt implique le réexamen par le préfet de l’Aveyron de la demande d’autorisation déposée le 8 septembre 2015 par la société Ferme éolienne de Comps. Il y a lieu, par suite, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au préfet de l’Aveyron de procéder à un nouvel examen de cette demande et de prendre dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt une nouvelle décision de poursuivre ou non l’instruction de la demande de la société Ferme éolienne de Comps. En revanche, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société Ferme éolienne de Comps en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de l’association A contre vent et autres est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 octobre 2018 et l’arrêté du préfet de l’Aveyron du 8 février 2016 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l’Aveyron de procéder à un nouvel examen de la demande déposée le 8 septembre 2015 par la société Ferme éolienne de Comps et de prendre une nouvelle décision concernant la poursuite de l’instruction de la demande, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L’Etat versera à la société Ferme éolienne de Comps une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.