Assignation à résidence - Computation de la période - Autorité compétente pour fixer le début et la fin
Par Administrateur le vendredi 30 septembre 2016, 14:47 - ETRANGERS - Lien permanent
1. Dans la mesure où la durée de l’assignation à résidence a été fixée par l’autorité préfectorale compétente, et dès lors qu’en l’absence de dispositions contraires, l’assignation à résidence court à compter de sa notification, la circonstance que la date de début et de fin de la mesure aurait été indiquée, en fonction de la date de notification, par l’officier de police chargé de celle-ci, ne saurait affecter la légalité de l’assignation à résidence.
2. Lorsque le préfet entend abroger un premier arrêté entaché d’une erreur matérielle et reprendre une nouvelle assignation à résidence, il doit tenir compte, pour fixer le terme de la période d’assignation, de la durée courue lors de l’exécution de son précédent arrêté. Dès lors, en fixant à nouveau une durée de 45 jours, le préfet méconnaît les dispositions de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Arrêt 16BX01357 - 16BX01390 - 1ère chambre - 29 septembre 2016 - Mme S==
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Mme S== a demandé au tribunal administratif de Limoges l’annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Vienne des 18 janvier 2016 et 26 janvier 2016, modifié le 29 janvier 2016, ordonnant son assignation à résidence dans ce département en dernier lieu pour la période du 26 janvier au 10 mars 2016 et lui faisant obligation de se présenter quotidiennement, à l’exception des dimanches et jours fériés, au commissariat de police de Limoges.
Par deux jugements n° 1600098 du 28 janvier 2016 et n° 1600121 du 1er février 2016, le président du tribunal administratif de Limoges et le magistrat désigné par ce même président ont respectivement rejeté ses demandes.
Procédures devant la cour :
I°) Par une requête enregistrée le 22 avril 2016 sous le n° 16BX01357, Mme S==, représentée par Me Préguimbeau, demande à la cour :
1°) après réformation du jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 28 janvier 2016, d’annuler l’arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 18 janvier 2016 ;
2°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui restituer son passeport dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l’Etat au paiement des dépens, constitués par un droit de plaidoirie de 13 euros ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
II°) Par une requête enregistrée le 27 avril 2016 sous le n° 16BX01390, Mme S==, représentée par Me Préguimbeau, demande à la cour :
1°) après réformation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 1er février 2016, d’annuler l’arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 26 janvier 2016 ;
2°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui restituer son passeport dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l’Etat au paiement des dépens, constitués par un droit de plaidoirie de 13 euros ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Considérant ce qui suit :
1. Mme S==, ressortissante macédonienne née en 1965, est entrée en France selon ses déclarations en 2011 avec ses jumeaux Rahim et Rahman alors mineurs, pour rejoindre son mari qui y résidait depuis 2010. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d’asile le 25 août 2011 et la Cour nationale du droit d’asile a rejeté son recours le 5 juin 2012. Si son fils aîné a obtenu un titre de séjour en qualité d’étranger malade, son deuxième fils a fait l’objet d’une reconduite en Macédoine en 2014. Le préfet de la Haute-Vienne, par un arrêté du 2 juin 2015 dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Limoges dans un jugement du 22 octobre 2015, et par la cour de céans le 4 mars 2016 a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un arrêté du 18 janvier 2016 notifié le 22 janvier suivant, Mme S== a été assignée à résidence dans le département de la Haute-Vienne pendant une durée de quarante-cinq jours. Par un second arrêté du 26 janvier 2016, modifié le 29 janvier suivant, le préfet a retiré son arrêté du 18 janvier 2016 et a assigné Mme S== à résidence en dernier lieu entre le 26 janvier et le 10 mars 2016 avec obligation de se présenter au moins une fois par jour au commissariat de Limoges. Par la requête enregistrée sous le n° 16BX01357, Mme S== relève appel du jugement du 28 janvier 2016 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 18 janvier 2016. Par la requête enregistrée sous le n° 16BX01390, Mme S== relève appel du jugement du 1er février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 26 janvier 2016 modifié.
2. Les requêtes n° 16BX01357 et 16BX013190 concernent la même personne, présentent à juger des questions semblables portant sur la situation de Mme S== et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions du préfet à fin de non-lieu sur la requête n°16BX01357 :
3. Par son premier arrêté du 18 janvier 2016, notifié le 22 janvier, le préfet de la Haute Vienne a assigné Mme S== à résidence pour 45 jours, en omettant de remplir les mentions de date de début et de fin de cette mesure, laquelle a pris effet à la date de sa notification, soit le 22 janvier 2016. Il n’est pas contesté que Mme S== a ainsi été contrainte de se présenter au commissariat de Limoges dès cette notification et que cet arrêté a produit des effets. Par suite, la circonstance que par un deuxième arrêté du 26 janvier 2016, au demeurant également contesté, le préfet ait retiré son précédent arrêté ne rend pas sans objet les conclusions de Mme S== tendant à l’annulation de l’arrêté du 18 janvier 2016.
Sur les conclusions à fin d’annulation des deux arrêtés d’assignation à résidence :
4. Aux termes de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois ».
5. Pour demander la réformation des jugements attaqués, Mme S== reprend les moyens et l’argumentation qu’elle avait déjà présentés en première instance, sans y ajouter d’élément nouveau et sans mettre la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu’auraient pu commettre les deux premiers juges en écartant les moyens invoqués devant eux en estimant que les arrêtés du préfet de la Haute-Vienne étaient suffisamment motivés et avaient été pris après un examen particulier de sa situation et son audition, ainsi qu’en atteste le procès-verbal d’audition daté du 26 janvier 2016 et signé par l’intéressée, que les circonstances de la notification des arrêtés des 26 et 29 janvier 2016 sont en tout état de cause sans incidence sur leur légalité, que le moyen tiré de l’absence de perspective sérieuse d’exécution de la mesure d’éloignement n’était pas assorti de précisions suffisantes, alors que l’intéressée a une adresse et un passeport valide, que le moyen tiré du défaut de saisine du médecin de l’agence régionale de santé avant de prononcer une assignation à résidence est inopérant, et que la mesure d’assignation à résidence n’avait pas méconnu l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la mesure où l’assignation à résidence et l’obligation de présentation quotidienne au commissariat ne font pas obstacle à la poursuite du traitement et du suivi psychiatrique dont son mari fait l’objet. Par suite, il y a lieu d’écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme S== a été auditionnée le 26 janvier 2016 dans le cadre de la procédure d’assignation à résidence. Si elle soutient ne pas avoir été assistée d’un interprète lors de cette audition, il résulte des mentions du procès-verbal qu'elle était assistée par son fils qui lit et comprend le français. Par suite, le moyen tiré du défaut d’interprète lors de l'audition doit être écarté.
7. Si le premier juge ne pouvait retenir que la décision d’assignation à résidence n’avait pas pour effet, par elle-même, de porter atteinte au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale, il ressort des pièces du dossier que Mme S== est assignée à résidence à la même adresse que son époux et ses fils, eux-mêmes en situation irrégulière. Il n’est pas démontré que les modalités d’exécution de l’assignation feraient obstacle à la poursuite du traitement médical de son mari. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l’assignation à résidence porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
8. Si Mme S== fait valoir que l’arrêté du 26 janvier 2016 aurait été rempli quant aux dates de début et de fin de la mesure par la personne, officier de police judiciaire, qui le lui a notifié, laquelle n’était pas habilitée pour prendre une telle décision, il ressort des pièces du dossier que seule la date du procès-verbal d’audition est manuscrite. Au demeurant, dès lors que la durée a été fixée par l’autorité compétente, la circonstance que la précision du calendrier aurait été indiquée, en fonction de la date de notification, par l’officier de police chargé de celle-ci ne saurait affecter la légalité de l’assignation à résidence.
9. En revanche, Mme S== est fondée à soutenir que la décision des 26 et 29 janvier 2016 a méconnu la durée maximale de 45 jours prévue pour l’assignation à résidence par l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors que si le préfet, dans son arrêté du 29 janvier 2016, a ramené la date de fin de l’assignation à résidence du 18 au 10 mars 2016, il a omis de tenir compte des 5 jours pendant lesquels son précédent arrêté avait été exécutoire. Ainsi, l’arrêté du 26 janvier 2016, rectifié le 29 janvier, doit être annulé en tant seulement qu’il a fixé la fin de l’assignation à résidence au-delà de la date du 6 mars 2016.
Sur les conclusions à fin d’injonction :
10. La présente requête rejette les conclusions en annulation dirigées contre l’arrêté du 18 janvier 2016. Par ailleurs, l’annulation de l’arrêté du 26 janvier 2016, rectifié le 29 janvier, en tant qu’il a fixé la fin de l’assignation à résidence au-delà du 6 mars n’appelle aucune mesure d’exécution. Par conséquent, les conclusions de Mme S== aux fins d’injonction doivent être rejetées.
Sur les dépens :
11. Aux termes de l’article 2 du décret n° 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente : « Le droit de plaidoirie est dû à l’avocat pour chaque plaidoirie faite aux audiences dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. / A défaut de plaidoirie, est considéré comme ayant plaidé l’avocat représentant la partie à l'audience(…) ».
12. La somme demandée au titre des dépens correspond à des droits de plaidoirie, qui ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative. En tout état de cause, Mme S== n’ayant pas été représentée à l’audience, le droit de plaidoirie n’est pas dû à son avocat. Les conclusions tendant à son remboursement ne peuvent donc qu’être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme que l’avocat de Mme S== a sollicitée, correspondant aux frais qu’il aurait réclamés à sa cliente si elle n’avait pas bénéficié de l’aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 16BX01357 est rejetée.
Article 2 : L’arrêté du 26 janvier 2016, rectifié le 29 janvier 2016, est annulé en tant qu’il a fixé la fin de l’assignation à résidence au-delà de la date du 6 mars 2016. Le jugement n° 1600121 du 1er février 2016 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme S== enregistrée sous le n° 16BX01390 est rejeté.