Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat CGT des hospitaliers saintais a demandé au tribunal administratif de Poitiers de reconnaître le droit des agents du centre hospitalier de Saintonge au paiement des heures à récupérer leur restant dues au 31 janvier 2010.

Par un jugement n° 1702835 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 février 2019 et le 23 décembre 2019, le syndicat CGT des hospitaliers saintais, représenté par Me Lopes, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2018 ;

2°) de reconnaître le droit des agents du centre hospitalier de Saintonge au paiement des heures de travail comptabilisées sur le compteur dit « KZ 2009 », tant sous la forme d’une indemnité compensatrice que de congés ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Saintonge le paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative : « L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. Il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public mis en cause (...) ». Selon le premier alinéa de l’article R. 77-12-4 du même code : « Pour l'application de l'article R. 421-1, la décision attaquée est la décision de rejet explicite ou implicite opposée par l'autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l'action / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité compétente sur la réclamation préalable vaut décision de rejet ».

2. Par une lettre du 11 août 2017, le syndicat CGT des hospitaliers saintais a demandé au centre hospitalier de Saintonge la reconnaissance du droit des agents de l’établissement au paiement des heures à récupérer, inscrites sur le compteur dit « KZ 2009 », leur restant dues au 31 janvier 2010. Cette demande a été expressément rejetée par le centre hospitalier de Saintonge par lettre du 11 octobre 2017. Le syndicat CGT des hospitaliers saintais relève appel du jugement du 19 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de reconnaissance de ce droit au bénéfice des agents du centre hospitalier de Saintonge.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal a estimé que le centre hospitalier soutenait sans être contredit que les heures à récupérer litigieuses correspondent à des heures supplémentaires, des heures de réduction du temps de travail et des heures de repos aménagés, à l’exclusion de jours de congé annuel. Il a jugé qu’« il ne résulte ni de l’application de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui reconnaît un droit au repos aux travailleurs, ni de l’application de l’article 7 de la directive du 4 novembre 2003, relatif au congé annuel, que les heures de travail donnant lieu à récupération doivent nécessairement être indemnisées puisqu’elles peuvent être alternativement récupérées ».Il a ainsi nécessairement regardé comme inopérant le moyen tiré du caractère indéfiniment reportable des heures inscrites sur le compte litigieux, lequel était appuyé sur l’absence de caractère reportable des seuls congés annuels. Par suite, la motivation du jugement, pour succincte qu’elle soit, ne peut être regardée comme entaché d’une irrégularité sur ce point.

Sur l’action en reconnaissance de droits :

4. D’une part, aux termes de l’article 2 du décret n° 2002-8 du 4 janvier 2002 susvisé : « L'autorité investie du pouvoir de nomination ou son délégataire arrête le tableau prévisionnel des congés annuels, après consultation des agents concernés et compte tenu des nécessités de service, et met ce tableau à la disposition des intéressés au plus tard le 31 mars de l'année considérée. / Sur la base de ce tableau, la même autorité organise la prise des jours de congés sur certaines périodes de l'année ou, le cas échéant, au sein des cycles de travail arrêtés en application de l'article 9 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002. / Pour cette prise de congés, l'agent peut utiliser des jours de congés annuels ou des jours de réduction du temps de travail. Il peut également y adjoindre des jours accumulés sur son compte épargne-temps (...) ». Selon l’article 8 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 également susvisé : « L'aménagement et la répartition des horaires de travail sont fixés par le chef d'établissement, après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique et compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des soins ou de la prise en charge des usagers, les dimanches, les jours fériés et la nuit ». L’article 9 de ce même décret précise : « Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique. / Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l'identique d'un cycle à l'autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines (...) Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail. ». L’article 10 du même décret ajoute : « Les agents bénéficient d'heures ou de jours supplémentaires de repos au titre de la réduction du temps de travail qui doivent ramener leur durée de travail moyenne à 35 heures hebdomadaires. Ces jours et ces heures peuvent être pris, le cas échéant, en dehors du cycle de travail, dans la limite de 20 jours ouvrés par an. ».

5. D’autre part, l’article 17 du décret n°2002-9 dispose : « Un compte épargne temps est institué. Chaque agent de la fonction publique hospitalière peut en bénéficier sur sa demande dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ». Et aux termes de l’article 3 du décret du 3 mai 2002 susvisé : « Le compte épargne-temps peut être alimenté chaque année par : 1° Le report de congés annuels, sans que le nombre de jours de congés pris dans l'année puisse être inférieur à vingt ; 2° Le report d'heures ou de jours de réduction du temps de travail ; 3° Les heures supplémentaires (...) qui n’auront fait l’objet ni d’une compensation horaire, ni d’une indemnisation ».

6. Le centre hospitalier de Saintonge a été conduit, à l’occasion de l’évolution de son logiciel de gestion du temps de travail, à remettre à zéro les droits des agents à compter du 1er février 2010 et à comptabiliser le nombre d’heures à récupérer restant dues aux agents au 31 janvier 2010 dans un compteur dénommé « KZ 2009 ». Par note de service n° 15 du 6 août 2012, confirmée par une note d’information n° 19 du 16 février 2016, il a soumis l’utilisation des droits figurant sur ce compteur à l’épuisement préalable des droits à congés au titre de l’année en cours.

7. En premier lieu et contrairement à ce que semble alléguer le syndicat requérant, il n’est pas établi que les heures restant à récupérer au 31 janvier 2010, figurant sur les compteurs KZ 2009 des agents du centre hospitalier de Saintonge, auraient compris des droits à congés annuels qui ne sont, sauf exceptions, pas reportables au-delà de l’année en cours. Il ne résulte pas davantage de l’instruction et n’est d’ailleurs pas soutenu que ces compteurs auraient comporté des droits au titre des repos compensateurs, lesquels ne peuvent être pris qu’au cours du cycle de travail. L’établissement soutenait à cet égard devant le tribunal, sans être utilement contredit, que ces comptes de reliquats d’heures restant dus à certains agents lors du basculement dans le nouveau logiciel de gestion du temps de travail ne contiennent que des heures de récupération au titre des droits à réduction du temps de travail (RTT), des heures supplémentaires et des heures dues au titre des repos aménagés, dont il ne résulte d’aucun texte que leur report dans le temps serait prohibé. Le syndicat requérant ne démontre pas davantage en appel qu’en première instance qu’ils contiendraient des droits à congés non reportables. Par ailleurs, s’il soutient que la création de ce compte serait dépourvue de base légale, la définition des modalités administratives d’accompagnement de l’évolution technique de la gestion du temps de travail relève du pouvoir d’organisation des services qui appartient au directeur de l’établissement.

8. En deuxième lieu, l’article 15 du décret n°2002-9 prévoit que : « (...) Les heures supplémentaires font l'objet soit d'une compensation horaire donnant lieu à une récupération au moins d'égale durée, soit d'une indemnisation (...) Les modalités générales de recours à la compensation ou à l'indemnisation sont fixées par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique ». Ces dispositions n’interdisent pas au chef d’établissement de privilégier l’un des deux modes de compensation qu’elles envisagent.

9. Lors de l’élaboration de son guide du temps de travail et conformément à ce que permettent les dispositions précitées de l’article 15 du décret n° 2002-9, le centre hospitalier de Saintonge a fait le choix de privilégier la récupération sous forme de repos des heures figurant sur ces compteurs. Il ressort de la lettre du 11 octobre 2017 du directeur du centre hospitalier, en réponse à la demande du syndicat, que l’établissement a indiqué solder sous forme de repos l’ensemble des compteurs des agents quittant définitivement l’établissement, et disposer de la possibilité d’indemniser les congés annuels non pris. Enfin, et contrairement à ce qu’allègue le syndicat requérant, il résulte des pièces produites devant le tribunal par le centre hospitalier que les compteurs KZ 2009 ne sont pas « gelés » et ont pu être utilisés par des agents de l’établissement depuis leur mise en place. Le syndicat requérant n’établit ni même n’allègue que le centre hospitalier aurait fait obstacle par principe à ce que les agents déposent des demandes de congés au titre du compteur historique litigieux après avoir épuisé leurs autres droits à congés et autres repos compensateurs. Dans ces conditions, il n’est pas fondé à critiquer un prétendu « report indéfini » de droits à congés, et n’invoque aucune disposition qui imposerait à l’établissement de rémunérer les congés de récupération non pris dans un certain délai.

10. En troisième et dernier lieu, le syndicat CGT des hospitaliers saintais persiste en appel à se prévaloir des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi que de l’article 7 de la directive du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Aux termes du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « 10. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. 11. Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs (…) ». L’article 7 de la directive n°2003-88, intitulé « congé annuel », prévoit que : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ».

11. Ainsi qu’il a été dit plus haut, il ne résulte pas de l’instruction et n’est pas établi que les heures à récupérer litigieuses comprendraient des jours de congé annuel non pris. Dès lors que les heures en cause, dont la possibilité d’indemnisation ne constitue pas une obligation, peuvent être récupérées par les agents concernés, les compteurs KZ 2009 tels que définis par la note de service du 6 août 2012 ne méconnaissent pas le droit au repos et aux loisirs des travailleurs et ne portent pas davantage atteinte à leur droit au bénéfice de leurs congés annuels.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat CGT des hospitaliers saintais n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la reconnaissance du droit des agents de l’établissement au paiement des heures à récupérer leur restant dues au 31 janvier 2010.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Saintonge les frais que le syndicat CGT des hospitaliers saintais a exposés au titre du litige. Par ailleurs, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier de Saintonge présentées sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du syndicat CGT des hospitaliers saintais est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Saintonge présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.