Sursis à statuer pour régularisation par un permis de construire modificatif (art. L. 600-5-1) – Permis délivré après l’achèvement des travaux
Par mariecath le vendredi 10 juillet 2015, 14:25 - URBANISME - Lien permanent
Si, en principe, l'achèvement de la construction objet du permis initial fait obstacle à l'octroi d'un permis de construire modificatif, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le juge administratif dispose de la faculté de surseoir à statuer sur la demande d'annulation d'un permis de construire lorsque le vice entraînant l'illégalité de ce permis est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif. Ainsi ces dispositions subordonnent le recours à cette faculté à la seule nature de l'illégalité susceptible d'être retenue, et non à l'état d'avancement de la construction. Par suite, la circonstance que celle-ci serait achevée ne peut être utilement invoquée pour contester la délivrance du permis modificatif accordé après sursis à statuer de la juridiction.
Arrêt 12BX02902 -1ère chambre – 9 juillet 2015 - Mme B==
Le pourvoi formé par Mme B== et autres contre cette décision a été rejeté. Décision 392998 du 22 février 2017
Vu l'arrêt du 12 juin 2014 par lequel la Cour, avant dire droit sur les conclusions de Mme B==. et autres tendant à l’annulation du jugement n° 0800091 du 20 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande d’annulation de la décision en date du 18 décembre 2007 par laquelle le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire un immeuble de bureaux et commerces à la SCI Kefras, sur un terrain cadastré AN 470 dans la ZAC de Houelbourg Sud, a décidé, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur les moyens tenant aux insuffisances du dossier de demande soulevé par Mme B==. et autres contre cet arrêté et d’impartir à la SCI Kefras un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt aux fins d’obtenir la régularisation sur ces points du permis de construire initialement délivré ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme issu de l’article 2 de l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013, entrée en vigueur le 19 août suivant, laquelle disposition est immédiatement applicable au présent litige : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » ;
2. Considérant que la Cour, par l'arrêt susvisé du 12 juin 2014, après avoir écarté les autres moyens, a décidé, en application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur les moyens tirés par les requérants en premier lieu de l’absence, au dossier de demande de permis de construire un bâtiment à usage de bureaux et commerces dans une ZAC, du cahier des charges de cession de terrain indiquant le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction était autorisée sur la parcelle, en deuxième lieu de l’insuffisance de la notice de présentation du projet sur la description du terrain et de ses abords, et en troisième lieu de l’insuffisance du dossier quant aux dispositions prises pour assurer l’évacuation des eaux pluviales, et d’impartir à la SCI Kefras un délai de trois mois à compter de la notification de son arrêt aux fins d’obtenir la régularisation du permis de construire initialement délivré par le maire de Baie-Mahault ;
3. Considérant que Mme B==. et autres soutiennent en premier lieu que la commune ne pouvait délivrer un permis de construire modificatif dès lors que la construction était achevée à la date du 5 août 2014 à laquelle le maire de Baie-Mahault a accordé cette autorisation ; que si, en principe, l'achèvement de la construction objet du permis initial fait obstacle à l'octroi d'un permis de construire modificatif, il résulte des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le juge administratif dispose de la faculté de surseoir à statuer sur la demande d'annulation d'un permis de construire lorsque le vice entraînant l'illégalité de ce permis est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif ; qu'ainsi ces dispositions subordonnent le recours à cette faculté à la seule nature de l'illégalité susceptible d'être retenue et non à l'état d'avancement de la construction ; que, dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que la construction autorisée par le permis de construire modificatif aurait été achevée ;
4. Considérant en deuxième lieu que, s’agissant d’un permis de construire modificatif, le maire n’avait pas à procéder à une nouvelle instruction pour la partie du projet ne faisant pas l’objet de la demande modificative, laquelle ne justifiait notamment pas une nouvelle saisine de la commission d’accessibilité ;
5. Considérant en troisième lieu que Mme B==. et autres soutiennent que le permis modificatif délivré n’a pas régularisé les vices relevés ; qu’ils relèvent de première part que le cahier des charges de la ZAC n’a pas été joint à la demande, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 431-23 du code de l’urbanisme ;
6. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-23 du même code dans sa rédaction alors applicable : « Lorsque les travaux projetés portent sur une construction à édifier dans une zone d'aménagement concerté, la demande est accompagnée : a) Lorsque le terrain a fait l'objet d'une cession, location ou concession d'usage consentie par l'aménageur de la zone, d'une copie de celles des dispositions du cahier des charges de cession de terrain qui indiquent le nombre de mètres carrés de surface de plancher dont la construction est autorisée sur la parcelle cédée ainsi que, si elles existent, de celles des dispositions du cahier des charges qui fixent des prescriptions techniques, urbanistiques et architecturales imposées pour la durée de la réalisation de la zone » ;
7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande déposé par la SCI Kefras le 18 octobre 2007 mentionnait que le document du cahier des charges de cession de terrain était joint au dossier ; que ce document, qui ne figurait cependant pas au dossier du permis de construire tel qu’il est joint à l’arrêté du 18 décembre 2007 produit par la commune, a finalement été communiqué par le pétitionnaire, de même que l’acte de vente entre l’Agence Guadeloupéenne d’aménagement du territoire et la SCI Kefras ; que ces pièces mentionnent que la parcelle 470 sur laquelle le projet de construction était envisagé bénéficie, en application des dispositions du plan d’aménagement de zone, d’une superficie hors œuvre nette constructible de 770,25 mètres carrés ; que le permis de construire autorise une surface hors œuvre nette de 632,76 mètres carrés ; que, dans les circonstances de l’espèce, le service instructeur, gestionnaire de la zone d’aménagement, doit être regardé comme ayant pu apprécier la conformité du projet de construction au plan de la zone d’aménagement concerté, nonobstant le fait que la commune n’ait pas joint ce document au permis de construire délivré ;
8. Considérant que Mme B==. et autres soutiennent de deuxième part que le dossier de demande de permis de construire comportait une notice de présentation du projet insuffisante ;
9. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. » ;
10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, figurait une notice de présentation du projet décrivant l’état initial du terrain et de ses abords, notamment les constructions voisines, dont celle des requérants, et les éléments paysagers existants ; que cette notice a été accompagnée de plusieurs photographies montrant le bâtiment et son environnement proche et lointain ; que, dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire ainsi modifié sur ce point était suffisant pour permettre à l’autorité administrative d’apprécier l’insertion du projet dans son environnement, la cour ayant constaté par ailleurs dans son arrêt avant-dire droit que le dossier comportait les autres éléments ;
11. Considérant de troisième part que Mme B==. et autres soutiennent que le dossier de demande de permis de construire ne présentait pas les modalités retenues pour l’évacuation des eaux pluviales en méconnaissance des articles R. 431-9 du code de l’urbanisme et ZA4 du plan de zone ;
12. Considérant qu’aux termes de l’article R. 431-9 du code de l’urbanisme : « Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. » ; qu’aux termes de l’article ZA4 du plan de zone : « 5. l’écoulement et/ou le captage des eaux pluviales sur la parcelle s’effectueront dans des conditions qui ne nuisent pas aux parcelles voisines en accord avec les aménagements collectifs prévus à cet effet dans le programme de travaux de viabilisation » ;
13. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a joint au dossier de demande de permis de construire modificatif un plan de masse et une notice précisant les modalités du raccordement de la construction aux réseaux et le traitement prévu des eaux pluviales, dont il est indiqué qu’elles sont acheminées aux réseaux publics d’égout ; que dans ces conditions, le dossier de demande de permis de construire ainsi modifié était suffisant et permettait d’apprécier la conformité du projet à la règlementation applicable dans la zone d’aménagement concerté ;
14. Considérant enfin que Mme B==. et autres soutiennent que le permis de construire autoriserait une nouvelle implantation du bâtiment ne respectant pas les dispositions de l’article ZA7 du règlement de la zone d’aménagement concerté imposant une distance minimum de 4 mètres à la limite séparative ; que le permis de construire délivré le 18 décembre 2007 prévoyait une implantation de la construction à 4,06 mètres de la limite de parcelle, alors que le plan de masse du permis de construire délivré le 5 août 2014 à la suite de l’arrêt de la Cour autorise une modification de l’implantation du bâtiment en la fixant à 4,22 mètres par rapport à la limite séparative d’avec la propriété des consorts B==. ; que si Mme B==. et autres se prévalent de la mention d’une distance de 3,83 mètres par rapport à cette limite séparative dans l’un des plans de la demande, cette mention, qui figure seulement dans le plan de situation du volet paysager du permis, dont l’objet est d’indiquer la situation de la parcelle et de préciser les angles de vue des photographies figurant dans ce volet paysager, n’est pas de nature à autoriser une autre implantation de la construction que celle prévue par le document intitulé « plan de masse et d’implantation », lequel a précisément pour objet de fixer l’implantation de la construction à 4,22 mètres par rapport à la limite séparative de fond de parcelle ; que dans ces conditions, le permis modificatif délivré ne méconnait pas les dispositions du règlement de la zone , ni celles de portée similaire de l’article UV7 du plan local d’urbanisme ; qu’enfin, si cette modification de la distance aux limites séparatives doit être regardée comme autorisant une modification de l’implantation de la construction, le déplacement ainsi autorisé n’est pas d’une ampleur telle qu’il modifierait la conception du projet et ferait obstacle à la délivrance d’un permis de construire modificatif ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;
15. Considérant que la légalité du permis doit désormais être appréciée en tenant compte des modifications dont il a fait l’objet par l’arrêté du 5 août 2014, qui ont eu pour effet de régulariser le permis de construire initial ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le permis de construire du 18 juillet 2007 aurait été délivré au vu d’un dossier insuffisant ne peuvent qu’être écartés ;
16. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme B==. et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande ;
17. Considérant en conséquence que les demandes que Mme B==. et autres ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la SCI Kefras et la commune de Baie-Mahault sur ce même fondement ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B==. et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI Kefras et la commune de Baie-Mahault au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.