Vu, la requête, enregistrée le 7 avril 2012, présentée pour la société Area Impianti, ayant son siège via Leonino da Zara 3/a 35020 à Albignasego (PD) Italie, par Me Lugnani ;

La société Aréa Impianti demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902269 du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Limoges Métropole à payer au groupement solidaire formé avec les sociétés Hiolle Industries SA, Area Progest, Area Elettrica et P== C== et le solde du marché conclu pour la mise aux normes de la centrale d’incinération des déchets de Beaubreuil ;

2°) de la décharger des pénalités de retard, de fixer à 1 880 318,23 euros le solde du marché et de condamner la communauté d'agglomération, d’une part, à payer au groupement cette somme portant intérêts moratoires à compter du 8 mars 2008, d’autre part, à lui verser à elle-même une somme de 2 540 000 euros au titre des travaux supplémentaires, des surcoûts de personnel et de l’atteinte à son image résultant du retard dans la réception des ouvrages ;

3°) subsidiairement, de ramener le montant des pénalités de retard à 298 000 euros et, par voie de conséquence, de fixer le solde du marché à 1 582 318,23 euros, de mettre 60 % des pénalités de retard à la charge de la société Hiolle Industries, d’ordonner une expertise à l’effet notamment de déterminer l’origine des retards constatés pour la mise en service des trois lignes d’incinération ;

4°) de condamner la communauté d’agglomération aux dépens de l’instance et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que, le 23 décembre 2009, la société Area Impianti a saisi le tribunal administratif de Limoges d’une demande tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération de Limoges Métropole, d’une part, à verser au groupement solidaire dont elle est mandataire, formé avec les sociétés Hiolle Industries, Area Progest, Area Elettrica et P== C==, la somme de 1 880 318,23 euros TTC, subsidiairement, la somme de 1 582 318,23 euros TTC en règlement du marché conclu le 15 mars 2005 pour un montant de 17 021 785,35 euros TTC en vue de la réalisation des travaux de mise aux normes de la centrale d’incinération des déchets située à Beaubreuil, d’autre part, à lui verser à elle-même une somme de 2 540 000 euros au titre des travaux supplémentaires, des surcoûts de personnel et de l’atteinte à son image ; qu’elle fait appel du jugement du 16 février 2012 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande en se fondant sur l’irrecevabilité de la contestation du décompte général, devenu définitif faute pour le mandataire d’avoir transmis son mémoire en réclamation dans les délais impartis par les stipulations du marché ;

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, alors en vigueur : « L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d’œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de (…) quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (…) Si la signature du décompte est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d’œuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. (...) » ; qu’en vertu de l'article 13.45, dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d’œuvre le décompte général signé dans le délai imparti, ce décompte, réputé être accepté par lui, devient le décompte général et définitif du marché ;

3. Considérant que, le 21 janvier 2008, la société Area Impianti a, en sa qualité de mandataire du groupement, adressé au maître d’œuvre son projet de décompte ; qu’après avoir sursis à l'établissement du décompte général dans l'attente de la levée des réserves, le responsable du marché a adressé au mandataire un décompte non signé le 22 décembre 2008 ; que, le 6 février 2009, la société Area Impianti l’a, à titre principal, mis en demeure de lui adresser un décompte signé et a subsidiairement contesté ce décompte ; qu’à la suite de la notification, par un ordre de service du 10 mars 2009, du décompte signé par le responsable du marché, la société Area Impianti a, le 24 avril suivant, adressé au maître d’oeuvre un mémoire en réclamation par télécopie et par courrier électronique ; qu’elle a, le même jour, envoyé ce mémoire sous pli recommandé, lequel a été reçu par le maître d’œuvre le 5 mai 2009 ; qu’en l’absence de réponse, elle a présenté un nouveau mémoire le 6 juin 2009 ; que le 5 octobre suivant, le maître d’ouvrage a expressément rejeté cette réclamation ;

4. Considérant que si l'article 5.3 du CCAG prévoit que tout document qui doit être remis, dans un délai fixé, par l'entrepreneur au maître d’oeuvre doit être remis au destinataire contre récépissé ou lui être adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, ces stipulations ont pour objet d’établir la matérialité et la date de réception d’un tel document, et ne font pas obstacle à ce qu’il soit dérogé à cette formalité par un procédé présentant des garanties équivalentes ; que la société Area Impianti produit le rapport d’émission de la télécopie ainsi que la copie du courriel, tous deux datés du 24 avril 2009, envoyés au maître d’œuvre et transmettant à ce dernier son mémoire de réclamation ; que la communauté d’agglomération ne conteste pas que ces envois ont été reçus par le maître d’œuvre le 24 avril 2009, soit avant l’expiration du délai de 45 jours imparti par l’article 13.44 précité du CCAG ; que, dans ces conditions, et alors même que le mémoire en réclamation envoyé sous pli recommandé le 24 avril 2009 n’a été reçu que le 5 mai 2009, la société Aréa Impianti ne peut être regardée comme ayant présenté sa réclamation tardivement ;

5. Considérant, au surplus, que s’il mettait le responsable du marché en demeure de lui faire parvenir un décompte signé, le courrier du 6 février 2009 de la société Area Impianti contestait expressément, à titre subsidiaire, le décompte, même non signé, qui lui avait été adressé en indiquant les montants des sommes réclamées, en exposant les motifs de ces demandes et de la contestation des pénalités appliquées ; qu’il doit être regardé comme présentant le caractère d’un mémoire de réclamation ;

6. Considérant qu’il en résulte que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges s’est fondé sur le caractère définitif du décompte pour rejeter la demande de la société Area Impianti ; qu'il y a lieu d’annuler ce jugement, d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif ;

Sur le règlement du marché :

En ce qui concerne les pénalités infligées à raison des retards dans l’exécution des prestations contractuelles :

7. Considérant que l’article 20.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), prévoit l’application d’une pénalité de 9 000 euros par jour de retard dans les délais contractuels d’exécution n° 3, 5 et 7, correspondant respectivement aux délais de raccordement des lignes 1, 2 et 3 ; que l’article 19.12 du même cahier prévoit que chaque délai précisé dans l’acte d’engagement et dans le planning général d’exécution du projet s’achève à compter de la délivrance d’un procès-verbal constatant la bonne exécution des prestations ; que la réception des ouvrages, assortie de réserves à lever avant le 31 décembre 2007, a été prononcée le 18 octobre 2007 avec effet au 4 avril 2007 ; que les délais contractuels, non contestés, ont été respectivement fixés au 20 janvier 2006 pour les délais 3 et 5 et au 1er mai 2006 pour le délai n°7 ; que des pénalités d’un montant total de 5 364 000 euros HT correspondant à un total de 596 jours de retard imputables au groupement ont été appliquées au titre des délais de raccordement des lignes, le maître d’ouvrage ayant relevé des retards respectifs de 194 jours pour le délai n°3, 247 jours pour le délai n°5 et 155 jours pour le délai n°7 ; que la société requérante conteste la date d’achèvement du 10 octobre 2006 correspondant à la date de début des essais de performance par un organisme agréé, retenue par le maître d’ouvrage pour chacun des délais susmentionnés et soutient que le fonctionnement continu pendant cinq jours des lignes 1, 2 et 3 a été effectif, non le 10 octobre 2006, mais respectivement le 11 février 2006, le 25 février 2006 et le 30 avril 2006 ;

8. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les retards constatés dans la mise à disposition des chaudières auraient eu une incidence sur les délais d’exécution des travaux compte tenu de l’état d’avancement des travaux de l’entrepreneur ; que, toutefois, si le mandataire du groupement a signé le procès verbal de réception du 18 octobre 2007 mentionnant le 10 octobre 2006 comme date de début des essais de performance, correspondant au début de la période de bon fonctionnement des lignes pendant cinq jours, préalable indispensable au démarrage de la marche industrielle, il se réservait, sur la base des résultats des analyses des fumées et des rapports de la DRIRE, la possibilité de démontrer que ce fonctionnement était acquis antérieurement ; qu’en vertu de l’article 4.1 "mise en route des installations" de l’annexe "modalités de déroulement des prestations et de réception des ouvrages" du CCAP, les délais d’achèvement des raccordements correspondent aux dates d’effet des procès-verbaux de "mise en route" établis contradictoirement et éventuellement assortis de réserves, lesquels définissent les dates de passage aux phases de "marches industrielles" ; que ces stipulations ne prévoient expressément que la constatation du bon fonctionnement des installations par la validation d’une période de fonctionnement continu pendant cinq jours ; qu’au demeurant, l’article 2 de l’annexe ne précise, pour le délai 7, que la nécessité de raccordement de la troisième ligne et des ouvrages communs ; que le maître d’ouvrage ne peut utilement se prévaloir de l’article 4.2 "marche industrielle" de la même annexe, qui fixe les conditions de fonctionnement au régime nominal, fixé notamment à une capacité de 4,2 t/h de déchets permettant de produire près de 10,5 t/h de vapeur ; qu’aucun texte ne précise expressément les normes de "bon fonctionnement" des installations lors de la période de fonctionnement continu pendant cinq jours ; que s’il est vrai que les informations données au grand public sur le site Internet de la communauté d’agglomération faisant état pour les lignes 1 et 2 d’une mise en route fin janvier 2006 et pour la ligne 3 d’une mise en route en mai 2006 ne peuvent suffire à établir le bon fonctionnement des lignes au sens des stipulations du marché, il résulte des rapports de la DRIRE dont la société se prévaut que le fonctionnement continu des trois lignes a été effectif, respectivement les 11 février, 25 février et 30 avril 2006 ; que la circonstance que les essais de réception effectués pour chaque ligne de traitement des fumées à la fin de la marche industrielle se sont avérés non concluants, est sans incidence sur les délais de raccordement des lignes ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’un retard de 22 jours a été accusé pour le délai n° 3, un retard de 36 jours pour le délai n° 5, et qu’aucun retard ne peut être retenu pour le délai n° 7 ; qu’il en résulte que le montant des pénalités dont il s’agit doit être ramené de 5 364 000 euros à 522 000 euros, soit une décharge des pénalités s’élevant à 4 842 000 euros ;

En ce qui concerne les pénalités relatives aux réserves non soumises à réfaction :

10. Considérant que la date limite pour la levée des réserves a été fixée au 31 décembre 2007 ; que le maître d’œuvre a constaté, par courrier du 18 août 2008, que trois réserves n’étaient toujours pas levées, à savoir la réserve R7 concernant le procès-verbal d’épreuve des monorails à fournir, la réserve R14 relative à la vérification de la conformité à la réglementation des équipements sous pression et la réserve R16 portant sur la fourniture du DOE (dossier des ouvrages exécutés) en version définitive ; qu’une pénalité d’un montant de 173 250 euros, calculée sur la base de 231 jours de retard et du montant de 750 euros par jour de retard prévu pour la levée des réserves par l’article 20.1 du CCAP, a été mise à la charge du groupement ;

11. Considérant, s’agissant de la réserve R16, que si la société a remis le "DOE master" le 23 janvier 2008, il ne résulte ni du courrier du maître d’œuvre du 30 janvier 2008, précisant que ce document était en cours d’examen, ni de la télécopie adressée le 29 août 2008 par la société au maître d’œuvre que la version définitive du DOE avait été remise ; que la communauté d’agglomération fait valoir que le DOE remis le 15 février 2008 était provisoire et incomplet ; qu’il résulte de l’instruction, en particulier du courrier du 8 septembre 2008 de la société Aréa Impianti, que ce n’est qu’après le 18 août 2008 qu’elle a établi la version définitive du DOE ; que, par suite, un retard d’au moins 231 jours a été accusé en ce qui concerne la réserve R16 ;

12. Considérant que le défaut de levée de la réserve R16 avant le 18 août 2008 justifiait l’application de la pénalité au taux journalier de 750 euros calculée sur la base de 231 jours de retard ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner la contestation de la société relative aux deux autres réserves, la société Area Impianti n’est pas fondée à demander la décharge de la pénalité de 173 250 euros contestée ;

En ce qui concerne les pénalités relatives aux réserves soumises à réfaction :

13. Considérant que pour appliquer la réfaction de 250 000 euros HT au titre de la réserve RP2 "encrassement des tours d’évaporation", le maître d’ouvrage s’est fondé sur l’absence de réalisation des travaux prévus par le procès-verbal de réception au-delà de deux nettoyages des tours de refroidissement effectués sur une période de six mois ; qu’il est constant qu’au 23 janvier 2008, aucune intervention du groupement n’a été relevée ; que, par un courrier du 21 avril 2008, le maître d’œuvre rappelait au mandataire : "aucune des adaptations que vous avez proposées pour limiter les encrassements n’a été réalisée et nous sommes toujours dans l’attente d’un protocole officialisant la méthodologie de surveillance de l’encrassement des tours une fois ces adaptations effectuées" ; enfin, que, par un courrier du 18 août 2008, le maître d’œuvre demandait à l’entrepreneur s’il entendait renoncer à ces travaux ; qu’en se bornant à soutenir, d’une part, que la réalité du nettoyage des tours n’est pas établie, d’autre part, que l’encrassement de ces équipements est imputable à leur sous-dimensionnement par rapport au débit des fumées et à leur "géométrie absurde", la société requérante ne conteste pas sérieusement le bien-fondé de la réfaction qui a été appliquée ;

En ce qui concerne la demande de modulation des pénalités :

14. Considérant qu’il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif eu égard au montant du marché ; que le montant des pénalités de retard demeurant à la charge du groupement, tel que fixé par le présent arrêt, qui représente moins de 10 % du montant global du marché, ne peut, dans les circonstances de l’espèce, être regardé comme manifestement excessif ;

En ce qui concerne les erreurs relatives aux sommes payées :

15. Considérant que la société Aréa Impianti soutient que le décompte est erroné compte tenu de l’écart de 107 812,60 euros entre le montant global de 11 600 259,94 euros TTC facturé par le groupement hors prestations de sous-traitance et le montant de 11 708 071,84 euros TTC mentionné par le maître d’œuvre sur l’état récapitulatif et que la société Saacke apparaît comme créancière alors qu’elle a été entièrement payée ;

16. Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : « l’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d’acceptation. Passé ce délai, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu’il n’a pas expressément acceptées ou refusées. Les notifications prévues à l’alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception » ; qu’aux termes de l’article 116 du code des marchés publics alors applicable : « Le sous-traitant adresse sa demande de paiement au titulaire du marché. Cette demande de paiement, revêtue de l'acceptation du titulaire du marché, est transmise par ce dernier à la personne désignée au marché à cette fin. La personne désignée au marché avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier. L'ordonnateur mandate les sommes dues au sous-traitant. Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à la personne désignée au marché, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à la personne désignée au marché par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre un récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. La personne désignée au marché met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant. Dès réception de l'avis, elle informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure. A l'expiration du délai prévu au précédent alinéa, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, la personne désignée au marché paie les sommes dues aux sous-traitants dans les conditions prévues à l'article 96. » ; qu’il résulte de ces dispositions que si l’entrepreneur principal dispose d’un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été saisi, par le sous-traitant, d’une demande tendant à son paiement direct par le maître d’ouvrage, pour faire connaître son acceptation ou son refus motivé, il doit, faute d’avoir formulé un tel refus dans ce délai, être regardé comme ayant accepté définitivement la demande de paiement ;

17. Considérant que, par un courrier du 13 mars 2008, le président de la communauté d’agglomération, qui avait été saisi le 23 janvier 2008 d’une demande de paiement direct par la société Saacke, a mis en demeure la société Aréa Impianti d’établir qu’elle avait opposé un refus motivé à son sous-traitant ; que la société requérante n’établit ni même n’allègue avoir répondu à ce courrier ; qu’elle doit, dans ces conditions, être réputée avoir accepté la demande du sous-traitant ; que, par suite, le maître d’ouvrage, dont il n’est pas contesté qu’il a été régulièrement saisi d’une demande de paiement direct, était, en application des dispositions précitées de l’article 116 du code des marchés publics, tenu, ainsi qu’il l’a fait, de payer à la société Saacke la somme que celle-ci demandait ;

En ce qui concerne la demande de paiement des situations n° 5 et 6 et de la révision des prix :

18. Considérant que si la société requérante soutient que le maître d’ouvrage est redevable des sommes de 671 361,48 euros TTC, 981 111,78 euros TTC et 227 844,97 euros TTC au titre, respectivement, des situations n° 5 et 6 et de la révision des prix de ces deux situations, soit un montant total de 1 880 318,23 euros TTC, elle n’assortit pas cette demande de précisions suffisantes pour permettre d’en apprécier le bien-fondé ;

En ce qui concerne la demande de paiement de travaux supplémentaires :

19. Considérant que la société requérante ne fournit aucune précision ni sur les travaux supplémentaires, d’un montant total de 890 000 euros HT, ni sur les surcoûts de 150 000 euros HT exposés pour ses frais de personnel, dont elle demande le règlement à son profit ; qu’en particulier, en se bornant à produire les factures correspondantes, elle n’établit pas que les travaux étaient indispensables à la bonne exécution des prestations prévues par le marché ; que cette demande, qui ne figurait d’ailleurs pas dans le mémoire de réclamation, doit en tout état de cause être rejetée ;

Sur la demande indemnitaire :

20. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que le retard dans l’exécution du chantier ne serait pas imputable au groupement ; que, par suite et en tout état de cause, les conclusions de la société Area Industries tendant à l’allocation d’une indemnité de 1 500 000 euros en réparation du préjudice né de l’atteinte à son image occasionné par le retard constaté dans la réception des ouvrages ne peuvent être accueillies ;

Sur les intérêts moratoires :

21. Considérant que l’article 11.7 du CCAP stipule qu'il déroge au CCAG et prévoit que le défaut de paiement dans le délai fixé au 13.431 des sommes dues au titre du décompte général dans un délai de 45 jours, lequel a pour point de départ la date d’acceptation du décompte par l’entrepreneur, fait courir de plein droit des intérêts moratoires selon les modalités prévues par le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

22. Considérant que la réception provisoire des ouvrages ayant été prononcée avec de nombreuses réserves, le maître d’ouvrage a pu surseoir à l'établissement du décompte général et définitif jusqu'à l'expiration d'un délai de 45 jours après la levée de ces réserves ; qu’il est constant qu’à la date du 21 janvier 2008 à laquelle la société Aréa Impianti a adressé son projet de décompte, les réserves n’étaient pas levées ; que, le 16 avril suivant, la communauté d'agglomération l’a informée qu'il était sursis à l'établissement du décompte général dans l'attente de la levée des réserves ; que, par suite, les conclusions de la société Aréa Impianti tendant à l’allocation des intérêts moratoires à compter du 8 mars 2008 ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions dirigées contre la société Hiolle Industries :

23. Considérant que lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ; si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse ; qu’en l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction et n’est d’ailleurs pas allégué que les entrepreneurs étaient liés entre eux par une convention de droit privé répartissant les tâches à accomplir ; que, par suite, la cour est compétente pour statuer sur les conclusions de la société Area Impianti tendant à ce que 60 % des pénalités de retard infligées au groupement solidaire soient mises à la charge de la société Hiolle Industries ; que l’exception d’incompétence opposée par la société Hiolle Industries doit donc être écartée ;

24. Considérant qu’aux termes de l’article 20.7 du CCAG : « Dans le cas d'entrepreneurs groupés pour lesquels le paiement est effectué à des comptes séparés, les pénalités (…) sont réparties entre les cotraitants conformément aux indications données par le mandataire, sauf stipulation différente du CCAP. Dans l'attente de ces indications, (…) les pénalités sont retenues en totalité au mandataire, sans que cette opération engage la responsabilité du maître de l'ouvrage à l'égard des autres entrepreneurs (…) » ; qu'il résulte de ces stipulations qu'il appartient au seul mandataire commun de répartir entre les entreprises les pénalités dont il fait l'avance jusqu'à ce qu'il ait fourni les indications nécessaires à leur répartition ; qu'en cas d'inaction du mandataire commun, le maître de l'ouvrage est tenu de lui imputer la totalité des pénalités ; que, toutefois, la circonstance que le mandataire n’ait pas fait usage de la faculté prévue par les stipulations précitées ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse présenter une action en garantie devant le juge du contrat ;

25. Considérant, toutefois, que le document intitulé "décomposition prix groupement", qui ne répartit que des montants, même détaillés par tâches, ne peut être regardé comme un document contractuel de répartition des tâches ; qu’en l’absence de toute convention, à laquelle le maître de l’ouvrage est partie, fixant la part revenant à chacun des co-contractants dans l’exécution des travaux, les conclusions de la société Area Impianti tendant à ce que 60 % des pénalités de retard infligées au groupement solidaire soient mises à la charge de la société Hiolle Industries ne peuvent qu’être rejetées ;

26. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il y ait lieu d’ordonner l’expertise sollicitée par la société Area Impianti, que celle-ci est seulement fondée à demander la décharge à hauteur de 4 842 000 euros des pénalités qui lui ont été infligées et à la rectification en ce sens du solde du marché ;

Sur l’application des articles L.761-1 et R.761-1 du code de justice administrative :

27. Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Area Impianti, qui n’est pas pour l’essentiel, la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la communauté d'agglomération de Limoges Métropole la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, d’une part, de mettre à la charge de la société Area Impianti la somme de 1 000 euros à payer à la société Hiolle industries, d’autre part, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération la somme de 2 000 euros à payer à la société Area Impianti ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à la charge de la société requérante la contribution pour l’aide juridique mentionnée à l’article R.761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 février 2012 est annulé.

Article 2 : Les pénalités infligées à la société Area Impianti au titre du marché passé le 15 mars 2005 avec la communauté d'agglomération de Limoges Métropole sont réduites de 4 842 000 euros. Le solde dudit marché est rectifié en ce sens.

Article 3 : La communauté d'agglomération de Limoges Métropole versera la somme de 2 000 euros à la société Area Impianti au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Area Impianti versera à la société Hiolle industries une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la société Area Impianti, le surplus de ses conclusions d’appel et les conclusions de la communauté d’agglomération de Limoges Métropole tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.