Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2012, présentée pour la commune de Toulouse, représentée par son maire, par Me Goutal ;

La commune de Toulouse demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0704096, 0704810, 0803295 du 1er juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a annulé le titre de recettes n° 24212 du 28 septembre 2007 émis par la commune de Toulouse à l'encontre de la société Storagetek pour un montant de 2 666 333,31 euros et mis à la charge de commune la somme de 3 000 euros au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Storagetek devant le tribunal administratif tendant à l’annulation dudit titre exécutoire ;

3°) de mettre à la charge de la société Oracle France, venant aux droits de la société Storagetek la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que, par un contrat signé le 25 février 1993, la société Storage Technology Corporation s’est engagée, en contrepartie de la mise à sa disposition par la commune de Toulouse, au moyen d’un crédit-bail immobilier, d’un bâtiment sis dans le quartier de Basso Cambo et d’aides financières en provenance de cette même commune, de la région Midi-Pyrénées et du département de la Haute-Garonne, à exploiter sur ce site une activité de fabrication de périphériques et de mémoires informatiques et à employer un nombre minimum de salariés défini par l’annexe 4 à ce contrat intitulée « dispositions relatives aux pénalités d’emploi » ; qu’en adéquation avec les stipulations de l’article 6 de cette même convention, les droits de la société Storage Technology Corporation ont été cédés à sa filiale française, la société Storage Technology European Operations, dénommée Storagetek ; que, dans sa version issue des deux avenants signés le 10 juin 2012 et le 16 décembre 2003, l’annexe 4 au contrat prévoyait qu’une pénalité d’emploi serait versée à la ville de Toulouse par la société Storagetek dans la mesure où, au 31 décembre 2004, le nombre d’emplois créés par cette société sur le site ainsi que le nombre d’emplois créés par des entreprises « amenées » par elle sur le territoire de la communauté d’agglomération du Grand Toulouse serait inférieur à 352, 50, le calcul étant fait en fonction de la moyenne mensuelle pondérée sur une année civile de la période de référence ; que, par un courrier daté du 3 janvier 2005 adressé au maire de Toulouse, la société Storage Technology European Operations a fait état de ce qu’elle avait rempli ses obligations en matière d’emplois ; que, par une lettre en date du 24 janvier 2005, le maire de Toulouse a informé la société, qu’au vu des éléments produits par elle sur l’évolution des emplois créés, il n’y avait pas lieu d’appliquer la pénalité prévue par le contrat en cas d’insuffisance de création d’emplois ; que, par un nouveau courrier du 18 septembre 2006, le maire estimait cependant que le nombre d’emplois créés devait être ramené à 165 et, le 2 avril 2007, informait la société de l’application de pénalités financières d’un montant de 2 666 333,31 euros ; que, par une délibération du 6 juillet 2007, le conseil municipal de Toulouse décidait d’appliquer lesdites pénalités ; que le maire de Toulouse a émis le 20 juillet 2007 un premier titre exécutoire auquel s’est substitué un nouveau titre du 28 septembre 2007 ayant un objet identique et portant sur le même montant de 2 666 333,31 euros ; que la commune de Toulouse fait appel du jugement du 1er juin 2012 du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a annulé le titre exécutoire du 28 septembre 2007 ;

2. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; qu'une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage ; qu'en revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement ;

3. Considérant que le courrier du maire de Toulouse du 24 janvier 2005 mentionné au point 1 ne modifie pas le montant des différentes aides publiques accordées à la société Storagetek en vertu du contrat passé le 25 février 1993 ; qu’il se borne à informer celle-ci, en réponse à son courrier du 3 janvier 2005, qu’au vu des chiffres d’emplois qu’elle a communiqués pour l’année 2004, elle n’est pas redevable de la « pénalité d’emploi » prévue par l’annexe 4 au contrat ; que, compte tenu de son libellé, ce courrier ne peut être regardé comme comportant une renonciation de la ville de Toulouse à vérifier, ainsi que le prévoyait cette annexe 4, que les entreprises « amenées » par Storagetek « ne seraient pas venues sans l’intervention » de celle-ci ; que, dans ces conditions, ce courrier ne saurait être regardé comme accordant un avantage financier à la société Storagetek et plus généralement comme ayant créé des droits à son profit ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que c’est à tort que, pour annuler le titre exécutoire litigieux, le tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur ce que la lettre du maire de Toulouse du 24 janvier 2005 constituait un acte créateur de droits qui n’avait pu légalement être retiré plus de quatre mois après qu’il a été pris ; qu’il y a lieu, dès lors, pour la cour, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés tant devant le tribunal administratif que devant la cour par la société Storagetek, aux droits de laquelle est venue la société Sun Microsystems France, puis la société Oracle France ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 : « Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; que la circonstance que l’avis des sommes à payer adressé à la société, qui ne constitue pas l’original du titre exécutoire contesté mais le document informant le débiteur de la somme à acquitter, ne comporte pas les mentions prévues par les dispositions précitées est sans influence sur la légalité de ce titre exécutoire ;

6. Considérant qu’il résulte des termes mêmes de l’annexe 4 au contrat signé le 25 février 1993 que la « pénalité d’emploi » « sera due par Storagetek à la ville de Toulouse » ; que, par suite, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la ville de Toulouse ne pouvait être l’unique créancière de cette pénalité, de l’incompétence de son maire pour émettre le titre exécutoire litigieux et de l’interdiction pour une collectivité territoriale d’exercer une tutelle sur une autre collectivité territoriale ;

7. Considérant qu’aux termes de l’annexe 4 au contrat, dans sa version issue de l’avenant n°3 : « Le calcul de la pénalité d’emploi ne sera plus basé uniquement sur le nombre d’emplois créés par Storagetek elle-même sur son site de Basso Cambo à Toulouse./Il y aura prise en compte des emplois créés non seulement par Storagetek directement sur le site de Basso Cambo, mais aussi par des entreprises amenées par Storagetek sur les territoires des communes de la communauté d’agglomération du Grand Toulouse, dès l’instant que la ville de Toulouse aura pu vérifier que ces entreprises ne seraient pas venues sans l’intervention de Storagetek » ; que la société Storagetek a inclus dans le calcul du nombre d’emplois à prendre en compte au titre de ces stipulations, les emplois créés sur le site de Basso Cambo par la société T Systems ; que, toutefois, il résulte de l’instruction, notamment des termes particulièrement circonstanciés et non sérieusement contestés de la lettre adressée le 14 décembre 2006 au maire de Toulouse par la société T Systems que, si cette société a effectivement, dans le courant de l’année 2003, installé une partie de son activité d’infogérance informatique dans les locaux de la société Storagetek situés à Basso Cambo, l’implantation de cette activité à Toulouse était de toute façon exigée par Airbus en vertu d’un contrat signé à la fin de l’année 2002, de sorte que cette implantation à Toulouse, également demandée par la société Eurocopter, n’a eu aucunement pour origine l’intervention de la société Storagetek ; que, dans ces conditions, en estimant que les emplois créés par la société T Systems ne devaient pas être pris en compte pour le calcul de la « pénalité d’emplois » prévue par l’annexe 4 au contrat du 25 février 1993, le maire de Toulouse n’a pas commis d’erreur d’appréciation ; que la société intimée ne fournit aucun élément de nature à remettre en cause le montant de la pénalité tel qu’il a été fixé par le titre exécutoire contesté ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la ville de Toulouse est fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le titre de recettes exécutoire n° 24212 du 28 septembre 2007 émis par la commune de Toulouse à l'encontre de la société Storage Technology European Operations pour un montant de 2 666 333,31 euros ; que, compte tenu de ce qui vient d’être dit, la commune de Toulouse est également fondée à soutenir que c’est à tort que, par l’article 5 du jugement attaqué, le tribunal administratif l’a condamnée à verser, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à la société Sun Microsystems venant aux droits de la société Storagetek ;




Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la ville de Toulouse, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à la société Oracle France la somme demandée par celle-ci au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Oracle France la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Toulouse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2012 est annulé en tant que, par son article 3, il a annulé le titre de recettes n° 24212 du 28 septembre 2007 émis par la commune de Toulouse à l'encontre de la société Storage Technology European Operations pour un montant de 2 666 333,31 euros et en tant que, par son article 5, il a mis à la charge de la commune le versement à la société Sun Microsystems venant aux droits de la société Storagetek de la somme de 3 000 euros.

Article 2 : Les conclusions par lesquelles la société Storagetek a demandé au tribunal administratif de Toulouse l’annulation du titre exécutoire du 28 septembre 2007 sont rejetées, de même que ses conclusions présentées devant le tribunal administratif au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Oracle France versera la somme de 1 500 euros à la ville de Toulouse au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société Oracle France présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.