Vu, la requête, enregistrée le 3 février 2014, présentée pour M. A== D==, par Me Pech Cariou ;

M. D== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1304306 du 9 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 14 août 2013 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé un titre de séjour, a assorti cette décision d’une obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d’annuler cette décision ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de trente jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et de lui délivrer un titre de séjour temporaire le temps du réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761 1 du code de justice administrative ;


1. Considérant que M. D==, de nationalité algérienne, est entré en France sous couvert d’un visa long séjour portant la mention étudiant en septembre 2005 ; qu’il a bénéficié de certificats de résidence algériens « étudiant » régulièrement renouvelés jusqu’au 13 novembre 2008, puis a demandé, le 26 janvier 2009, à changer de statut et à se voir délivrer un titre commerçant ; que le préfet a rejeté sa demande et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2010 ; que M. D== a présenté une nouvelle demande en vue de son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant notamment des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012, en indiquant vouloir construire sa vie en France où résident sa concubine et leur fils né en 2011, et en joignant un contrat de travail à durée indéterminée du 12 mars 2013, l’engagement de son employeur à verser la taxe due à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ainsi que des bulletins de salaire pour l’ensemble des années 2010, 2011 et 2012 dans la même entreprise ; que, par un arrêté en date du 14 août 2013, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d’un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que M. D== relève appel du jugement n° 1304306 du 9 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d’annulation de cette décision ;

2. Considérant que si l’accord franco-algérien, qui régit de manière exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d’une activité salariée, soit au titre de la vie familiale, ne prévoit pas de modalités d’admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n’interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu’il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

3. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l’intérieur, adressée aux préfets et publiée, conformément aux prescriptions du décret du 8 décembre 2008 susvisé, sur le site internet circulaire.legifrance.gouv.fr : « La présente circulaire (…) précise les critères d'admission au séjour sur la base desquels vous pourrez fonder vos décisions. Elle est destinée à vous éclairer dans l'application de la loi et dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qui vous est reconnu par la législation » ; que le point 4.1 de cette circulaire précise : « Nonobstant le fait que les ressortissants algériens et tunisiens ne peuvent se prévaloir des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixant les conditions d’admission exceptionnelle au séjour et qu’ils ne rempliraient pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d’un titre de séjour au regard des stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, vous pouvez, en application de votre pouvoir général d’appréciation, décider d’admettre exceptionnellement au séjour des ressortissants en vous inspirant des critères rappelés dans la présente circulaire » ;

4. Considérant qu’au sein du paragraphe 2 de cette circulaire intitulé « Les critères d’admission exceptionnelle au séjour », le point 2.2.1, qui concerne l’admission au séjour au titre du travail, indique : « Vous pourrez apprécier favorablement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, dès lors que l'étranger justifie : -d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche et de l’engagement de versement de la taxe versée au profit de l’Office français de l’immigration et de l’intégration - d’une ancienneté de travail de 8 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois ou de 30 mois, consécutifs ou non, sur les 5 dernières années - d’une ancienneté de séjour significative, qui ne pourra qu’exceptionnellement être inférieure à cinq années de présence effective en France. Néanmoins, vous pourrez prendre en compte une ancienneté de séjour de trois ans en France dès lors que l’intéressé pourra attester d’une activité professionnelle de vingt-quatre mois dont huit, consécutifs ou non, dans les douze derniers mois. » ; que la circulaire précise : « vous considérerez que les bulletins de salaire représentent une preuve certaine de l’activité salariée » et conclut, en cas de production des preuves : « dans ces conditions, après visa du formulaire CERFA par le service de la main d’œuvre étrangère, l’un des titres de séjour mentionnés à l’article L.313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sera délivré. » ;

5. Considérant que, par ces énonciations, le ministre de l’intérieur a, sans limiter le pouvoir d'appréciation des préfets dans l’application des dispositions législatives ni le pouvoir discrétionnaire de régulariser la situation d'un étranger qui leur appartient, indépendamment de ces dispositions, et sans édicter aucune condition nouvelle de caractère réglementaire, défini des orientations générales applicables à la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » aux ressortissants étrangers en situation irrégulière qui demandent une régularisation en faisant valoir l’ancienneté de leur travail sur le territoire ; que les énonciations citées au point 2.2.1 de la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 constituent des lignes directrices, fixées en vue de permettre l’homogénéisation des pratiques dans le respect du principe d’égalité, et dont les intéressés peuvent dès lors utilement se prévaloir ;

6. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le préfet a indiqué que M. D== avait présenté sa demande d’admission exceptionnelle au séjour, suite à la publication de la circulaire du 28 novembre 2012, en qualité de salarié selon l’article 7b de l’accord franco-algérien et au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l’article 6-5° du même accord, et a rappelé que l’intéressé, de nationalité algérienne, ne pouvait se prévaloir de l’article L.313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile mais que l’autorité administrative devait examiner l’opportunité d’une mesure de régularisation ; qu’il a ensuite refusé la délivrance d’un titre en tant que salarié en soulignant que si M. D== avait travaillé pendant ses études, ce n’était qu’à titre accessoire, et que depuis lors il a continué de travailler en toute illégalité et connaissance de cause, « ce que l’administration ne peut que condamner », ajoutant que l’intéressé pouvait se soumettre à la procédure prévue par l’accord franco-algérien pour obtenir un titre de séjour, sans cependant se prononcer sur la demande d’autorisation de travail impliquée par les documents signés de l’employeur ; qu’il a également indiqué refuser le titre de séjour vie privée et familiale au motif que l’intéressé, à l’issue d’études infructueuses, s’était maintenu en situation irrégulière, n’avait pas déféré à une obligation de quitter le territoire français et ne pouvait se prévaloir de la fondation d’une famille, circonstances qu’il avait lui-même créées en toute connaissance de l’irrégularité de sa situation ; que ce faisant, le préfet de la Haute-Garonne n’a pas procédé à un examen approfondi, objectif et individualisé de la situation du requérant au regard des orientations de la circulaire, dès lors qu’il lui appartenait d’examiner la situation de travail de l’intéressé depuis qu’il n’était plus étudiant au vu des justificatifs apportés ; que, dans ces conditions, M. D== est fondé à soutenir, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d’examiner les autres moyens de sa requête, que la décision est entachée d’une erreur de droit et que c’est à tort que le tribunal administratif a refusé de l’annuler ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

7. Considérant que le présent arrêt n’implique pas nécessairement, au sens de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, que M. D== se voie délivrer le titre de séjour qu’il a sollicité, dès lors que, si l’intéressé peut utilement se prévaloir, pour contester la légalité de l’arrêté du 14 août 2013, des lignes directrices énoncées au point 2.2.1 de la circulaire du 28 novembre 2012, celles-ci ne lui confèrent, par elles-mêmes, aucun droit au séjour, le préfet pouvant s’écarter de ces lignes directrices dès lors qu’il justifierait des motifs qui l’y conduisent ; que, par suite, les conclusions de M. D== tendant à ce qu’il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ; qu’il y a lieu, en revanche, en application des dispositions de l’article L. 911-2 du même code, d’enjoindre au préfet de réexaminer la demande d’admission exceptionnelle au séjour présentée par l’intéressé en prenant en considération ces lignes directrices, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D== dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304306 en date du 9 janvier 2014 du tribunal administratif de Toulouse et l’arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 14 août 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la demande de M. D== dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L’Etat versera à M. D== la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.