Vu le recours, enregistré le 12 mars 2012 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 15 mars 2012, présenté par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1001921 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé, à la demande du Syndicat départemental d’électricité et de gaz de la Charente, d’une part, l’arrêté du préfet de la Charente du 21 janvier 2010 en tant qu’il lui refuse le bénéfice du fonds de compensation pour la TVA pour ses dépenses d’un montant de 800 599,12 euros relatives aux installations de communications électroniques, d’autre part, la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours gracieux du syndicat du 23 mars 2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par le Syndicat départemental d’électricité et de gaz de la Charente devant le tribunal administratif de Poitiers ;

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1. Considérant que le syndicat mixte dénommé Syndicat départemental d’électricité et de gaz de la Charente (SDEG 16), qui a également compétence en matière de communications électroniques, a conclu avec France Télécom une « convention cadre relative à la réalisation et à l’utilisation d’installations souterraines pour les réseaux de télécommunications » ayant pour objet de définir les modalités de « mise en techniques discrètes des réseaux de télécommunication aériens appartenant à France Télécom sur le territoire des communes adhérentes au SDEG 16 », l’établissement public étant maître d’ouvrage et maître d’œuvre des travaux d’enfouissement des réseaux de télécommunications ; que, dans le cadre de cette convention, plusieurs conventions particulières ont été conclues en 2007 entre le SDEG 16 et France Télécom ayant pour objet l’enfouissement des câbles de télécommunications appartenant à France Télécom sur le territoire de plusieurs communes ; que les travaux prévus par ces conventions particulières ont été réalisés en 2007 ; que le 30 juin 2009, le SDEG 16 a adressé au préfet de la Charente les états récapitulatifs du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée de 2009 concernant les dépenses d’investissement réalisées en 2007 et ouvrant, selon le SDEG 16, à l’attribution de ce fonds ; que le montant des dépenses d’investissement réalisées en 2007 éligibles s’élevait, selon le SDEG 16, à 4 535 243,52 euros, dont 800 599,12 euros de dépenses pour l’enfouissement des câbles de France Télécom ; que la demande du SDEG 16 au préfet a été renouvelée le 11 janvier 2010 ; que par arrêté du 21 janvier 2010, le préfet de la Charente n’a attribué au SDEG 16, au titre du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour les dépenses d’investissement réalisées en 2007, que la somme de 577 108,88 euros et a rejeté de ce fait la demande de prise en compte de la somme de 800 599,12euros au titre des dépenses d’investissements réalisées pour l’enfouissement des câbles de France Télécom ; que par lettre du 21 mars 2010, le président du SDEG 16 a renouvelé sa demande au préfet qui l’a rejetée implicitement ; que le SDEG 16 a demandé au tribunal administratif de Poitiers l’annulation de l’arrêté préfectoral du 21 janvier 2010 en tant qu’il refuse le caractère éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des dépenses d’enfouissement des réseaux de communications électroniques ainsi que l’annulation du rejet implicite du recours gracieux formé à l’encontre de l’arrêté ; que, par jugement du 9 février 2012, le tribunal administratif de Poitiers a donné satisfaction au SDEG 16 en annulant l’arrêté préfectoral en tant qu’il refuse au SDEG 16 le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour des dépenses d’un montant de 800 599,12 euros relatives aux installations de communications électroniques ; que, de plus, le tribunal administratif a enjoint au préfet de verser au SDEG 16 la somme de 123 948,78 euros, correspondant à ce qu’aurait dû être l’attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée au titre d’un investissement de 800 599,12 euros, augmentée des intérêts et de leur capitalisation ; que le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales relève appel de ce jugement ;



2. Considérant d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions préfectorales attaquées : « (…) Les immobilisations confiées dès leur réalisation ou leur acquisition à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée et exerçant une activité ne lui ouvrant pas droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le bien donnent lieu à attribution du fonds pour les dépenses réelles d’investissement réalisées à compter du 1er janvier 2006, si : / (…) b) Le bien est confié à un tiers en vue de l’exercice, par ce dernier, d’une mission d’intérêt général (…) » ;

3. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que la demande du bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée présentée par le SDEG 16 pouvait être satisfaite sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales dès lors que les immobilisations confiées à France Télécom visaient à permettre à cette dernière de satisfaire à ses missions d’intérêt général et en particulier de mettre à la disposition de ses usagers le service universel des communications téléphoniques ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que toutes les immobilisations réalisées par le SDEG 16 n’ont pas été mises à la disposition de France Télécom ; que seul un fourreau par tranchée a été mis à sa disposition ; que ce fourreau ne peut être regardé comme confié par le SDEG 16 à France Télécom pour remplir une mission d’intérêt général alors qu’il est destiné à être exploité commercialement par la société ; que, dans ces conditions, les dépenses en cause ne correspondaient pas au cas visé par le tribunal administratif, c’est-à-dire à la situation prévue au b) de l’article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales ; qu’en conséquence, le tribunal administratif ne pouvait pas juger sur le fondement de ces dispositions que l’ensemble des investissements était éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

4. Considérant d’autre part, qu’aux termes des dispositions de l’article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales applicables en l’espèce : « Ne figurent pas au nombre des dépenses réelles d’investissement ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les dépenses concernant les immobilisations utilisées pour la réalisation d’opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (…) » ;

5. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que les dispositions précitées de l’article R. 1615-2 ne faisaient pas obstacle à ce que l’ensemble des dépenses en cause soit éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que l’usage par France Télécom des installations présenterait un caractère accessoire au regard des activités exercées par le SDEG 16, France Télécom n’étant affectataire que d’une partie des fourreaux souterrains et que les installations réalisées par le SDEG 16 constitueraient une unité indivisible qui ne serait que partiellement utilisée pour la réalisation d’opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier qu’à la date des décisions attaquées, sur les six fourreaux mis en place par le SDEG 16, un seul était à disposition de France Télécom qui doit en assurer l’entretien ; que dans ces conditions, les installations en cause doivent être regardées comme divisibles et l’usage qui en est fait par France Télécom ne peut être estimé accessoire puisqu’à la date de l’arrêté préfectoral, seule France Télécom utilisait ces installations ; que c’est donc à tort que le tribunal administratif a estimé que les dispositions de l’article R. 1615-2 du code général des collectivités territoriales ne faisaient pas obstacle à ce que l’ensemble des dépenses puisse bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, pour les motifs susexposés, le tribunal administratif a annulé l’arrêté préfectoral du 21 janvier 2010 et la décision de rejet du recours gracieux du SDEG 16 en tant qu’ils refusent à ce dernier le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour ses dépenses d’un montant de 800 599,12 euros relatives aux installations de communications électroniques ;

7. Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le SDEG 16 devant le tribunal administratif et devant la cour ;

8. Considérant que les ressources du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée sont, selon l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, « destinées à permettre progressivement le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d’investissement » ; qu’en vertu de ces dispositions, l’éligibilité de dépenses à ce fonds est subordonnée à la nature réelle des travaux financés, à la réalisation effective des travaux par le maître de l’ouvrage et à l’intégration des ouvrages dans le patrimoine de la collectivité publique ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les dépenses pour lesquelles le SDEG 16 a demandé à bénéficier du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée concernent la réalisation d’installations comprenant les tranchées, les fourreaux qui permettent le passage des câbles et qui sont placés au fond de la tranchée, les chambres de tirage qui sont des équipements souterrains en béton qui permettent de tirer des câbles ; qu’il est constant que ces travaux et installations ont été payés par le SDEG 16 et que ce dernier en reste propriétaire ; que toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, un des fourreaux est mis à disposition de France Télécom gratuitement pour qu’il exploite commercialement un câble ; que cette exploitation constitue une prestation de service soumise à la taxe à la valeur ajoutée par application des dispositions des articles 256 et 256 A du code général des impôts puisqu’il s’agit de prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti et agissant en tant que tel ; que, dans ces conditions, des immobilisations réalisées par le SDEG 16, seules pouvaient être exclues du bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les dépenses correspondant au fourreau confié à France Télécom ainsi qu’une partie des autres immobilisations sans lesquelles un fourreau n’aurait pas pu être mis à sa disposition ; que, par suite, c’est à tort que par l’arrêté attaqué le préfet de la Charente a estimé que l’ensemble des dépenses relatives à l’enfouissement des réseaux de communication électroniques n’était pas éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ; que cet arrêté et le rejet du recours gracieux doivent donc être annulés en tant qu’ils excluent des dépenses éligibles la partie des dépenses qui n’est pas relative au fourreau mis à la disposition de France Télécom ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le SDEG 16 a posé six fourreaux par opération d’enfouissement réalisée ; que sur ces six fourreaux un seul est utilisé par France Télécom ; que dès lors que le montant total des dépenses d’investissement correspondant à la réalisation des six fourreaux en cause est de 800 599,12 euros, la somme éligible à prendre en compte au titre des cinq fourreaux non utilisés par France télécom est de 667 165,93 euros correspondant aux 5/6ème du total de ces dépenses ;

11. Considérant que, compte tenu de l’application à la somme de 667 165,93 euros du taux non contesté de 15,482 %, le montant de la compensation due au SDEG 16 est de 103 290,63 euros ; que le présent arrêt implique pour son exécution qu’il soit enjoint au préfet de la Charente, sur le fondement de l’article L. 911 du code de justice administrative, de verser au SDEG 16 cette somme de 103 290,63 euros ;

12. Considérant qu’aux termes de l’article 1153-1 du code civil : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement (…) » ; que le présent arrêt, qui annule l’arrêté préfectoral en tant qu’il refuse de considérer comme éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée la somme de 667 165,93 euros, ne constitue pas une condamnation à une indemnité au sens des dispositions de l’article 1153-1 du code civil ; que, par suite, le SDEG 16 ne peut prétendre au bénéfice d’intérêts légaux sur la somme de 103 290,63 euros correspondant à la compensation de la taxe sur la valeur ajoutée sur la somme de 667 165,93 euros ;

13. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales n’est fondé à demander l’annulation du jugement qu’en tant qu’il a retenu comme éligible au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée l’ensemble des dépenses invoquées par le SDEG 16 et a enjoint au préfet de la Charente de verser au SDEG la somme de 123 948,76 euros ;

14. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SDEG 16 et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L’arrêté du préfet de la Charente du 21 janvier 2010 relatif à l’attribution au SDEG 16 du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté le recours gracieux de ce syndicat du 23 mars 2010 sont annulés en tant qu’ils refusent à ce dernier le bénéfice du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée pour des dépenses de 667 165,93 euros.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente de verser au SDEG 16 la somme de 103 290,63 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 9 février 2012 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.



Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : L’Etat versera au SDEG 16 une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.