Vu le recours enregistré le 2 mars 2012 présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat (direction de contrôle fiscal sud-ouest) qui demande à la cour :

1°) d’annuler les articles 1 et 2 du jugement n°0900992 du 3 janvier 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. et Mme S== de la majoration de 10% qui leur a été infligée sur le fondement des dispositions de l’article 1758 A du code général des impôts au titre de l’année 2006 et a condamné l’Etat à verser aux intéressés une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. et Mme S== devant le tribunal administratif tendant à la décharge de la majoration de 10% à laquelle ils ont été assujettis au titre de l’année 2006 pour un montant de 1 501 euros ;


Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 janvier 2014 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ; - les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme S== ont acquis en 1999 un bien immobilier neuf à Toulouse ; qu’ils ont opté pour le régime de déduction d’impôt applicable aux constructions neuves affectées à la location, dit « amortissement Périssol », qui figurait au f du 1° de l’article 31, I du code général des impôts et dont le bénéfice était subordonné à la condition notamment que le logement soit loué nu pendant une durée de neuf ans ; que M. et Mme S== ont procédé, de 1999 à 2006, à des déductions sur leurs revenus fonciers au titre de cet amortissement ; que ce bien immobilier a été revendu le 31 août 2006, soit avant l’expiration de la période de neuf ans ; qu’à la suite d’un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme S== portant sur l’année 2006, l’administration a repris le montant cumulé des déductions pratiquées de 1999 à 2006 qui s’élevait à 50 306 euros et a établi les impositions au titre de l’année 2006 en les assortissant des intérêts de retard mentionnés à l’article 1727 du code général des impôts, ainsi que de la majoration de 10% prévue par l’article 1 758 A du même code ; que les intéressés ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’une demande tendant à la décharge de ces pénalités ; que, par un jugement du 3 janvier 2012, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la décharge de la majoration de 10% dont les redressements étaient assortis et a rejeté le surplus de la demande ; que le ministre de l’économie et des finances relève appel de ce jugement en tant qu’il a prononcé cette décharge ;

2. Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article 1758 A du code général des impôts : « I. Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / II. Cette majoration n'est pas applicable : / a. En cas de régularisation spontanée ou lorsque le contribuable a corrigé sa déclaration dans un délai de trente jours à la suite d'une demande de l'administration ; / b. Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728, par l'article 1729 ou par le a de l'article 1732. » ;




3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 170 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « 1. En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille (…) » et qu’aux termes de l’article 173 de ce code : « le contenu et la présentation des déclarations sont précisés par décret (…) » ; que l’article 42 de l’annexe III au même code dispose que : « la déclaration prévue au 1 l'article 170 du code général des impôts est rédigée sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles arrêtés par le ministre de l'économie et des finances. / La déclaration comporte notamment l'indication du montant, détaillé par nature de revenu et déterminé selon les modalités propres à chacun d'eux, des éléments qui composent le revenu brut global du contribuable (…) » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les déclarations de revenus doivent être obligatoirement souscrites au moyen des imprimés établis par l’administration et que toutes les indications dont ces imprimés exigent le renseignement doivent être portées à la connaissance de l’administration ;

4. Considérant que M. et Mme S== ont souscrit, au titre de l’année 2006, en même temps que leur déclaration d’ensemble de leurs revenus, la déclaration spéciale des revenus fonciers (formulaire « 2044 spéciale ») qui doit être souscrite notamment par les propriétaires qui ont réalisé un investissement ouvrant droit à une déduction au titre de l’amortissement des logements neufs ; qu’il résulte de l’instruction que les contribuables ont indiqué, sous la rubrique 201 intitulée « caractéristiques des propriétés » que comporte cette déclaration, que l’immeuble dont il s’agit relevait du régime de l’amortissement des logements neufs ; que, sous les rubriques 801 et 810 à 814, ils ont indiqué avoir bénéficié du dispositif d’amortissement « Périssol » et précisé que le montant des déductions pratiquées s’était élevé à 50 305 euros jusqu’en 2006 ; qu’ils ont reporté à la rubrique 840 intitulée « montant total de la déduction pratiquée en 2006 au titre de l’amortissement » le montant de la déduction pratiquée au titre de 2006, soit 2 287 euros, et à la rubrique 860 « vente ou abandon de la location d’un immeuble », l’abandon de la location au 31 août 2006 ; que si la rubrique 870 intitulée « renseignements divers » est demeurée vierge de toute mention et si les époux S== n’y ont effectivement pas indiqué, ce que l’administration leur reproche, le montant des amortissements à réintégrer pour chaque année de déduction, une telle consigne ne ressort que de la notice explicative destinée à aider le contribuable à compléter la déclaration, qui n’a qu’une valeur indicative ; qu’à défaut d’une indication figurant explicitement dans le formulaire de déclaration lui-même, le défaut de renseignement de cette rubrique n’a pas constitué une omission susceptible de justifier l’application de la majoration prévue par les dispositions précitées de l’article 1758 A du code général des impôts ; que, par suite, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé les époux S== de la majoration de 10 % dont ont été assortis les rappels d’impositions qui leur ont été assignés ;

Sur les conclusions de M. et Mme S== tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l’Etat le versement au profit de M. et Mme S== de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l’économie et des finances est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à M. et Mme S== la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.