Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 juin 2013 et régularisée le 18 juin 2013, présentée par le préfet de la Haute-Garonne ;

Le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d’annuler le jugement n° 1302018 en date du 6 mai 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 2 mai 2013 plaçant M. Kelountang M== en rétention administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 du Conseil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Catherine Girault, président ; - et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M. M==, de nationalité sénégalaise, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 2 février 2013, en provenance d’Espagne ; que suite à une interpellation par les services de police à Cerbère, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a, le 2 février 2013, pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et l’a placé en rétention administrative ; que le 5 février 2013, M. M== a déposé une demande d’asile ; que le 6 février 2013, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé son admission au séjour et l’a placé en procédure prioritaire ; que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande le 12 février 2013 ; qu’après avoir refusé d’embarquer, il a été remis en liberté le 16 février 2013 et a quitté la France pour se rendre en Belgique, où il a sollicité son admission au statut de réfugié ; que le 25 mars 2013, le préfet des Pyrénées Atlantiques a accepté la demande de reprise en charge de M. M== présentée par les autorités belges au titre de l’article 16-1 e) du règlement CE 343/2003 du 18 février 2003 ; que le 2 mai 2013, l’intéressé a été remis aux autorités françaises à Toulouse et par un arrêté du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a décidé son placement en rétention administrative pendant le temps strictement nécessaire à son départ ; que le préfet de la Haute Garonne relève appel du jugement n°1302018 en date du 6 mai 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 2 mai 2013 comme dépourvu de base légale et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que le conseil de M. M== renonce à percevoir la part contributive de l’Etat à l’aide juridictionnelle ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « A moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (…) 6° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé (…) 8° Ayant fait l'objet d'une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire » ; 3. Considérant que la décision contestée du 2 mai 2013 est prise sur le fondement de l’obligation de quitter le territoire français sans délai notifiée le 2 février 2013 à M. M==, dont l’article premier n’impose aucune destination ; que si l’article 2 prévoit que l’intéressé sera reconduit d’office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité, du pays qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou de tout pays dans lequel il peut apporter la preuve qu’il est légalement admissible, ces dispositions qui concernent le pays à destination duquel l’administration pourra reconduire d’office l’intéressé ne peuvent être utilement invoquées pour dénier la réalité de la sortie du territoire français de M. M==, démontrée par la décision des autorités belges lui refusant le séjour et les conditions dans lesquelles il a été interpellé à l’aéroport de Toulouse en provenance de Belgique ; que par suite, le préfet ne pouvait le placer en rétention administrative sur le fondement du 6° de l’article L. 551-1 visé par sa décision du 2 mai 2013 ;

4. Considérant, toutefois, que lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

5. Considérant qu’il résulte du rapprochement des 6° et 8° précités de l’article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que, notamment dans le cas où l’étranger s’est rendu dans un pays où il n’est pas légalement admissible, exposant la France à devoir le reprendre en charge dans le cadre du règlement CE 343/2003 du 18 février 2003, la circonstance que l’étranger a quitté le territoire français n’a pas pour effet de priver la décision portant obligation de quitter le territoire français de son caractère exécutoire ; que les parties ont été informées par la cour de la substitution envisagée du 8° au 6° de l’article L.551-1 précité comme fondement de la décision, que le préfet y a acquiescé et que M. M== n’a pas présenté d’observations ; que dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir que c’est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a estimé que l’obligation de quitter le territoire français du 2 février 2012 ne pouvait servir de fondement au placement en rétention litigieux parce que M. M== avait quitté le territoire français ;

6. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. M== ;

7. Considérant en premier lieu, que le placement en rétention, qui vise les dispositions pertinentes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est motivé par l’absence de garanties de représentation dès lors que l’intéressé n’a pas exécuté de sa propre initiative l’obligation de quitter le territoire français du 2 février 2013, ne dispose pas d’un document d’identité ou de voyage en cours de validité et ne justifie pas d’une résidence permanente effective et avérée sur le territoire français ; qu’il rappelle également le refus d’embarquer opposé le 16 février 2013 et l’absence de moyen de transport immédiat ; qu’il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 ;

8. Considérant en second lieu, que si le motif tiré de ce que l’intéressé n’a pas exécuté de sa propre initiative l’obligation de quitter le territoire français du 2 février 2013 est entaché d’une erreur de fait, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s’il n’avait retenu que les autres motifs, qui étaient de nature à la justifier ; que pour les motifs exposés au point 5, le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 2 mai 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 mai 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de M. M== devant le tribunal et ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.