Vu la requête enregistrée le 5 juillet 2012, présentée pour l’agence régionale de santé de l’Océan indien, représentée par sa directrice générale, et dont le siège est situé 2 bis, avenue Georges Brassens, CS 60050 à Saint-Denis de la Réunion (97408), par Me Holleaux ;

L’agence régionale de santé de l’Océan indien demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1100856 du 19 avril 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion qui a, à la demande du syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien, annulé la note de service du 8 juillet 2011 de la directrice générale fixant à 11,02 euros les frais de tournée applicables aux agents de cette agence ;

2°) de rejeter la demande du syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien présentée devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 ;

Vu le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

Vu le décret n° 2010-337 du 31 mars 2010 ;

Vu la décision n° 339834 du 15 mai 2012 du Conseil d’Etat annulant le décret n° 2010-337 du 31 mars 2010 à compter du 30 novembre 2012 ;

Vu l’arrêté interministériel du 3 juillet 2006 fixant les taux des indemnités de mission prévues à l’article 3 du décret n°2006-781 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 octobre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur ; - les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ; - les observations de Me Maury, substituant Me Holleaux, avocat de l’agence régionale de santé de l’Océan indien ;

1. Considérant que, par une note de service n° 2/2011 du 8 juillet 2011, la directrice générale de l’agence régionale de santé de l’Océan indien a fixé le montant forfaitaire attribué pour un repas pris à l’occasion des frais de tournée des agents de cette agence à 11,02 euros ; que l’agence régionale de santé de l’Océan indien fait appel du jugement du 19 avril 2012 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion qui a annulé, à la demande du syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien, cette note de service ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 811-10 du code de justice administrative : « Devant la cour administrative d'appel, l'Etat est dispensé de ministère d'avocat soit en demande, soit en défense, soit en intervention. Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat. » ; que si, en application de ces dispositions, la directrice générale de l’agence régionale de santé de l’Océan indien n’a pas qualité pour faire appel du jugement du 19 avril 2012, la ministre des affaires sociales et de la santé a, dans son mémoire enregistré le 6 juillet 2012, déclaré s’approprier les conclusions et moyens présentés par l’agence régionale de santé de l’Océan indien tendant à l’annulation de ce jugement ; qu’elle a ainsi régularisé l’appel formé par la directrice générale de l’agence régionale de santé de l’Océan indien, alors même que ce mémoire a été présenté après l’expiration du délai de recours ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1432-2 du code de la santé publique : « Le directeur général de l'agence régionale de santé exerce, au nom de l'Etat, les compétences mentionnées à l'article L. 1431-2 qui ne sont pas attribuées à une autre autorité. Au moins deux fois par an, il rend compte au conseil de surveillance, dont une fois après la clôture de chaque exercice, de la mise en œuvre de la politique régionale de santé et de la gestion de l'agence. Cette communication est rendue publique. Au moins une fois par an, il rend compte à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie de la mise en œuvre de la politique régionale de santé et l'informe des suites qui ont été données à ses avis. Cette communication est rendue publique. Il prépare et exécute, en tant qu'ordonnateur, le budget de l'agence. Il arrête le compte financier. Il arrête le projet régional de santé mentionné à l'article L. 1434-1. Il conclut avec les collectivités territoriales, pour le compte de l'Etat, les conventions prévues aux articles L. 1423-2, L. 3111-11, L. 3112-2 et L. 3121-1 et procède à l'habilitation des organismes mentionnés aux articles L. 3111-11, L. 3112-3 et L. 3121-1 ; l'agence verse aux organismes et collectivités concernés les subventions afférentes, sous réserve de l'article 199-1 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Le directeur général délivre les autorisations mentionnées au chapitre II du titre II du livre Ier de la sixième partie du présent code, ainsi que la licence mentionnée à l'article L. 5125-4. Il peut recruter, sur des contrats à durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels de droit public ou des agents de droit privé régis par les conventions collectives applicables au personnel des organismes de sécurité sociale. (..) Il peut ester en justice. Il représente l'agence en justice et dans tous les actes de la vie civile. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 1432-3 du même code : « I. - Le conseil de surveillance de l'agence régionale de santé (…) approuve le budget de l'agence, sur proposition du directeur général ; il peut le rejeter par une majorité qualifiée, selon des modalités déterminées par voie réglementaire. Il émet un avis sur le plan stratégique régional de santé, le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de l'agence, ainsi qu'au moins une fois par an, sur les résultats de l'action de l'agence. Il approuve le compte financier. Chaque année, le directeur général de l'agence transmet au conseil de surveillance un état financier retraçant, pour l'exercice, l'ensemble des charges de l'Etat, des régimes d'assurance maladie et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie relatives à la politique de santé et aux services de soins et médico-sociaux dans le ressort de l'agence régionale de santé concernée. Il lui transmet également un rapport sur la situation financière des établissements publics de santé placés sous administration provisoire. (…) ; III. - Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret. » ; que ces modalités d’application ont été fixées par le décret du 31 mars 2010 relatif au conseil de surveillance de l’agence régionale de santé, lequel vise d’ailleurs expressément le décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’Etat ; que par sa décision n° 339834 du 15 mai 2012, le Conseil d’Etat n’a annulé ce décret qu’à compter du 30 novembre 2012 ; que par cette même décision, le Conseil d’Etat a également jugé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de cette décision contre les actes pris sur le fondement du décret du 31 mars 2010, les effets produits par ce dernier antérieurement à son annulation doivent être regardés comme définitifs ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 1er du décret précité du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’Etat, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : « Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais de déplacements temporaires des personnels civils à la charge des budgets des services de l'Etat et des établissements publics nationaux à caractère administratif, ainsi que des établissements publics locaux d'enseignement, des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel et des établissements publics à caractère scientifique et technologique. (…) » ; que l’article 2 de ce décret dispose : « Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : (…) 2° Agent en tournée : agent en service outre-mer et qui se déplace à l'intérieur de sa collectivité territoriale d'affectation, mais hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale, et agent en poste à l'étranger et qui effectue un déplacement de service à l'intérieur du pays de sa résidence administrative ou à l'intérieur de sa zone de compétence ; (…) 9° Outre-mer : les départements d'outre-mer, les collectivités d'outre-mer, ainsi que la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises sont désignés dans le présent décret par le terme : " outre-mer ". (…) » ; que selon l’article 3 de ce même décret : « Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre : - à la prise en charge de ses frais de transport sur production des justificatifs de paiement auprès du seul ordonnateur ; - et à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au : 1° Remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas ; 2° Remboursement forfaitaire des frais d'hébergement et, pour l'étranger et l'outre-mer, des frais divers, sur production des justificatifs de paiement de l'hébergement auprès du seul ordonnateur. (…) » ; qu’enfin, aux termes de l’article 7 dudit décret : « (…) Pour l'outre-mer, le barème des taux des indemnités de mission est fixé par le ministre ou par délibération du conseil d'administration de l'établissement dans la limite d'un taux maximal fixé par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'outre-mer. (…) » ;

5. Considérant que pour annuler la note de service contestée de la directrice générale de l’agence régionale de santé de l’Océan indien, les premiers juges ont relevé qu’il résultait des dispositions réglementaires précitées que, pour les établissements publics de l’Etat situés outre-mer, à savoir au sein d’un département d’outre-mer, d’une collectivité d’outre-mer des Terres Australes et Antarctiques françaises ou en Nouvelle Calédonie, comme l’agence régionale de santé de l’Océan indien, le barème des taux des indemnités de mission et de tournée doit être fixé, dans la limite d’un taux maximal fixé par arrêté interministériel, par délibération du conseil d’administration ou de surveillance ; qu’ils en ont déduit que la circonstance que la décision contestée ait été adoptée sans qu’une délibération du conseil de surveillance ne soit préalablement intervenue doit la faire regarder comme ayant été adoptée par une autorité incompétente ; 6. Considérant que la ministre des affaires sociales et de la santé soutient que ce faisant, les premiers juges ont entaché leur jugement d’une erreur de droit dès lors que la fixation du montant des frais de tournées ne peut se rattacher, même indirectement, à aucune des compétences générales du conseil de surveillance figurant à l’article L. 1432-3 du code de la santé publique, qu’eu égard à son rôle d’instance de surveillance et d’orientation stratégique, le conseil de surveillance n’a pas vocation à intervenir dans la gestion quotidienne des agences régionales de santé et qu’il revient au seul directeur général, en vertu de ses pouvoirs généraux qu’il tient de l’article L. 1432-2 du code de la santé publique et de sa qualité de chef de service, de déterminer le montant des frais de tournée applicables aux personnels placés sous son autorité ;

7. Considérant que les agences régionales de santé sont dotées d’un conseil de surveillance et dirigées par un directeur général ; que si le directeur général de l’agence régionale de santé, établissement public de l’Etat à caractère administratif, prépare et exécute, en tant qu’ordonnateur, le budget de celle-ci, il revient au seul conseil de surveillance d’approuver ce budget sur proposition du directeur général, lequel ne siège au conseil de surveillance qu’avec voix consultative ; qu’en vertu de l’article D. 1432-25 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 31 mars 2010, tout comme d’ailleurs dans celle issue du décret n° 2012-1286 du 22 novembre 2012 relatif aux conseils de surveillance des agences régionales de santé intervenu à la suite de l’annulation du décret du 31 mars 2010 par le Conseil d’Etat, le directeur général de l’agence régionale de santé adresse au président du conseil de surveillance les documents relatifs à l’élaboration, la mise en œuvre, l’évaluation et la révision du plan stratégique régional de santé ainsi qu’au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’agence et nécessaires à l’exercice des missions du conseil ; que le conseil de surveillance approuve le compte financier ; que le directeur général rend compte au conseil de surveillance au moins deux fois par an dont une fois après la clôture de l’exercice, de la mise en œuvre de la politique régionale de santé et de la gestion de l’agence ; qu’en application de l’article D. 1432-26 du même code, les délibérations relatives au budget de l’agence et à ses modifications sont exécutoires à l'issue d'un délai de quinze jours à compter de leur réception par les ministres chargés de la santé, de l'assurance maladie, des personnes âgées et des personnes handicapées, sauf opposition de l'un d'entre eux dans ce délai ainsi que le prévoit l’article R. 1432-56 dudit code ; qu’ainsi, le conseil de surveillance est doté d’un réel pouvoir budgétaire et doit, dans ces conditions, être regardé comme bénéficiant des mêmes prérogatives qui, dans d’autres établissements publics de l’Etat, sont confiées au conseil d’administration ; que ni les pouvoirs que détient le directeur général de l’agence en vertu de l’article L. 1432-2 du code de la santé publique à la suite de l’intervention de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, ni sa qualité de chef de service, n’ont pour effet de priver le conseil de surveillance de sa compétence à déterminer, par ses délibérations, le montant des recettes et des dépenses de l’agence au nombre desquelles figurent les frais de tournée applicables aux personnels de l’agence conformément aux dispositions du décret du 3 juillet 2006, lequel a vocation à s’appliquer à l’ensemble des personnels civils de l’Etat ; que, par suite, et alors même que les dispositions de l’article L. 1432-3 du code de la santé publique ne font état d’aucune compétence particulière du conseil de surveillance en matière de détermination des frais de déplacement, la fixation du montant forfaitaire attribué aux agents d’une agence régionale de santé pour un repas pris à l’occasion des frais de tournée se rattache, par ses implications en terme de dépenses restant à la charge de l’agence, aux compétences particulières dévolues au conseil de surveillance dans l’approbation du budget et de ses modifications et devait, comme telle, être adoptée par le conseil de surveillance de l’agence ; que, dès lors, la ministre des affaires sociales et de la santé n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, à la demande du syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien, annulé la note de service contestée en tant qu’elle émanait d’une autorité administrative incompétente ; 8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser au syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre des affaires sociales et de la santé est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera au syndicat CGT des personnels des affaires sanitaires et sociales de l’Océan Indien la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.