Vu la requête enregistrée le 14 septembre 2012, présentée par Me Bembaron pour la Selarl Pharmacie du Commerce dont le siège est 2 rue Dodos à Saint-Paul (97434) ;

La Selarl Pharmacie du Commerce demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900902 du 10 juillet 2012 en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a jugé que l’annulation de l’arrêté du préfet de la Réunion du 10 février 2009 autorisant la Selarl Pharmacie du Lagon à transférer son officine du 26 rue Antoine de Bertin au 1 rue Macabit dans le quartier de Saint-Gilles à Saint Paul et de la décision du ministre de la santé du 12 juin 2012 rejetant son recours hiérarchique prendra effet dans un délai de quatre mois à compter de la notification de son jugement;

2°) de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ; - les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ; - les observations de Me Bembaron, avocat de la Selarl Pharmacie du Commerce ; - les observations de Me Simon, pour la Scp Sapone et Blaesi, conseil de la Selarl Pharmacie du Lagon ;

1. Considérant que par un arrêté du 10 février 2009, le préfet de la Réunion a autorisé Mme H== et Mme T==, en qualité de pharmaciens exerçant au sein de la Selarl dénommée « Pharmacie du Lagon », à transférer leur office ayant pour enseigne « Pharmacie du Lagon » du n° 36 rue Antoine Bertin, la Saline les Bains, au n° 1 rue Macabit, la Saline les Bains, à Saint Gilles les Bains (commune de Saint Paul) ; qu’à la suite à la décision du ministre de la santé du 12 juin 2009 rejetant son recours gracieux contre l’autorisation du 10 février 2009, la Selarl Pharmacie du Commerce, qui exploite une officine à proximité du lieu d’implantation projeté, a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ; que par un jugement du 10 juillet 2012, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé les décisions susvisées du préfet de la Réunion et du ministre chargé de la santé, mais a décidé que cette annulation prendrait effet dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement ; que la Selarl Pharmacie du Commerce relève partiellement appel de ce jugement en tant que le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a modulé dans le temps les effets de son annulation ;

Sur l’étendue du litige :

2. Considérant qu’à la suite des désistements de la Selarl Pharmacie du Lagon de ses requêtes enregistrées sous les n°12BX02241 et 12BX02373 tendant à l’annulation du même jugement et à ce qu’il soit sursis à son exécution, dont il a été donné acte par une ordonnance du président de la 2ème chambre de la cour en date du 2 septembre 2013, la Selarl Pharmacie du Commerce a expressément maintenu sa requête d’appel ; que dès lors, il y a lieu d’y statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant que l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ; que, toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation ; qu’il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine ;

4. Considérant que contrairement à ce que soutient la Selarl Pharmacie du Commerce, les principes jurisprudentiels ci-dessus mentionnés sont susceptibles de s’appliquer tant aux actes réglementaires qu’aux actes individuels ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’annulation rétroactive de l’autorisation de transfert du 10 février 2009 ne présentait pas des conséquences manifestement excessives tant au regard de la situation de la Selarl Pharmacie du Lagon, qui pouvait être indemnisée du fait de l’illégalité de la décision annulée, qu’au regard de l’intérêt général pouvant s’attacher au maintien temporaire des effets de l’autorisation de transfert accordée, dès lors que la desserte du quartier en médicaments était déjà assurée par une officine ; qu’en contrepartie, une limitation dans le temps des effets de l’annulation pour permettre à l’autorité administrative de se prononcer à nouveau sur la demande d’autorisation de transfert de la Selarl Pharmacie du Lagon méconnaît le principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif ; que par suite, c’est à tort que les premiers juges ont décidé de maintenir à titre exceptionnel et temporairement l’autorisation de transfert dans l’ordonnancement juridique, permettant ainsi à l’administration de se prononcer à nouveau sur la demande présentée par la Selarl Pharmacie du Lagon ; que, dès lors, la Selarl Pharmacie du Commerce est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a modulé dans le temps les effets de l’annulation des décisions en litige ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Selarl Pharmacie du Commerce, qui n’a pas la qualité de partie perdante, la somme que demande la Selarl Pharmacie du Lagon au titre des frais qu’elle a exposés, non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche, par application de ces dispositions, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Selarl Pharmacie du Commerce sur le même fondement ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 10 juillet 2012 est annulé en tant qu’il a modulé dans le temps les effets de l’annulation de l’arrêté du préfet de la Réunion du 10 février 2009 autorisant la Selarl Pharmacie du Lagon à transférer son officine du 26 rue Antoine de Bertin au 1 rue Macabit dans le quartier de Saint-Gilles, à Saint Paul, et de la décision du ministre de la santé du 12 juin 2009 rejetant son recours hiérarchique.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à la Selarl Pharmacie du Commerce au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Selarl Pharmacie du Lagon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.