Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2012 sous forme de télécopie et régularisée le 3 mai 2012, présentée pour M. J== T==, ;

M. T== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°0904130 du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit accordée la restitution de sa cotisation primitive d'impôt sur le revenu qu'il a acquittée au titre de l'année 2006 ;

2°) de prononcer la restitution de l’imposition contestée et le remboursement des sommes versées assorties de l’intérêt moratoire à compter de la date de leur versement ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013 : - le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ; - les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lollainville, rapporteur public ; - les observations de Me Le Scouezec, avocat de M. T== ;

1. Considérant que M. T== fait appel du jugement en date du 6 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la restitution de la cotisation d’impôt sur le revenu qu’il a acquittée au titre de l’année 2006 ; que, pour demander cette restitution, M. T== demande que soit prise en compte, en déduction des salaires qu’il a perçus au titre de cette année, la somme de 131 497,23 euros qu’il dit avoir dû payer en exécution d’un engagement de caution qu’il a souscrit en 1996 en tant que dirigeant de la société T== ;

Sur le bien fondé de l’imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut (…) sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu » ; qu’aux termes de l’article 83 du même code : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés (…) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. (…) Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels (…) » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. T== a constitué en 1992 la société T==, société de courtage et assurance et réassurance dont il était le président directeur-général et qui s’est vue confier par plusieurs compagnies d’assurance, dont la société La Concorde devenue par la suite la société Generali France Assurances, le mandat d’encaisser en leur nom et pour leur propre compte les primes d’assurance auprès des assurés, les primes ainsi collectées étant reversées aux compagnies d’assurances au plus tard à l’expiration du mois de leur encaissement après prélèvement par la société T== des commissions contractuellement prévues ; que la société T== ayant conservé des primes d’assurance qu’elle aurait dû reverser à la société La Concorde et procédé à des rétentions de franchise au détriment de cette société, M. T==, ainsi que son épouse et ses parents, se sont portés caution en juin 1996 du règlement de la dette de la société T== envers la société La Concorde, dont le montant total a été fixé à 3 857 778, 45 Francs ; que la société T== a été mise en liquidation judiciaire en 1997 ; que M. T== a fait l’objet de poursuites pénales qui ont abouti à un jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 16 décembre 1999, confirmé par un arrêt de la cour d’appel du 12 juin 2001, le condamnant, d’une part, à une peine de dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis pour abus de confiance, d’autre part, à payer à la compagnie La Concorde devenue Generali France Assurances, qui s’était constituée partie civile, la somme de 2 074 141 Francs correspondant aux seules primes d’assurance encaissées et non reversées ; que M. T== établit, par les pièces qu’il produit, qu’il a acquitté au cours de l’année 2006, en exécution d’un acte de saisie sur salaires du 15 juin 2006 et d’un procès-verbal de saisie-attribution du 27 janvier 2006 pris en vue d’assurer l’exécution des décisions de justice qui viennent d’être mentionnées, la somme de 131 497,23 euros ;

4. Considérant que si, ainsi qu’il vient d’être dit et contrairement à ce qu’affirme M. T==, la somme de 131 497,23 euros n’a pas été acquittée en exécution de l’engagement de caution souscrit en juin 1996 mais de la condamnation judiciaire au titre des intérêts civils rappelée ci-dessus, elle est susceptible de venir en déduction de ses revenus de l’année litigieuse, en vertu des dispositions précitées des articles 13 et 83 du code général des impôts, à condition que les faits à l’origine de cette condamnation se rattachent directement à la qualité de dirigeant de l’intéressé, qu’ils aient été commis en vue de servir les intérêts de l’entreprise et que les conséquences pécuniaires en résultant n’aient pas été hors de proportion avec les rémunérations dont il bénéficiait alors ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des décisions de justice précitées, que les faits à raison desquels M. T== a été condamné à payer la somme de 2 074 141 Francs mentionnée ci-dessus ont été commis alors qu’il était président directeur-général de la société T== et se rattachent à son activité de dirigeant salarié ; qu’il ressort de ces mêmes décisions, éclairées par les autres documents versés au dossier, que les faits qui sont à l'origine de la condamnation civile prononcée par le juge pénal ont consisté en des pratiques de cavalerie par l’emploi de primes d’assurances encaissées mais non reversées aux mandants en vue de procurer de la trésorerie à la société T==, laquelle était fortement endettée ; que, s’il est vrai que M. T== a commis de graves erreurs de gestion qui expliquent cet endettement, les pratiques dont il s’agit, dont il ne résulte pas de l’instruction qu’elles auraient abouti à un enrichissement personnel de l’intéressé, ont eu pour objet, en dépit de leur caractère délictueux, de servir les intérêts de l’entreprise et par là d’assurer la conservation des revenus salariaux que procurait celle-ci à l’intéressé ; que, compte tenu des salaires que percevait M. T== au cours des années où ces pratiques ont été commises, soit 480 000 Francs par an (73 175 euros), la somme de 131 497,23 euros dont il demande la déduction au titre de l’année 2006 ne peut être regardée comme disproportionnée ; que l’administration ne peut utilement faire valoir que l’engagement de caution n’a pas été souscrit seulement par M. T== mais aussi par des membres de sa famille dès lors, en tout état de cause, que, ainsi qu’il a été dit, la somme litigieuse de 131 497,23 euros a été versée en exécution de condamnations judiciaires ; que, par suite, cette somme doit venir en déduction du montant brut des salaires déclarés par l’intéressé au titre de l’année 2006 ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. T== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’allocation des intérêts moratoires :

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales : «(…) quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires (…) » ;

8. Considérant qu'en application des articles L. 208 et R. 208-1 du livre des procédures fiscales, les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du même livre sont payés d'office en même temps que les sommes remboursées par le comptable ; qu’en l’absence de litige né et actuel avec le comptable chargé de la restitution des sommes dues en exécution du présent arrêt, les conclusions de M. T== tendant à l’allocation des intérêts moratoires sur ces sommes ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 6 mars 2012 est annulé.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu auquel M. T== a été assujetti au titre de l'année 2006 seront établies en déduisant du montant brut des salaires déclarés la somme de 131 497,23 euros.

Article 3 : Il est accordé à M. T== la restitution des droits d’impôt sur le revenu afférents à la réduction en base visée à l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : L’Etat versera à M. T== la somme de 1 500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.