Vu la décision n° 352798 du 10 octobre 2012, enregistrée au greffe de la cour sous le n° 12BX02704, par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux, d’une part, a annulé l’arrêt n° 10BX00679 du 7 avril 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement n° 0702537 du 5 janvier 2010 du tribunal administratif de Pau en tant qu’il annulait la décision du préfet du Gers du 8 novembre 2007 portant déchéance partielle des droits de Mme Angela T-H==résultant du contrat territorial d’exploitation signé par son époux le 15 janvier 2002 en ce que cette déchéance portait sur l’engagement concernant les haies et rejeté la demande de première instance, d’autre part, a renvoyé l’affaire devant la cour ;

Vu le recours, enregistré par télécopie le 8 mars 2010 et régularisée par courrier le 11 mars 2010, présenté par le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

Le ministre demande à la cour d’annuler le jugement n° 0702537 du 5 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du préfet du Gers du 8 novembre 2007 portant déchéance partielle des droits de Mme T-H==résultant du contrat territorial d’exploitation signé par son époux le 15 janvier 2002, en ce que cette déchéance portait sur l’engagement concernant les haies ;


Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le règlement (CE) n° 3887/92 de la Commission du 23 décembre 1992 modifié par le règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 ;

Vu le règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission du 29 avril 2004 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 22 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Béatrice Duvert, premier conseiller ; - les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ; - et les observations de Me Bach, avocat de Mme T-H==;

1. Considérant que M. H==, qui exerce l’activité d’éleveur de porcs et de volailles, a conclu, le 15 janvier 2002, un contrat territorial d’exploitation pour la période allant du 1er février 2002 au 31 janvier 2007 ; que ce contrat a été modifié par avenant du 6 décembre 2006 pour tenir compte de la cession totale de l’exploitation par M. H== au profit de son épouse, Mme T-H==; qu’à la suite d’une procédure de contrôle sur place, le préfet du Gers a, par une décision du 2 août 2007, rapportée et remplacée par une décision du 8 novembre 2007, prononcé la déchéance partielle des droits que Mme T-H==tirait de son contrat territorial d’exploitation, au motif du non-respect par cette dernière de certains de ses engagements contractuels ; que statuant sur la demande de Mme Thiele-H==, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision du préfet du Gers du 8 novembre 2007 en tant que la déchéance des droits contractuels portait sur l’engagement relatif à l’entretien des haies ; que la présente cour a annulé ce jugement par arrêt du 7 avril 2011 ; que, toutefois, par une décision du 10 octobre 2012, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a annulé l’arrêt précité du 7 avril 2011 et renvoyé l’affaire devant la cour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que dans son jugement, le tribunal administratif, après avoir cité l’article 7 ter du règlement (CE) n° 3887/1992 de la Commission du 23 décembre 1992, repris par l’article 17 du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001, a estimé que, alors même que le centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) n’a pas l’obligation, avant un contrôle sur place, d’informer l’exploitant de sa visite, il ne résultait pas des dispositions précitées qu’un tel contrôle puisse se dérouler en l’absence de l’exploitant ; que, par suite, le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche n’est pas fondé à soutenir que le jugement serait, sur ce point, entaché d’une insuffisance de motivation ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 311-3 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat territorial d’exploitation en cause : « Toute personne physique ou morale exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 peut souscrire avec l'autorité administrative un contrat territorial d'exploitation qui comporte un ensemble d'engagements portant sur les orientations de la production de l'exploitation, l'emploi et ses aspects sociaux, la contribution de l'activité de l'exploitation à la préservation des ressources naturelles, à l'occupation de l'espace ou à la réalisation d'actions d'intérêt général et au développement de projets collectifs de production agricole. / Le contrat territorial d'exploitation a pour objectif d'inciter les exploitations agricoles à développer un projet économique global qui intègre les fonctions de l'agriculture mentionnées à l'article 1er de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole. / Le contrat territorial d'exploitation concerne l'ensemble de l'activité de l'exploitation agricole. Il définit la nature et les modalités des prestations de l'Etat et les engagements de l'exploitant qui en constituent la contrepartie. (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 311-1 du même code : « Le contrat territorial d'exploitation, qui porte, conformément à l'article L. 311-3, sur l'ensemble de l'activité de l'exploitation, comprend nécessairement deux parties, décrivant respectivement : / 1° Les engagements de l'exploitant dans le domaine économique et de l'emploi, en faveur notamment de la création ou de la diversification d'activités agricoles, de l'innovation et du développement de filières de qualité ; / 2° Les engagements de l'exploitant dans le domaine de l'aménagement et du développement de l'espace rural et de l'environnement, en vue notamment de lutter contre l'érosion, de préserver la qualité des sols, les eaux, la nature et les paysages. / Il détermine les modalités des aides publiques accordées en contrepartie des engagements pris, notamment leur montant. (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 341-15 dudit code : « L'exploitant est tenu de respecter ses engagements pendant la totalité de la durée du contrat, sous réserve du délai spécial prévu pour l'engagement de maintien de l'emploi au 2° de l'article R. 341-9. / Lorsque le titulaire d'un contrat territorial d'exploitation ne se conforme pas à l'un de ses engagements ou fait une fausse déclaration, les subventions prévues au contrat sont suspendues, réduites ou supprimées dans les conditions prévues à l'article 48 du règlement (CE) n° 1750/1999 de la Commission du 23 juillet 1999. / (…) » ; qu’à la date du contrôle du contrat territorial d’exploitation en cause, ce règlement avait été remplacé par le règlement (CE) n° 445/2002 de la Commission du 26 février 2002, lui-même abrogé par le règlement (CE) n° 817/2004 de la Commission du 29 avril 2004 ; que l’article 69 de ce dernier règlement dispose : « Les contrôles sur place s’effectuent conformément au titre III du règlement (CE) n° 2419 /2001. (…) » ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 15 du règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 , applicable au litige : « Les contrôles administratifs et les contrôles sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides. » ; qu’aux termes de l’article 17 du même règlement : « 1. Les contrôles sur place sont effectués de manière inopinée. Un préavis limité au strict nécessaire peut toutefois être donné, pour autant que cela ne nuise pas à l’objectif du contrôle. Ce préavis ne dépasse pas 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés. (…) 3. La demande ou les demandes concernées sont rejetées si l’exploitant ou son représentant empêche la réalisation du contrôle sur place. » ;

5. Considérant qu’il ne résulte pas des dispositions précitées, ni d’aucune autre disposition, que les agents effectuant, de manière inopinée, des contrôles sur place des exploitations agricoles seraient dotés d’un droit leur permettant de pénétrer dans lesdites exploitations, qui sont des propriétés privées, en l’absence de l’exploitant ou de son représentant pour autoriser cette entrée ; que si le ministre chargé de l’agriculture fait valoir que l’exploitant peut ainsi empêcher, par son absence volontaire de l’exploitation, la réalisation du contrôle sur place, une telle situation est sanctionnée, en vertu du 3. précité de l’article 17 du règlement du 11 décembre 2001, par le rejet de la demande d’aide ;

6. Considérant que si Mme T-H==était présente lors de la première visite de contrôle sur place effectuée le 20 décembre 2006 sur son exploitation par un contrôleur du centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, il est constant qu’elle était absente lors de la seconde visite de cet agent, qui a eu lieu le 19 février 2007 ; qu’il ressort des pièces du dossier, et en particulier des comptes-rendus établis à la suite des deux visites sur place, ainsi que de la note du directeur départemental de l’agriculture et de la forêt du Gers en date du 5 septembre 2007 produite en appel, que le défaut d’entretien des haies par Mme Thiele H==, en méconnaissance de ses obligations contractuelles, a été sanctionné par le préfet du Gers sur la base des constats initiés le 20 décembre 2006 et précisés, notamment en ce qui concerne l’entretien dans l’îlot 3 de 140 mètres linéaires de haie sur un seul côté, le 19 février 2007 ; que, par suite, et ainsi que l’a jugé à juste titre le tribunal, la décision de sanction litigieuse, qui est partiellement fondée sur les opérations irrégulières de contrôle du 19 février 2007, est entachée d’illégalité ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a partiellement fait droit à la demande de Mme T-H==;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que Mme T-H==a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Bach, avocat de Mme Thiele H==, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera à Me Bach, avocat de Mme Thiele-H==, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 37, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.