Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2013 par télécopie, régularisée le 4 avril 2013, présentée pour M. M== L==, , par Me Laspalles, avocat ;

M. L== demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1203816 du 19 mars 2013 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 23 juillet 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d’annuler l’arrêté attaqué ;

3°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;


Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le traité signé le 25 avril 2005, relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, notamment l’annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d’admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, ensemble la loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 en autorisant la ratification ;

Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ; - les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que M. L==, de nationalité roumaine, relève appel du jugement n° 1203816 du 19 mars 2013 du tribunal administratif de Toulouse rejetant sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 23 juillet 2012 par lequel le préfet de la Haute-Garonne, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

Sur l’admission à l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Considérant que, par décision du 16 mai 2013, le bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a accordé à M. L== le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale ; que, par suite, sa demande tendant à ce qu’il soit admis provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle est devenue sans objet ;

Sur l’obligation de quitter le territoire français :

3. Considérant d’une part, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / 3° S'il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle, et garantit disposer d'une assurance maladie ainsi que de ressources suffisantes pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 5° afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale ; / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3°. » ; qu’aux termes de l’article L. 121-4 du même code : « Tout citoyen de l’Union européenne, (…) ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d’un droit au séjour en application de l’article L. 121-1 ou de l’article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l’ordre public peut faire l’objet, selon le cas, d’une décision de refus de séjour, d’un refus de délivrance ou de renouvellement d’une carte de séjour ou d’un retrait de celle-ci ainsi que d’une mesure d’éloignement prévue au livre V » ; qu’aux termes de l’article L. 121-4-1 : « Tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale, les citoyens de l'Union européenne, les ressortissants d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l'article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l'entrée sur le territoire français. » ;

4. Considérant d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, issu de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité: « L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; 2° Ou que son séjour est constitutif d'un abus de droit. Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale (…) L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (…) » ; que pour l’application de ces dispositions, qui constituent la transposition de la directive 2004/38/CE et ne sont pas incompatibles avec elle ni ne méconnaissent l’article 21 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour les motifs retenus par le tribunal administratif et qu’il y a lieu d’adopter, l’administration peut tenir compte du comportement de l’étranger sur une longue durée, y compris commençant avant la loi du 16 juin 2011 ;

5. Considérant que M. L== est entré en France une première fois en 2009 à une date indéterminée et a bénéficié sur sa demande d’une aide au retour dans son pays d’origine le 7 avril 2009 ; qu’entre 2009 et 2012, il a effectué plusieurs allers et retours entre la France et la Roumanie où il a notamment été reconduit d’office en août 2010 ; qu’il a fait l’objet le 15 février 2012 d’un contrôle par les services de police, ainsi que d’une décision lui faisant obligation de quitter le territoire notifiée le même jour ; que le 23 juillet 2012, il a été entendu par les services de police à la suite d’un contrôle d’identité ; que M. L== soutient sans être sérieusement contredit qu’il a quitté la France entre le 15 février 2012 et le 23 juillet 2012, date de l’arrêté attaqué ,et qu’à cette date, il séjournait en France depuis moins de trois mois, ce que le préfet avait au demeurant admis dans son mémoire enregistré au tribunal administratif le 7 novembre 2012 ; que, dès lors, M. L== doit être regardé comme résidant en France depuis moins de trois mois à la date de l’arrêté attaqué ;

6. Considérant que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, il ressort de l’arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne a constaté que M. L== ne pouvait se maintenir sur le territoire ni sur le fondement des dispositions applicables aux ressortissants d’un Etat membre séjournant depuis plus de trois mois, ni sur le fondement de celles applicables à ceux résidant depuis moins de trois mois, et a visé tant le 1° que le 2° de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; qu’il résulte de ce qui vient d’être dit sur la durée de séjour de M. L== que, pour se fonder sur le 1° de l’article L.511-3-1, le préfet ne pouvait pas retenir qu’il ne remplissait plus les conditions pour un maintien de son droit au séjour plus de trois mois, mais devait alors démontrer qu’il constituait une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale ;

7. Considérant que lors de son audition par les services de police le 23 juillet 2012, M. L== qui bénéficie d’une domiciliation grâce à la Croix rouge française, a déclaré n’exercer aucune activité professionnelle, dormir dans la rue et utiliser la « cantine » d’associations et ne bénéficier d’aucune ressource particulière autre que celles tirées de la mendicité ; qu’il avait également déclaré, lors de son audition précédente du 12 novembre 2009, ne pas disposer d’autres ressources que celles que lui procurent la mendicité, ainsi que l’aide de certaines associations humanitaires ; que M. L==, qui ne fait état d’aucun élément de nature à infirmer ses propres déclarations, souligne sans être contredit qu’il n’a demandé le versement d’aucune allocation ; que si le préfet a fait mention dans l’arrêté attaqué de l’aide d’associations humanitaires, il résulte des dispositions de l’article R. 121-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile selon lesquelles : « La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour » que les aides, au demeurant non évaluées en l’espèce, de telles associations ne peuvent être retenues ; qu’ainsi M. L== est fondé à soutenir que c’est à tort que le préfet a implicitement estimé qu’il constituait une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale et s’est fondé sur le 1° de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour lui faire obligation de quitter le territoire français ;

8. Considérant toutefois que, pour prendre l’arrêté contesté, le préfet de la Haute-Garonne s’est également fondé, au regard des déclarations de M. L== affirmant être entré sur le territoire quinze jours auparavant, sur les dispositions du 2° de l’article L. 511-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et a considéré sa présence sur le territoire comme constitutive d’un abus de droit pour avoir renouvelé des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois ; qu’il résulte de la chronologie des séjours de M. L==, comme de ses déclarations, qu’un tel motif pouvait légalement lui être opposé ; qu’il ressort des termes de l’arrêté, que, comme il l’a soutenu dans le mémoire enregistré au tribunal administratif le 7 novembre 2012, le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif ; qu’au regard de la répétition et du rapprochement dans le temps de ses derniers séjours, M. L== n’est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait à tort admis que le renouvellement de ses séjours en France était constitutif d’un abus de droit ; que dans ces conditions, M. L==, qui au demeurant ne remplissait pas les conditions pour se maintenir en France plus de trois mois faute de ressources suffisantes, ne peut utilement faire valoir que la date exacte de ses entrées en France et la durée précise de ses séjours ne sont pas établies ;

9. Considérant qu'au soutien des autres moyens selon lesquels la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d’une motivation insuffisante et de défaut d’examen de sa situation personnelle, et méconnaît l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ainsi que l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, M. L== ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif, qui a notamment rappelé que selon ses propres déclarations, son épouse, ses cinq enfants et sa mère résident en Roumanie ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ;

10. Considérant que les conditions d’entrée et de séjour en France des ressortissants de l’Union européenne sont régies par les dispositions du titre II du livre 1er du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, par suite, M. L==, de nationalité roumaine, ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du 7° de l’article L. 313-11 de ce code, qui ne s’appliquent pas aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne ;

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de renvoi :

11. Considérant qu'au soutien des moyens selon lesquels la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours est entachée d’une motivation insuffisante, de défaut de base légale, d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation et méconnaît l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, M. L== ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas la réponse qui leur a été apportée par le tribunal administratif ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ; qu’il en est de même du moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi n’est pas légalement motivée ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. L== n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant que les dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l’avocat de M. L== de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’admission provisoire de M. L== au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. L== est rejeté.