Vu, I, sous le n° 13BX00963, la requête enregistrée le 5 avril 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 11 avril 2013, présentée pour la SA Port-Médoc dont le siège social est situé parc d’activités de Laurade, Saint-Etienne-du-Gers, BP 206 à Tarascon (13156) par Me Piétra ;

La SA Port-Médoc demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1003109 en date du 31 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la résiliation de quatre contrats de garantie d’usage de postes d’amarrage et de mouillage de longue durée conclus entre M. P== et la société requérante et l’a condamnée à verser à M. P== la somme de 117 000 euros à titre d’indemnité de résiliation des contrats de garantie et 20 994 euros correspondant à la somme dont M. P== avait été privé du fait de l’occupation irrégulière de deux postes d’amarrage pour lesquels il bénéficiait d’une garantie d’usage ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. P== devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. P== la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des ports maritimes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 octobre 2013 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ; - les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ; - les observations de Me Pietra, avocat de la SA Port-Médoc ; - et les observations de Me Dirou, avocat de M. P== ;

1. Considérant que le district de la Pointe du Médoc, devenu communauté de communes de la Pointe du Médoc, a délégué en 2001, par contrat, selon le régime de la concession, la construction et la gestion du port de plaisance du Verdon-sur-Mer à la société Guintoli Marine devenue la SA Port-Médoc ; qu’en vertu des stipulations de ce contrat et des dispositions de l’article R. 631-4 du code des ports maritimes, le concessionnaire du port a conclu en 2004 avec M. P== cinq contrats « de garantie d’usage d’un poste d’amarrage ou de mouillage de longue durée » ; que selon ces contrats, M. P== bénéficiait de l’accès à cinq emplacements et devait, en contrepartie, verser une redevance forfaitaire pour chacun de ces postes d’amarrage et contribuer à acquitter les charges d’entretien et de fonctionnement des installations portuaires ; qu’en 2004, les mêmes parties concluaient un avenant n° 1 à chacun de ces contrats ; que ces avenants avaient pour objet de confier au concessionnaire, pour la durée d’une année renouvelable par tacite reconduction, le soin de louer les emplacements, M. P== devant alors bénéficier d’un reversement d’une partie des recettes encaissées par le concessionnaire ; qu’à la suite de désaccords relatifs à l’exécution de ces contrats et les avenants n° 1 étant expirés, M. P== a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l’annulation de quatre des contrats initiaux, la condamnation de la SA Port-Médoc à lui payer la somme de 141 821 euros correspondant aux redevances forfaitaires qu’il avait versées pour la location des quatre emplacements concernés ainsi que la somme de 44 957,25 euros au titre de préjudices financiers qu’il estimait avoir subis du fait de la mauvaise exécution de ces contrats par le concessionnaire; que par jugement du 31 décembre 2012 le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé la résiliation des quatre contrats en cause à compter de la date d’expiration des avenants, c’est-à-dire la résiliation des contrats dans leur rédaction initiale non modifiée par avenant, a condamné la SA Port-Médoc à verser à M. P== la somme de 117 000 euros à titre d’indemnité de résiliation et 20 994 euros au titre des autres préjudices subis ; que la SA Port-Médoc, par les requêtes n°s 13BX00963 et 13BX00964, demande respectivement l’annulation et le sursis à exécution du jugement ; que ces requêtes étant dirigées contre un même jugement et ayant fait l’objet d’une même instruction, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la requête n° 13BX00963 tendant à l’annulation du jugement :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sont portées devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (…) » ; que l’article R. 631-4 du code des ports maritimes dispose que : « La disposition privative de postes à quai destinée à des navires de plaisance ne peut être consentie pour une durée supérieure à un an, renouvelable chaque année dans les conditions définies par l’autorité compétente. / (…) Il peut être accordé des garanties d’usage de postes d’amarrage ou de mouillage pour une durée maximale de trente cinq ans, en contrepartie d’une participation au financement d’ouvrages portuaires (…) » ;



3. Considérant que les contrats de garantie d’usage de postes d’amarrage ou de mouillage de longue durée dont M. P== demande l’annulation ont pour objet l’occupation du domaine public maritime et ont été conclus par la SA Port-Médoc, concessionnaire du port de plaisance du Verdon sur-Mer ; que ces contrats entrent donc dans le champ d’application des dispositions précitées de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, par suite, le présent litige, ainsi que l’a jugé le tribunal administratif, relève de la compétence de la juridiction administrative ;

En ce qui concerne la résiliation des contrats de garantie d’usage et l’indemnité de résiliation:

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que par lettres en date du 22 juin 2010 la SA Port-Médoc a informé M. P== de ce que les avenants n° 1 aux contrats de garantie d’usage d’un poste d’amarrage dont il bénéficiait ne seraient pas renouvelés à leur date d’expiration ; que par ces courriers, la SA Port-Médoc a proposé à M. P== la signature d’avenants n° 2 reprenant les mêmes stipulations que celles qui figuraient dans les avenants n° 1 relatives à la mise à disposition du concessionnaire des postes d’amarrage pour qu’il en assure la location ; que les projets d’avenants n° 2 comprenaient également une dernière clause par laquelle « les parties se déclarent mutuellement remplies de leurs droits et renoncent irrévocablement à toute instance et action l’une envers l’autre relative à toute réclamation quelconque pour la période s’étendant de l’année 2003 à la date anniversaire d’expiration de l’avenant n° 1 » ;



5. Considérant que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a estimé que compte tenu du caractère léonin de la clause de renonciation à tout recours juridictionnel figurant dans les propositions d’avenants n° 2, M. P== avait pu légitimement refuser de signer ces nouveaux avenants ; qu’il a également estimé que la « situation en résultant », qui contraignait M. P== à louer lui-même ses quatre postes d’amarrage alors que le concessionnaire s’était initialement engagé à chercher des locataires et que l’article 8 des contrats stipule que les garanties d’usage ne peuvent faire l’objet d’aucune location directe de la part de M. P==, avait rompu l’équilibre financier des contrats ; que le tribunal administratif en a conclu que « la faute ainsi commise par la SA Port Médoc est suffisamment grave pour justifier la résiliation des contrats à ses torts » et a condamné la SA Port-Médoc à verser à M. P== la somme de 117 000 euros à titre d’indemnité de résiliation ;

6. Considérant, toutefois, que les propositions d’avenants n° 2, que M. P== avait la faculté de refuser, comme il l’a d’ailleurs fait, ne constituaient pas une méconnaissance par la SA Port Médoc de ses obligations contractuelles ; que dans ces conditions, a fortiori, ces propositions ne pouvaient pas être regardées comme une faute contractuelle suffisamment grave pour justifier une résiliation des contrats ; que, par suite, c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé pour ce motif la résiliation des quatre contrats en cause ;

7. Considérant, dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, que, ainsi qu’il a été dit ci dessus, les propositions d’avenants n° 2 n’ont pas constitué des fautes contractuelles susceptibles de justifier la résiliation des contrats ; que, par suite, les conclusions de M. P== tendant à la résiliation des quatre contrats et à son indemnisation au titre cette résiliation doivent être rejetées ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA Port-Médoc est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé la résiliation desdits contrats et a condamné la SA Port-Médoc à verser à M. P== la somme de 117 000 euros à titre d’indemnité de résiliation ; qu’il y a lieu d’annuler le jugement dans cette mesure ;

En ce qui concerne la condamnation de la SA Port-Médoc à verser la somme de 20 994 euros à M. P== :

9. Considérant que par le jugement attaqué le tribunal administratif a estimé que deux postes d’amarrage pour lesquels M. P== bénéficiait d’une garantie d’usage avaient fait l’objet d’une occupation irrégulière en 2005 et 2006 pour le premier et de 2005 à juillet 2010 pour le second, que la SA Port-Médoc n’avait pas mis en œuvre les pouvoirs de contrainte qu’elle tenait des contrats en cause pour obtenir la libération de ces emplacements ou le paiement des redevances dues en raison de leur occupation, que la faute ainsi commise par la SA Port-Médoc dans l’exécution de ces contrats était de nature à engager sa responsabilité ; qu’en conséquence le tribunal administratif a condamné la SA Port-Médoc à verser à M. P== la somme de 20 994 euros correspondant au montant de la location dont il aurait été privé du fait de la faute de la société requérante ;

10. Considérant toutefois, d’une part, que s’il résulte de l’instruction, notamment du rapport d’expertise établi par M. P==, que les deux emplacements en cause, correspondant aux postes d’amarrage catégorie T10 et T12, dont l’usage était garanti à M. P==, ont bien été occupés durant les périodes indiquées ci-dessus par d’autres plaisanciers que M. P==, il ressort également de ce rapport d’expertise que ces occupations sont le fait de deux amodiataires comme M. P== qui avaient conclu avec la SA Port-Médoc des contrats de garantie d’usage de postes d’amarrage et que la SA Port-Médoc n’a perçu aucun loyer pour ces occupations ; que, d’autre part, s’agissant d’amodiataires détenteurs des mêmes contrats que M. P==, et dès lors qu’il n’est ni établi ni même allégué que M. P== aurait été privé de l’occupation de ces emplacements, non seulement la SA Port- Médoc n’a pas commis de faute en ne les obligeant pas à libérer les emplacements mais elle avait obligation en vertu de leurs contrats de leur procurer des emplacements, sans pouvoir exiger de loyer, puisqu’ils étaient eux-mêmes titulaires d’une garantie d’usage d’un poste d’amarrage ; qu’il s’en suit que c’est à tort que le tribunal administratif a condamné la SA Port Médoc à verser à M. P== la somme de 20 994 euros dont il aurait été privé par la faute de la société requérante ;

11. Considérant que dans le cadre de l’effet dévolutif de l’appel, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. P== tendant à la condamnation de la SA Port-Médoc à lui verser la somme de 20 994 euros pour les motifs indiqués ci-dessus ;

12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SA Port-Médoc est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif l’a condamnée à verser à M. P== la somme de 20 994 euros ;

En ce qui concerne les frais d’expertise :



13. Considérant que M. P== étant la partie perdante, il y a lieu de mettre à sa charge les frais d’expertise taxés et liquidés à la somme de 11 927,73 euros ;

14. Considérant que les autres points jugés par le tribunal administratif ne sont contestés ni par la SA Port-Médoc ni par M. P== qui conclut à la confirmation du jugement dans toutes ses dispositions ; qu’il n’y a donc lieu d’annuler le jugement attaqué qu’en tant qu’il a condamné la SA Port-Médoc à verser à M. P== la somme de 117 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à titre d’indemnité de résiliation des contrats, la somme de 20 994 euros au titre de l’occupation irrégulière de deux postes d’amarrage appartenant à M. P==, la somme de 11 927,73 euros au titre des frais d’expertise ainsi que la somme de 1 200 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Sur la requête n° 13BX00964 tendant au sursis à exécution du jugement :

15. Considérant que le présent arrêt statuant sur la requête n° 13BX00963 tendant à l’annulation du jugement attaqué rend sans objet la requête n° 13BX00964 tendant au sursis à exécution de ce même jugement ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. P== une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA Port-Médoc et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Port-Médoc, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. P== demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Les articles 1, 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 31 décembre 2012 sont annulés.

Article 2 : Les demandes présentées par M. P== devant le tribunal administratif de Bordeaux tendant à la condamnation de la société Port-Médoc à lui verser les sommes de 117 000 euros et 20 994 euros sont rejetées.

Article 3 : Les frais d’expertise, d’un montant de 11 927,73 euros, sont mis à la charge de M. P==.

Article 4: M. P== versera à la SA Port-Médoc la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 13BX01963 de la SA Port-Médoc est rejeté.

Article 6 : Les conclusions de M. P== tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 13BX00964.