Vu la requête, enregistrée le 13 décembre 2011, présentée pour l'association Qualité de vie sanilhacoise, dont le siège est chez M. Jean-Paul B==, par Me Maxwell ;

L’association Qualité de vie sanilhacoise demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0900126 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 5 novembre 2008 par laquelle le conseil municipal de Notre-Dame de Sanilhac a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ;

2°) de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de cette délibération dès lors qu’elle a été annulée par une délibération du 29 janvier 2009 ;

3°) subsidiairement d’annuler cette délibération ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire, conseiller ; - les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ; - et les observations de Me Bost, avocat de la commune de Notre-Dame de Sanilhac ;

1. Considérant que l’association Qualité de vie Sanilhacoise relève appel du jugement n° 0900126 du 6 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 5 novembre 2008 par laquelle le conseil municipal de Notre-Dame de Sanilhac a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ;

Sur la recevabilité de l’appel :

2. Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;

3. Considérant que les statuts modifiés le 31 mars 2011 de l’association Qualité de vie sanilhacoise donnent pouvoir au conseil d’administration pour autoriser le président à agir en justice ; que l’association a produit la délibération du 23 novembre 2011 par laquelle le conseil d’administration a autorisé son président à relever appel du jugement du tribunal administratif ; que par suite la commune n’est pas fondée à soutenir que le président n’aurait pas été régulièrement habilité à agir ;

4. Considérant que la circonstance que le commissaire-enquêteur ait estimé que les dispositions du plan local d’urbanisme ne devraient pas porter une grave atteinte au caractère du paysage est sans incidence sur l’intérêt à agir de l’association au regard de son objet, qui est de défendre le cadre de vie des habitants ; que la commune, qui ne peut utilement souligner que les zones critiquées correspondent aux lieux de vie des membres de l’association, n’est donc pas davantage fondée à soutenir que la demande serait irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;

Sur la régularité du jugement :

5. Considérant que l’association requérante fait valoir que la délibération en litige a été annulée par une délibération du 29 janvier 2009 et qu’il n’a été produit au débat aucune nouvelle délibération approuvant le plan local d’urbanisme de la commune, ce qui aurait dû conduire le tribunal à en tirer les conséquences ;

6. Considérant néanmoins que cette seconde délibération versée au dossier avait pour unique finalité de rectifier la liste des membres présents et de ceux ayant donné procuration lors de la séance du 5 novembre 2008 et indique expressément qu’elle « annule et remplace » la délibération par laquelle le conseil municipal avait approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ; que, par suite, en ne prononçant pas un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 5 novembre 2008, qui doivent être regardées comme dirigées contre la délibération du 29 janvier 2009 qui la rectifie, le tribunal administratif de Bordeaux n’a entaché son jugement d’aucune irrégularité ;

Sur la recevabilité de la demande :

7. Considérant que les statuts initialement approuvés le 19 mai 2004 de l’association Qualité de vie sanilhacoise prévoyaient que « l’association est représentée dans tous les actes de la vie civile par son président qui est autorisé à ester et à défendre en justice » ; qu’il résulte des principes rappelés au point 2 que la commune n’est pas fondée à soutenir qu’une délibération de l’assemblée générale aurait été nécessaire pour autoriser le président à demander au tribunal l’annulation de la délibération approuvant le plan local d’urbanisme ; que par suite la fin de non-recevoir opposée en première instance ne peut qu’être écartée ;

Sur la légalité de la délibération du 5 novembre 2008 rectifiée le 29 janvier 2009 :

8. Considérant en premier lieu, que l’association requérante soutient que l’enquête publique est entachée d’irrégularité dès lors que le maire n’avait pas été mandaté par la commune pour solliciter, en son nom, des modifications au projet de plan local d’urbanisme soumis à l’enquête publique, alors que ces propositions ont été analysées par le commissaire enquêteur et finalement approuvées par le conseil municipal ;

9. Considérant qu’aux termes de l’article L.123-9 du code de l’urbanisme : « Le conseil municipal arrête le projet de plan local d'urbanisme (…). » ; que selon l’article L.123-10 du même code : « Le projet de plan local d’urbanisme est soumis à enquête publique par le maire. Le dossier soumis à l’enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. Après l’enquête publique, le plan local d’urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération du conseil municipal » ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L.123-9 du code de l’urbanisme attribuent au seul conseil municipal la compétence pour arrêter le plan soumis à l’enquête publique et font ainsi obstacle à ce que le maire, en cette qualité, propose au cours de l’enquête, toute modification du projet soumis, dans l’état adopté par le conseil municipal, à ladite enquête ; que d’autre part, il résulte de l’article L.123-10 de ce code que les modifications apportées au projet de plan local d’urbanisme postérieurement à l’enquête publique ne peuvent remettre en cause l’économie générale du projet et doivent procéder de cette enquête ;

11. Considérant tout d’abord, qu’il ressort des pièces du dossier, et en particulier d’un tableau réalisé suite à la réunion de concertation qui s’est tenue le 19 septembre 2008, lequel synthétise les demandes et observations présentées au cours de l’enquête publique qui s’est déroulée du 13 mai au 13 juin 2008, que le maire a sollicité, au nom de la commune, la création d’emplacements réservés, la modification de l’emprise de certains de ces emplacements, ainsi que le changement de zonage de certaines parcelles ; que la commune ne saurait utilement se prévaloir de la délégation que le conseil municipal lui avait donnée par délibération du 4 décembre 2001 dans la mesure où cette délibération l’habilitait uniquement à « signer tout contrat, avenant ou convention de prestation ou de services nécessaires aux études et procédures » et ne lui permettait donc pas d’intervenir, en son nom, au cours de l’enquête publique ;

12. Considérant ensuite, qu’il ressort de ce même tableau de synthèse, que certaines des modifications qui avaient été uniquement proposées par le maire ont finalement été adoptées par le conseil municipal lors de l’approbation de la délibération en litige ; qu’en effet, le conseil municipal a entériné le classement de la parcelle cadastrée AO n° 43 en zone N alors que celle-ci avait été initialement classée en zone UC (p. 38 de ce tableau), qu’il a décidé de classer en zone 1AU deux parcelles cadastrées section AR n° 18 et 19, de vaste superficie, initialement prévues en AUY2, afin de créer une nouvelle zone urbaine dans le prolongement du bourg (p. 43) et enfin, qu’il a retenu, malgré l’avis défavorable du commissaire enquêteur, un classement en zone UC d’une partie de la parcelle AV n° 95, initialement classée en zone naturelle afin de créer un emplacement réservé n°28 destiné à la réalisation d’un bassin de rétention des eaux pluviales (p. 44) , pour y créer des logements sociaux ;



13. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de cette décision ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ;

14. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 10, il résulte de l’article L.123-10 du code de l’urbanisme que les modifications apportées au projet de plan local d’urbanisme postérieurement à l’enquête publique doivent procéder de l’enquête publique ; que ces dispositions ont pour finalité de permettre aux intéressés de participer à l’enquête publique afin de faire évoluer le projet de plan qui leur est présenté et non d’ouvrir la possibilité à la commune d’apporter elle-même des modifications au projet qu’elle a initialement arrêté et décidé de soumettre à l’enquête publique ;

15. Considérant qu’eu égard d’une part, à la portée des modifications apportées par la commune et rappelées au point 12, et d’autre part, au fait que ces modifications, alors qu’il n’est pas établi que les deux lettres du maire adressées au commissaire-enquêteur entre le 2 et le 13 juin aient été annexées au dossier de l’enquête, n’ont pu être soumises à l’appréciation du public, lequel a ainsi été privé de la possibilité de présenter ses observations sur ces changements de zonage, la méconnaissance des règles procédurales énoncées par les dispositions précitées des articles L. 123-9 et L.123-10 du code de l’urbanisme a vicié le déroulement de l’enquête publique et a ainsi entaché d’irrégularité le plan ensuite approuvé ;

16. Considérant en deuxième lieu, que l’association requérante fait valoir que certains choix de zonage méconnaissent les orientations du projet d’aménagement et de développement durable ; qu'aux termes de l'article L.123-1 du code de l'urbanisme : « Les plans locaux d'urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d'agriculture, d'aménagement de l'espace, d'environnement, d'équilibre social de l'habitat, de commerce, de transports, d'équipements et de services. / Ils comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune. / (…)/ Les plans locaux d'urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions (…) » ; qu’aux termes de l’article R.123-3 du même code : « Le projet d'aménagement et de développement durable définit, dans le respect des objectifs et des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, les orientations d'urbanisme et d'aménagement retenues pour l'ensemble de la commune (…). » ;

17. Considérant tout d’abord, que le projet d’aménagement et de développement durable insiste sur la nécessité, pour la commune, d’accueillir une population nouvelle compte tenu de sa proximité avec l’agglomération périgourdine ; qu’à cette fin, il préconise un développement organisé autour des deux entités que sont le bourg et le lieudit urbain « des Cébrades » qui jouxte Périgueux, et un développement mesuré des hameaux les mieux équipés, où la commune souhaite pouvoir favoriser les rapprochements familiaux ; qu’il insiste également sur la nécessité d’assurer la mixité sociale ; qu’eu égard d’une part, à la situation géographique de la commune, et en particulier à sa proximité avec l’agglomération périgourdine et l’échangeur de l’A 89, et d’autre part, à la progression de sa population de 5,81% sur les trois dernières années, le rapport de présentation prévoit un accroissement démographique de 1 500 à 2 000 personnes au cours des dix prochaines années ; que cette évolution prévisionnelle, importante pour une commune de moins de 3000 habitants en 2004, nécessitant l’ouverture à l’urbanisation de nouvelles zones, les rédacteurs de ce plan local d’urbanisme ont, conformément aux objectifs retenus dans le projet d’aménagement et de développement durable, indiqué dans le rapport de présentation leur volonté de densifier le bourg et les Cébrades, mais également de « permettre la poursuite d’une urbanisation plus lâche constitutive d’une qualité de vie » ;

18. Considérant ensuite, que la circonstance que la superficie du territoire communal qui a été classée en zones à urbaniser excèderait les besoins prévisionnels de la commune n'est pas par elle-même de nature à entacher ce classement d'illégalité ; que cependant, l’association soutient également que la création de zones d’habitat aux lieux-dits la Guillaumie, la Chaussénie et la Renaudie situés à la périphérie du bourg méconnaît les orientations énoncées par le projet d’aménagement et de développement durable, lequel préconisait, ainsi qu’il vient d’être dit, un développement « mesuré » des hameaux les mieux équipés et une urbanisation autour du bourg et des Cébrades ; qu’il ressort des plans versés au dossier que si les lieux-dits La Chaussénie et la Renaudie jouxtent le bourg de la commune, le lieu-dit la Guillaumie en revanche est éloigné du centre communal et des Cébrades et ne comporte que quelques constructions éparses ; que ce secteur ne peut dès lors qualifié de hameau, et a au demeurant été identifié seulement comme « groupe d’habitations » sur la carte figurant à la page 52 du rapport de présentation ; qu’ainsi, en prévoyant d’ouvrir le lieu-dit « la Guillaumie » à l’urbanisation et de créer, sur cette zone, une centaine de logements, les auteurs du plan local d’urbanisme de la commune ont méconnu les orientations énoncées par le projet d’aménagement et de développement durable ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier que l’urbanisation de La Guillaumie est subordonnée à l’édification d’un bassin de rétention sur la parcelle cadastrée AP 38 dont la réalisation semble cependant compromise compte tenu des remblais de cette parcelle, laquelle est constituée de déchets sur 3 à 4 mètres de hauteur ; que le commissaire enquêteur avait d’ailleurs émis un avis défavorable à ce sujet ; que dans ces conditions, et nonobstant le fait que la commune se soit engagée à prendre toutes les précautions en cas de nécessité de dépollution, le classement de ce secteur en zone 1AU est entaché d’erreur manifeste d’appréciation ; que, par suite, l’association requérante est fondée à demander pour ce motif également l’annulation de la délibération attaquée ;

19. Considérant que pour l’application de l’article L.600-4-1 du code de l’urbanisme aucun autre moyen n’est de nature à fonder l’annulation de la délibération attaquée ;

20. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association Qualité de vie sanilhacoise est fondée à demander l’annulation du jugement n° 0900126 du 6 octobre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux ainsi que de la délibération 5 novembre 2008 par laquelle le conseil municipal de Notre-Dame de Sanilhac a approuvé le plan local d’urbanisme de la commune ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’association Qualité de vie sanilhacoise, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Notre-Dame-de-Sanilhac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900126 du 6 octobre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux et la délibération du 5 novembre 2008, rectifiée le 29 janvier 2009, du conseil municipal de Notre-Dame de Sanilhac sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Notre-Dame de Sanilhac au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.