Vu la décision n° 352844 du 27 avril 2012 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux a, sur le pourvoi du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, d’une part, annulé l’arrêt n° 10BX02892 du 6 septembre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours contre le jugement n° 0600063 du tribunal administratif de Toulouse du 15 octobre 2010 et, d’autre part, renvoyé le jugement de l’affaire à la cour administrative d’appel de Bordeaux ;

Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2010 au greffe de la cour, du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;

Le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600063 du 15 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. D==, la décision du 30 juin 2005 du conseil d'administration du collège Louisa Paulin de Réalmont mettant à la charge des parents d'élèves l'acquisition d'un cahier d'exercices de langue vivante au titre de l'année scolaire 2005-2006 et la décision de l'inspecteur d'académie du Tarn du 9 novembre 2005 la confirmant ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D== devant le tribunal administratif de Toulouse ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d’enseignement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 mai 2013 :

- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ; - les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative relève appel du jugement n° 0600063 du 15 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. D==, la décision du 30 juin 2005 du conseil d'administration du collège Louisa Paulin de Réalmont mettant à la charge des parents d'élèves de sixième l'acquisition d'un cahier d'exercices de langue vivante au titre de l'année scolaire 2005-2006 et la décision de l'inspecteur d'académie du Tarn du 9 novembre 2005 la confirmant ;

Sur l’intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques :

2. Considérant que la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques a, compte tenu de son objet, intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien de la demande présentée en première instance par M. D== et au maintien du jugement attaqué ; qu’ainsi son intervention en défense contre le recours du ministre, qui ne soulève pas de litige distinct, est recevable ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

3. Considérant qu’en vertu des dispositions combinées des articles R. 412-1, R. 411-3 et R. 811-13 du code de justice administrative, les requêtes d’appel doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées d’une copie du jugement attaqué ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le recours du ministre, enregistré le 26 novembre 2010, n’était pas accompagné d’une copie du jugement attaqué, rendu par le tribunal administratif de Toulouse ; qu’ainsi, le ministre, faute de s’être spontanément acquitté de l’obligation impartie par les dispositions susanalysées, s’est exposé à voir son recours rejeté comme irrecevable ; que, toutefois, à l’initiative du greffe de la cour, le dossier de première instance a été demandé au tribunal administratif et une copie du jugement a été jointe au dossier d'appel à l'occasion de la transmission à la cour du dossier de première instance ; que, dans ces conditions, les dispositions susvisées doivent être regardées comme respectées ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut de production du jugement attaqué ne peut qu’être écartée ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

5. Considérant qu’en vertu des dispositions du 5° de l'article L. 211-8 du code de l’éducation, l'Etat a la charge « des dépenses pédagogiques des collèges, des lycées et des établissements d'éducation spéciale dont la liste est arrêtée par décret » ; qu’aux termes de l'article D. 211-15 du même code : « Les dépenses pédagogiques mentionnées aux articles L. 211-8, L. 213-2 et L. 214-6, restant à la charge de l'Etat sont, en fonctionnement, les dépenses afférentes : / 1° Pour les collèges, les lycées, les établissements d'éducation spéciale et les lycées professionnels maritimes : / a) A la fourniture des manuels scolaires dans les collèges et les établissements d'éducation spéciale et des documents pédagogiques à usage collectif dans les lycées professionnels ainsi que pour les formations initiales des lycées professionnels maritimes, au titre de l'aide apportée aux familles (...) » ; que ces dispositions se bornent à mettre à la charge de l’Etat, au titre de l’aide apportée aux familles, la fourniture des manuels scolaires dans les collèges ; qu’elles ne sauraient être interprétées comme mettant à la charge de l’Etat la fourniture des ouvrages venant en complément, même regardé comme indispensable par le collège, de ces manuels, et destinés à une appropriation individuelle par les élèves ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a estimé, pour annuler les décisions attaquées, que le cahier d’exercices était couvert par l’obligation de financement de l’Etat ;

7. Considérant qu’il appartient à la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par M. D== à l’encontre des décisions attaquées ;

8. Considérant qu’aux termes de l’article 16-1 du décret du 30 août 1985, applicable à la date des décisions attaquées : « Le conseil d'administration exerce sur saisine du chef d'établissement, les attributions suivantes :-il donne son avis sur (…) b) Les principes de choix des manuels scolaires, des logiciels et des outils pédagogiques » ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le principe du choix du cahier d’exercices de langue vivante utilisé en sixième au collège Louisa Paulin de Réalmont au titre de l'année scolaire 2005-2006 aurait été arrêté par le seul conseil d’administration de l’établissement et imposé au chef de l’établissement ; que par suite, le moyen tiré de ce que l’article 16-1 du décret aurait été méconnu et de ce que la décision du 30 juin 2005 serait entachée d’incompétence manque en fait ;

9. Considérant que la décision de l'inspecteur d'académie du Tarn du 9 novembre 2005, qui se réfère non seulement à la jurisprudence relative à la prise en charge des cahiers de travaux dirigés mais aussi au décret du 30 août 1985, comporte ainsi l'exposé des motifs de droit et de fait en raison desquels le recours formé par M. D== contre la décision du 30 juin 2005 du conseil d'administration du collège Louisa Paulin de Réalmont est rejeté ; qu’elle est, par suite, suffisamment motivée ;

10. Considérant que le principe de gratuité de l'enseignement public énoncé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958 ne fait pas obstacle à ce que soit laissée à la charge des familles l’acquisition d’un cahier d’exercices destiné à une appropriation individuelle par les élèves, alors même que l’usage de ce cahier d’exercice a été regardé comme indispensable pour les élèves de sixième par le collège.

11. Considérant qu’aux termes de l’article L. 213-2 du code de l’éducation : « Le département a la charge des collèges. A ce titre, il en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception, d'une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat dont la liste est arrêtée par décret et, d'autre part, des dépenses de personnels prévues à l'article L. 211-8 sous réserve des dispositions de l'article L. 216-1 » ; que la seule circonstance qu’un cahier d’exercices destiné à l’usage exclusif d’un élève ne constitue pas un manuel scolaire, au sens de l’article D. 211-15 du code de l’éducation dont la fourniture dans les collèges est mise à la charge de l’Etat, n’implique pas que la fourniture d’un tel document, destiné à une appropriation individuelle par les élèves, et qui ne constitue donc pas une dépense de fonctionnement d’un collège, doive être assurée par le département, en application des dispositions de l’article L. 213-2 du code de l’éducation ;

12. Considérant que le moyen tiré de ce que les décisions attaquées méconnaîtraient la convention relative aux droits de l'enfant et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien fondé et ne peut qu’être écarté ;

13. Considérant qu’il ne ressort d’aucune pièce du dossier que les décisions attaquées seraient motivées par la poursuite d’un but étranger à l’intérêt général et fondées sur des motifs autres que la conformité aux programmes scolaires, l'intérêt pédagogique des documents choisis et la nécessité de travailler sur des documents identiques au sein d’une même classe ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées porteraient atteinte à un « principe de neutralité commerciale que doit respecter le service public de l’éducation » ne peut, en tout état de cause, qu’être écarté ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé, à la demande de M. D==, la décision du 30 juin 2005 du conseil d'administration du collège Louisa Paulin de Réalmont et la décision de l'inspecteur d'académie du Tarn du 9 novembre 2005 la confirmant ;

DECIDE :

Article 1er : L’intervention de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques est admise.

Article 2 : Le jugement n° 0600063 du tribunal administratif de Toulouse du 15 octobre 2010 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. D== devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.