Vu l’ordonnance en date du 11 mars 2013 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a, en application de l’article R. 351-1 du code de justice administrative, attribué à la cour administrative d’appel de Bordeaux la requête présentée par la commune de Terre-de-Haut ;

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 4 mars 2013, et le mémoire complémentaire enregistré au greffe de la cour le 18 mars 2013, présentés pour la commune de Terre-de-Haut (97137), représentée par son maire en exercice, par la SCP J. F. Boutet, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;

La commune de Terre-de-Haut demande à la cour :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1300028 du 15 février 2013 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre, sur déféré du préfet de la Guadeloupe, a suspendu l’exécution des délibérations en date des 21 septembre 2012 et 8 novembre 2012 du conseil municipal de la commune de Terre-de-Haut prises dans le cadre de l’achèvement de l’intercommunalité ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par le préfet de la Guadeloupe devant le juge des référés du tribunal administratif de Basse-Terre ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, modifiée ;

Vu la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 2 janvier 2013 par laquelle le président de la cour a désigné notamment M. Bernard Chemin, président de chambre, pour statuer sur les litiges relevant du livre V du code de justice administrative ;

Après avoir, au cours de l’audience publique du 24 avril 2013, à 15 heures, dont les parties ont été régulièrement avisées, présenté le rapport ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 2136-6 du code général des collectivités territoriales : « Le représentant de l’Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l’article L. 2131-2 qu’il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. » ; que le troisième alinéa du même article, auquel l’article L. 554-1 du code de justice administrative renvoie dispose : « Le représentant de l’Etat peut assortir son recours d’une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l’un des moyens invoqués, parait, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute quant à la légalité de l’acte attaqué. » ;

2. Considérant que par un arrêté du 26 avril 2012, pris pour la mise en œuvre du schéma départemental de coopération intercommunale de la Guadeloupe adopté le 20 décembre 2011, le préfet de la Guadeloupe a arrêté le projet d’extension du périmètre de la communauté d’agglomération du sud Basse-Terre (CASBT) à sept communes, dont la commune de Terre de Haut ; qu’après avoir émis un avis favorable à ce projet par délibération du 5 juillet 2012, le conseil municipal de la commune de Terre-de-Haut, par une nouvelle délibération du 21 septembre 2012, a décidé de se raviser et d’émettre un avis défavorable au projet d’extension du périmètre la concernant, ainsi que d’annuler en conséquence toute délibération contraire, et notamment celle adoptée le 5 juillet 2012 ; que, sur recours gracieux du préfet, le conseil municipal a maintenu sa position par une nouvelle délibération du 8 novembre 2012 et refusé de retirer celle du 21 septembre 2012 ; que, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2136-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet de la Guadeloupe a déféré ces deux délibérations au tribunal administratif de Basse-Terre et a assorti son recours d’une demande de suspension ; que la commune de Terre-de-Haut fait appel de l’ordonnance du 15 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Basse Terre qui a fait droit à la demande de suspension du préfet ;

Sur la régularité de l’ordonnance :

3. Considérant qu’en se bornant à relever que le préfet « pouvait, en tout état de cause, déférer au juge les délibérations en cause, compte tenu de leurs termes », sans expliciter davantage les raisons pour lesquelles il écartait les fins de non-recevoir tirées de ce que les délibérations litigieuses ayant un caractère préparatoire et superfétatoire ne constituaient pas des actes faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, et auxquelles la commune avait consacré de longs développements, le premier juge a entaché son ordonnance d’une insuffisance de motivation ; que, par suite, la commune de Terre-de-Haut est fondée à en demander l’annulation pour ce motif ;

4. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de suspension présentée le préfet devant le tribunal administratif de Basse-Terre ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Terre-de-Haut :

5. Considérant que la commune de Terre-de-Haut fait valoir que la délibération par laquelle le conseil municipal se prononce sur le projet d’extension du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale ne constitue qu’un acte à caractère préparatoire qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir, et qu’en outre les délibérations litigieuses prises après le délai de trois mois imparti à la commune pour se prononcer sont sans effet sur l’avis initialement émis, de sorte qu’elles présentent un caractère superfétatoire et sont donc également à ce titre insusceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, toutefois, tel n’est pas le cas lorsque, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 2136-6 du code général des collectivités territoriales, le préfet défère au tribunal administratif les actes qu’il estime contraires à la légalité ; que le représentant de l’Etat dans le département est ainsi recevable à demander l’annulation de toute délibération, quel qu’en soit l’objet, émanant de l’organe délibérant d’une collectivité placée sous son contrôle et peut obtenir du juge, ainsi que le précise l’article L. 2136 6, la suspension de l’acte ainsi déféré sans autre condition que celle tenant à l’invocation d’un moyen de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité ; qu’il suit de là que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Terre-de-Haut et tirées de l’absence de décision faisant grief doivent être écartées ;

6. Considérant que le déféré à fin de suspension présenté par le préfet de la Guadeloupe comporte l’énoncé sommaire des moyens de légalité soulevés à l’encontre des délibérations attaquées des 21 septembre et 8 novembre 2012 et se réfère expressément à l’argumentation détaillée contenue dans la requête au fond jointe en copie ; qu’ainsi la commune de Terre de Haut n’est pas fondée à soutenir que le déféré à fin de suspension ne comporte pas la motivation exigée par les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité des délibérations attaquées :

7. Considérant qu’aux termes du II de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, modifiée par la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale : « Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu à l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ou au plus tard à compter du 1er janvier 2012, le représentant de l'Etat dans le département propose, jusqu'au 31 décembre 2012, pour la mise en œuvre du schéma, la modification du périmètre de tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. / (…) / La modification de périmètre peut porter sur des communes appartenant ou non à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Un arrêté de projet de périmètre dresse la liste des communes intéressées. / Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département au président de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé afin de recueillir l'avis de son organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. A compter de la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les conseils municipaux disposent d'un délai de trois mois pour se prononcer. A défaut de délibération de l'organe délibérant ou d'un conseil municipal dans ce délai, l'avis est réputé favorable. / (…). » ;

8. Considérant qu’il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu encadrer dans des délais fermes le déroulement de la procédure de consultation des conseils municipaux des communes concernées par l’extension du périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale et a prévu à cet effet qu’à défaut de délibération dans ce délai, l'avis de la commune était réputé favorable au projet d’extension qui lui était soumis ; que si le conseil municipal peut toujours, dans le délai de trois mois prévu à l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010, revenir sur un avis qu’il a déjà exprimé, en revanche une délibération postérieure à l’expiration de ce délai qui est sans effet sur l’avis en sens opposé initialement émis, et qui peut constituer un élément d’appréciation susceptible d’être pris en considération par le préfet pour prononcer ou non l’extension du périmètre sur laquelle les communes et l’établissement de coopération intercommunale ont déjà, tacitement ou non, exprimé leur avis, n’est pas illégale du seul fait qu’elle a été prise après l’expiration du délai de procédure instituée par loi ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que, par ses délibérations en date des 21 septembre et 8 novembre 2012, revenant sur l’avis qu’il avait précédemment émis par délibération du 5 juillet 2012 dans le délai de trois mois qui lui était imparti, le conseil municipal de la commune de Terre-de-Haut aurait excédé sa compétence et méconnu les dispositions précitées de l’article 60 de la loi du 16 décembre 2010, ne parait pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de ces délibérations ;

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 6 de la loi du 29 février 2012, modifiant le V de l’article L. 5210-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel dans les îles maritimes composées d’une seule commune les schémas départementaux de coopération intercommunale ne sont pas dans l’obligation de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, n’est pas davantage de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des délibérations litigieuses ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n’est pas fondé à demander la suspension des délibérations attaquées des 21 septembre et 8 novembre 2012 ; Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées en première instance, sur le fondement de ces dispositions, par la commune de Terre-de-Haut, et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : L’ordonnance n° 1300028 en date du 15 février 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Basse Terre est annulée.

Article 2 : Le déféré du préfet de la Guadeloupe tendant à la suspension des délibérations en date des 21 septembre 2012 et 8 novembre 2012 du conseil municipal de la commune de Terre de Haut est rejeté.

Article 3 : L’Etat versera à la commune de Terre-de-Haut la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.