Vu le recours, enregistré le 5 avril 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0800639 du 16 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à la SA Switch le dégrèvement de taxe professionnelle qu’elle avait sollicité sur le fondement des dispositions de l’article 1647 C ter du code général des impôts au titre des années 2005 à 2007 ;

2°) de rétablir la société intégralement au rôle de la taxe professionnelle au titre des années en litige ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CEE) n° 4055/86 du Conseil du 22 décembre 1986 et le règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes ;

Vu le décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l'habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ; - les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ; - les observations de M. Lopes pour le ministre de l'économie et des finances ;

1. Considérant que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat fait appel du jugement du 16 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à la SA Switch, qui avait acquis des catamarans pour son activité d’organisation de croisières, le dégrèvement de taxe professionnelle qu’elle avait sollicité pour ces investissements sur le fondement des dispositions de l’article 1647 C ter du code général des impôts au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;

Sur le dégrèvement sollicité au titre de l’année 2005 :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 199-1 du livre des procédures fiscales : « L’action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l’avis par lequel l’administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation … » ; que l’article R. 196-2 du même livre dispose : « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l’administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l’année suivant … : a) l’année de la mise en recouvrement du rôle » ; qu’en vertu du IV de l’article 1647 C ter du code général des impôts, alors en vigueur, le dégrèvement prévu par ces dispositions était accordé sur demande effectuée dans la déclaration prévue à l’article 1477 déposée auprès du service des impôts dont relèvent les établissements de rattachement des navires ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réclamation de la SA Switch du 6 juillet 2006 tendant au bénéfice du dégrèvement de taxe professionnelle pour l’année 2005 a donné lieu à une décision de rejet du directeur des services fiscaux de la Martinique en date du 20 octobre 2006, qui a été notifiée le 20 novembre suivant avec la mention des voies et délais de recours ; que cette réclamation n'a pas eu pour effet de prolonger le délai à l'intérieur duquel de nouvelles réclamations pouvaient être effectuées ; qu’ainsi, en tant qu’elles concernaient la taxe professionnelle de l’année 2005, les réclamations formées les 6 avril et 22 novembre 2007 ont été présentées tardivement et n’étaient, par suite, pas recevables ; qu'il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit aux conclusions de la SA Switch relatives à l’année 2005 ;

Sur le dégrèvement sollicité au titre des années 2006 et 2007 :

4. Considérant qu’aux termes de l’article 1647 C ter du code général des impôts alors en vigueur : « I. La cotisation de taxe professionnelle et des taxes annexes des entreprises d’armement au commerce définies par la loi n° 69-8 du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes qui (…) sont soumises à l’impôt sur les bénéfices, fait l’objet d’un dégrèvement pour sa part relative à la valeur locative des navires armés au commerce et de leurs équipements embarqués. II. Les navires mentionnés au I s’entendent de ceux qui remplissent, au cours de la même période les six conditions suivantes : 1° Etre inscrits comme navires de commerce sur les registres officiels d’une autorité administrative ou étrangère ; 2° Etre gérés, au sens de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritime, stratégiquement et commercialement à partir de la Communauté européenne ; 3° Etre dotés d’un équipage permanent composé de professionnels ; 4° Etre exploités exclusivement dans un but lucratif ; 5° Satisfaire aux normes internationales et communautaires relatives à la sûreté, à sécurité, aux performances environnementales et aux conditions de travail à bord ; 6° Etre affectés : a) Soit au transport maritime de marchandises ou de passagers ; b) Soit à des opérations de transport en relation avec l’exercice de toutes autres activités nécessairement fournies en mer, notamment le remorquage en haute mer, le sauvetage ou d’autres activités d’assistance maritime. » ; qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’armement et aux ventes maritimes, désormais repris à l’article L. 5411-1 du code des transports, « l’armateur est celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire. » ;

5. Considérant que le dégrèvement de taxe professionnelle prévu par les dispositions précitées de l’article 1647 C ter du code général des impôts, qui sont issues de l’article 47 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005, est réservé aux navires armés au commerce qui sont affectés, soit au transport maritime de marchandises ou de passagers, soit à des activités d’assistance maritime ; qu’il ressort des travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de ces dispositions que l’objet de ces dernières était de mettre en conformité les mesures fiscales prises par l’Etat français en faveur du transport maritime avec les orientations communautaires sur les aides d’Etat au transport maritime définies par la Commission européenne dans sa communication C(2004) 43, laquelle précise que ces orientations s’appliquent aux activités de transport maritime telles qu’elles sont définies dans le règlement (CEE) n° 4055/86 et dans le règlement (CEE) n° 3577/92, c’est-à-dire les transports de voyageurs ou de marchandises par mer entre ports ou entre ports et installations offshore ;

6. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les bateaux exploités par la SA Switch pour son activité d’organisation de croisières n’étaient pas affectés à une activité de transport maritime au sens des dispositions précitées de l’article 1647 C ter précité du code général des impôts, mais à une activité de navigation touristique ou de plaisance ; qu’ils n’étaient pas davantage affectés à une activité d’assistance en mer ; que la SA Switch ne pouvait, dès lors, bénéficier, pour les investissements en cause, du dégrèvement de taxe professionnelle prévu par ces dispositions ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre chargé du budget est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a accordé à la SA Switch le dégrèvement de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie dans les rôles de la commune du Marin au titre des années 2005 à 2007 et à demander que cette société soit rétablie à ces rôles à raison de l'intégralité des droits qui lui avaient été assignés ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0800639 du 16 décembre 2010 du tribunal administratif de Fort-de-France est annulé.

Article 2 : La SA Switch est rétablie aux rôles de la taxe professionnelle à raison de l'intégralité des droits auxquels elle avait été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007.