Vu la requête enregistrée le 11 mars 2011, présentée pour la COMMUNE DE ROYAN, par Me Capiaux ;

La COMMUNE DE ROYAN demande à la cour :

1°) d’annuler les jugements n° 0900111 du 17 février 2011 et du 17 juin 2010 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers l'a déclarée responsable des préjudices résultant pour la société Philippe Védiaud Publicité de l’illégalité de la décision du 29 octobre 2007 de la commission d’appel d’offres, et l’a condamnée à lui verser la somme globale de 1 373 784 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2009 ;

2°) de rejeter la demande de la société Philippe Védiaud Publicité devant le tribunal administratif de Poitiers ;


Vu l’ordonnance fixant en dernier lieu la clôture de l’instruction au 5 juillet 2012 à 12h00 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de M. Jean-Emmanuel Richard, premier conseiller ; - les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ; - les observations de Me Capiaux, avocat de la COMMUNE DE ROYAN, et de Me Palmier avocat de la société Philippe Védiaud publicité ;

Vu, enregistrée, le 4 octobre 2012, la note en délibéré présentée pour la société Philippe Védiaud Publicité ;

Vu, enregistrée, le 8 octobre 2012, la note en délibéré présentée pour la COMMUNE DE ROYAN ;

Considérant que la COMMUNE DE ROYAN fait appel des jugements du 17 février 2011 et du 17 juin 2010 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers l'a déclarée responsable des préjudices résultant pour la société Philippe Védiaud Publicité de l’illégalité de la décision du 29 octobre 2007 de la commission d’appel d’offres, et l’a condamnée à verser à la société Philippe Védiaud Publicité la somme globale de 1 373 784 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2009 ;

Considérant que la COMMUNE DE ROYAN a produit le 13 avril 2011 la délibération du conseil municipal du 19 juin 2010 relative à l’exercice au nom de la commune des actions en justice, l’arrêté du 21 juin 2010 de délégation de fonctions et de signature au premier adjoint au maire, et la décision du 2 mars 2011 de désignation d’un avocat ; que, dès lors, la requête de la COMMUNE DE ROYAN est recevable ;

Considérant qu’aux termes de l’article 45 du code des marchés publics, applicable au marché litigieux : « - I. - Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager (…) III. … Si le candidat est objectivement dans l'impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l'un des renseignements ou documents prévus par l'arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur. » ; qu’aux termes de l’article 52 du code des marchés publics, également applicable au marché litigieux : « I - (…) Les candidatures (…) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence, ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. » ; qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs : « A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l'article 45 du code des marchés publics (…) que le ou les renseignements et le ou les documents suivants : / - déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles ; /- déclaration appropriée de banques ou preuve d'une assurance pour les risques professionnels ;/ - bilans ou extraits de bilans, concernant les trois dernières années, des opérateurs économiques pour lesquels l'établissement des bilans est obligatoire en vertu de la loi ; /- déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années ; /- présentation d'une liste des principales fournitures ou des principaux services effectués au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire public ou privé. (…) ; / - présentation d'une liste des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, appuyée d'attestations de bonne exécution pour les travaux les plus importants. (…); / - indication des titres d'études et professionnels de l'opérateur économique et/ou des cadres de l'entreprise, et notamment des responsables de prestation de services ou de conduite des travaux de même nature que celle du marché ; / - déclaration indiquant l'outillage, le matériel et l'équipement technique dont le candidat dispose pour la réalisation de marchés de même nature ; / - en matière de fournitures et services, une description de l'équipement technique, des mesures employées par l'opérateur économique pour s'assurer de la qualité et des moyens d'étude et de recherche de son entreprise ; / - certificats de qualifications professionnelles. (…); / - certificats établis par des services chargés du contrôle de la qualité et habilités à attester la conformité des fournitures par des références à certaines spécifications techniques. (…) ; / - échantillons, descriptions et/ou photographies des fournitures ; / - renseignements relatifs à la nationalité du candidat pour les marchés passés dans le domaine de la défense » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que s'il est loisible à l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, il doit néanmoins, lorsque cette exigence a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, permettre aux candidats qui sont dans l’impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen ;

Considérant que si la société Spacéo n’a pu fournir les déclarations de chiffre d’affaires des trois derniers exercices et les références des prestations similaires exécutées au cours des trois dernières années, qui étaient exigées des candidats par le règlement de la consultation pour justifier de leurs capacités professionnelles, techniques et financières, il incombait au pouvoir adjudicateur, en application des articles 45 et 52 du code des marchés publics, de permettre aux entreprises de création récente de justifier de leurs capacités financières, techniques et références professionnelles par tout autre moyen ; que, dès lors, c’est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la commission d’appel d’offres de la COMMUNE DE ROYAN a méconnu le règlement de la consultation et les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché, au motif de ce que le dossier présenté par la société Spacéo, récemment créée, n’était pas accompagné des pièces exigées dans le règlement de la consultation, à l’appui des candidatures ;

Considérant qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par l’entreprise Philippe Védiaud Publicité, tant devant le tribunal administratif de Limoges que devant la cour ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la société Spacéo a produit à l’appui de sa candidature une lettre de candidature, une garantie bancaire attestant d’un accord de financement donné par le crédit agricole, une attestation d’assurance professionnelle de la compagnie AXA qui la garantit pour l’activité de location d’espaces publicitaires sur mobilier urbain ; qu’ elle a précisé les titres, les études et l’expérience professionnelle des associés ; qu’elle a détaillé les moyens et les matériels qu’elle entendait mettre en œuvre pour l’exécution du marché ; qu’elle a justifié que l’un des associés a été gérant d’une société spécialisée en mobiliers urbains ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Spacéo doit être regardée comme ayant fourni les documents exigés par l’avis d’appel public à la concurrence ; que, par suite, la commission, en n’écartant pas sa candidature, n’a pas entaché sa décision d’illégalité ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment du rapport de la commission d’appel d’offres que l’entreprise Philippe Védiaud Publicité avait une chance sérieuse d’obtenir le marché ; que rien ne justifiait une restriction de la concurrence aux seuls candidats établis ; qu’au contraire, le rapport d’analyse des offres a mis en exergue une disparité des offres ;

Considérant qu’aux termes du IV de l’article 53 du code des marchés publics : « IV. - 1° Lors de la passation d'un marché, un droit de préférence est attribué, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production, par un groupement de producteurs agricoles, par un artisan, une société coopérative d'artisans ou par une société coopérative d'artistes ou par des entreprises adaptées. » ; qu’ainsi qu’il a été dit précédemment, les offres présentées par l’entreprise Philippe Védiaud Publicité et par la société attributaire du marché n’étaient pas équivalentes ; que, par suite, l’entreprise Philippe Védiaud Publicité, en dépit de sa qualité d’artisan, n’est pas fondée à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance des dispositions précitées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes présentées par l’entreprise Philippe Védiaud Publicité, la COMMUNE DE ROYAN est fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements du 17 février 2011 et du 17 juin 2010 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers l’a déclarée responsable des préjudices résultant pour la société Philippe Védiaud Publicité de l’illégalité de la décision du 29 octobre 2007 de la commission d’appel d’offres, et l’a condamnée à verser à ladite société la somme globale de 1 373 784 euros hors taxes avec intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 2009, et à demander le rejet de la demande de la société Philippe Védiaud Publicité devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur les frais d’expertise :

Considérant que les frais et honoraires de l’expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du tribunal administratif de Poitiers ont été taxés et liquidés par une ordonnance du président du tribunal en date du 25 octobre 2010 à la somme de 1 896,66 euros ; qu’il y a lieu de mettre ces frais à la charge définitive de la société Philippe Védiaud Publicité ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DE ROYAN, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l’entreprise Philippe Védiaud Publicité la somme qu’elle demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Les jugements du 17 février 2011 et du 17 juin 2010 du tribunal administratif de Poitiers sont annulés.

Article 2 : Les demandes de l’entreprise Philippe Védiaud Publicité devant le tribunal administratif de Poitiers et les conclusions de l’entreprise Philippe Védiaud Publicité devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais d’expertise tels que taxés et liquidés par l’ordonnance du président du tribunal administratif de Poitiers à la somme de 1 896,66 euros sont mis à la charge définitive de l’entreprise Philippe Védiaud Publicité.