Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 4 avril 2011, présentée pour le CABINET D’ASSURANCES AXA par la SCP d’avocats Tucoo-Chala ;

Le CABINET D’ASSURANCES AXA demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0802871 du 3 février 2011 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle l’office public de l’habitat (OPH) de Bayonne et la société anonyme d’habitations à loyer modéré Habitat Sud Atlantic (HSA) n’ont pas retenu son offre pour le lot n° 1 « assurances des dommages aux biens et risques annexes » du marché public de services ;

2°) d’annuler la procédure de passation dudit marché, la décision du 9 octobre 2008 l’évinçant du marché du lot n° 1 et le marché relatif au lot n° 1 conclu avec la SMACL ;

3°) de mettre à la charge de l’OPH de Bayonne et de la société Habitat Sud Atlantic la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo, premier conseiller ; - les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ; - et les observations de Me Tucoo Chala, avocat du CABINET D’ASSURANCES AXA et celles de Me Pintat, avocat de l’office public de l’habitat de Bayonne et de la société anonyme d’habitations à loyer modéré Habitat Sud Atlantic ;

Vu, enregistrée le 12 juin 2012, la note en délibéré présentée pour l’OPH Habitat Sud Atlantic ;

Vu, enregistrée le 25 juin 2012, la note en délibéré présentée pour le CABINET D’ASSURANCES AXA ;

Considérant qu’en 2008, l’office public de l’habitat (OPH) de Bayonne et la société anonyme d’habitations à loyer modéré Habitat Sud Atlantic ont constitué un groupement de commandes en vue de la passation de marchés publics d’assurances ; qu’à la suite de la publication d’avis d’appel à la concurrence, le CABINET D’ASSURANCES AXA a présenté le 22 juillet 2008 une offre pour le lot n° 1 « assurance des dommages aux biens et risques annexes » ; que par décision du 9 octobre 2008, le groupement de commandes, aux droits duquel vient l’OPH Habitat Sud Atlantic, l’a informé que son offre était rejetée ; que le CABINET D’ASSURANCES AXA relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 3 février 2011 rejetant sa demande d’annulation de cette décision ainsi que de la procédure de passation et du marché conclu avec la société SMACL le 3 novembre 2008 ;

Sur la recevabilité des conclusions du CABINET D’ASSURANCES AXA :

Considérant que, indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; qu’à partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’il dispose du recours ci-dessus défini, le concurrent évincé n’est, en revanche, plus recevable à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le marché relatif au lot n° 1 a été signé le 3 novembre 2008 avec la société SMACL ; qu’il résulte de ce qui précède que depuis cette date, le CABINET D’ASSURANCES AXA, qui dispose du recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat, n’est plus recevable à demander l’annulation des actes préalables détachables de ce contrat ; que, par suite, les conclusions tendant à l’annulation de la procédure de passation du marché et de la décision du 9 octobre 2008 rejetant son offre ne peuvent qu’être rejetées ;





Sur la validité du marché conclu le 3 novembre 2008 :

Considérant qu’aux termes de l’article 35 I 1° du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable : « (..)Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation(…) » ; que le règlement de consultation du marché litigieux prévoit dans son article 2.2 que « les concurrents doivent présenter une offre entièrement conforme au dossier de consultation (solution de base). Mais ils peuvent également présenter une offre comportant des variantes qui doivent respecter les exigences minimales suivantes : elles ne devront pas altérer les dispositions du CCTG ; elles pourront notamment porter sur les franchises ou toute autre disposition du CCTP ou du CCAP » ; que l’article 4.2 « Variantes » précise que : « Les candidats présenteront un dossier général « variantes » comportant un sous-dossier particulier pour chaque variante qu’ils proposent. Outre les répercussions de chaque variante sur le montant de leur offre de base, ils indiqueront les adaptations à apporter tout en respectant les exigences minimales indiquées au cahier des charges. » ; que l’acte d’engagement figurant au dossier de consultation précise en son article 3.4 que dans le cas où des variantes sont proposées, le candidat doit indiquer leur nature précise et le coût HT et TTC de ces variantes ; qu’il stipule toutefois également que des réserves sont possibles et doivent être listées en annexe ; qu’il résulte de l’ensemble de ces stipulations que les candidats au marché devaient présenter une offre correspondant à la « solution de base » figurant au dossier de consultation mais pouvaient en outre présenter des offres modifiant, dans certaines limites fixées par les dispositions précitées du règlement de consultation, cette offre de base ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment de l’acte d’engagement que l’offre présentée par la société SMACL comportait une annexe énumérant les « observations et les précisions sur l’application des garanties » apportées par ce candidat au projet de marché ; que les exclusions de garantie portant sur les bacs à déchets et la limitation du plafond d’indemnisation à quatre millions d’euros en cas d’avalanches présentent un caractère mineur, et n’ont pu altérer l’objet du marché, compte tenu de l’absence de bacs à déchets dans le patrimoine assuré et de la situation géographique des immeubles de l’OPH Habitat Sud Atlantic ; qu’en revanche, le CCTP prévoyait en cas de perte d’usage, perte de loyers et de relogement, une indemnisation correspondant aux pertes et frais réellement supportés ; que l’offre de la SMACL limitait cette indemnisation à deux années de la valeur locative du bien sinistré ; que l’offre de la SMACL prévoyait également de limiter à 1,5 million d’euros le plafond d’indemnisation due en cas d’effondrement d’immeubles alors que selon les stipulations du CCTP, ce plafond était fixé à 20 millions d’euros ; qu’enfin, l’offre de la SMACL excluait du champ d’application de la garantie certaines causes d’effondrement, telles les cavités souterraines et marnières, dès lors qu’elles ne font pas l’objet d’un arrêté de catastrophe naturelle ; que de telles modifications, dont l’impact limité sur les garanties et le montant du marché n’est pas établi par l’OPH Habitat Sud Atlantic, portent sur les garanties financières et matérielles du contrat d’assurances ; que compte tenu de leur objet et de leur importance, elles ne constituent pas de simples précisions mais des propositions différentes du projet de marché soumis à consultation, et présentent ainsi le caractère d’une variante à la solution de base figurant au dossier de consultation ; que contrairement à ce que prévoit le règlement de consultation du marché, la SMACL n’a pas présenté, de manière distincte, une offre entièrement conforme au dossier de consultation d’une part, et une offre comportant les variantes qu’elle souhaitait apporter à cette solution de base et présentant les répercussions financières de cette variante sur l’offre de base, d’autre part ; que, par suite, le CABINET D’ASSURANCES AXA LAROCHE est fondé à soutenir que l’offre de la société SMACL était irrégulière et aurait dû être rejetée par l’OPH Habitat Sud Atlantic ;

Considérant qu’il appartient au juge saisi par le concurrent évincé, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences ; qu’il lui revient ainsi, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits du cocontractant, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que des motifs d’intérêt général s’opposeraient à l’annulation de ce contrat, dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2012 ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la nature de l’illégalité commise, il y a lieu d’annuler le contrat conclu le 3 novembre 2008 entre l’OPH Habitat Sud Atlantic et la société SMACL ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CABINET D’ASSURANCES AXA, qui n’est pas partie perdante, les sommes demandées par l’OPH Habitat Sud Atlantic au titre des frais non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’OPH Habitat Sud Atlantic la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par le CABINET D’ASSURANCES AXA ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 24 février 2011, ensemble le contrat conclu le 3 novembre 2008 entre l’office public de l’habitat de Bayonne et la société SMACL, sont annulés.

Article 2 : L’OPH Habitat Sud Atlantic versera au CABINET D’ASSURANCES AXA la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.