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Vu la requête, enregistrée le 29 juin 2011 par courriel et régularisée par courrier le 30 juin 2011, présentée pour la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS, société par actions simplifiée, dont le siège est 3 rue Delgres à Riviere Salée (97215), représentée par ses représentants légaux, par Me Charriere-Bourdnazel ;

La COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°0800177 du 28 avril 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant qu’il a limité à la somme de 100 000 euros, tous intérêts compris, le montant de l’indemnité due par la communauté d’agglomération de centre Martinique à raison de son éviction irrégulière dans la procédure d’attribution de la délégation de service public de transport urbain ;

2°) de condamner la communauté d’agglomération de centre Martinique à lui verser la somme de 8 116 971,06 euros assortie des intérêts à la date du 6 mars 2008 ou, à défaut, à compter du 7 avril 2009, et de leur capitalisation à compter du 7 avril 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération de centre Martinique la somme de 10 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 mai 2012,

- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, président-assesseur ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ; -et les observations de Me Moutchou substituant Me Charrière-Bournazel pour la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS et de Me Valadou pour la communauté d’agglomération du centre Martinique ;

Considérant que la communauté d’agglomération de centre Martinique a lancé une procédure d’appel public à la concurrence pour l’attribution de la délégation de service public de transports urbains sur son territoire ; qu’à l’issue de cette procédure, la compagnie foyalaise de transports urbains (CFTU) a été désignée délégataire par délibération du 12 mai 2005 ; que, par jugement du 28 septembre 2006, devenu définitif, le tribunal administratif de Fort-de-France, à la demande de la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS, candidate évincée, a annulé cette délibération et enjoint à la communauté d’agglomération de centre Martinique d’obtenir la résolution du contrat ou, à défaut, de saisir le juge du contrat d’une demande à cette fin ; que la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS a alors demandé au tribunal administratif de Fort-de-France de l’indemniser des frais de présentation de son offre ainsi que du gain manqué ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a condamné la communauté d’agglomération de centre Martinique à lui verser la somme de 100 000 euros au titre des frais de présentation de son offre et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS fait appel de ce jugement ; que la communauté d’agglomération de centre Martinique forme un appel incident sur l’indemnisation accordée par les premiers juges ;

Considérant que lorsqu’une entreprise candidate à l’attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d’abord si l’entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l’affirmative, l’entreprise n’a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu’elle a engagés pour présenter son offre ; qu’il convient ensuite de rechercher si l’entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l’entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu’ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l’offre qui n’ont donc pas à faire l’objet, sauf stipulation contraire du contrat, d’une indemnisation spécifique ;

Considérant que, pour annuler la délibération du 12 mai 2005 de la communauté d’agglomération de centre Martinique portant attribution de la délégation de service public de transports urbains à la CFTU, le tribunal administratif de Fort-de-France a considéré, dans son jugement du 28 septembre 2006 devenu définitif, que l’avis d’appel public à la concurrence n’indiquait pas de façon suffisamment précise les caractéristiques essentielles du contrat en ce qui concerne le matériel roulant et que cette délibération n’avait pas été précédée de l’avis du comité technique paritaire de la collectivité et de celui de la commission consultative des services publics locaux ; qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS a été admise à présenter une offre et a ainsi eu connaissance du règlement de la consultation qui comportait toutes les indications nécessaires sur le matériel roulant et notamment les conditions de reprise de ce matériel auprès de l’exploitant précédent ; que, d’autre part, si, en application de l’article 33 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction alors en vigueur, le comité technique paritaire doit être consulté sur le projet de délégation, c’est avant l’adoption de la délibération approuvant le principe de la délégation et non préalablement à la délibération approuvant le choix du délégataire ; qu’il en est de même de la commission consultative des services publics locaux qui se prononce, conformément à l’article L.1411-4 du code général des collectivités territoriales, « sur le principe de toute délégation de service public » ; qu’il s’ensuit que ces irrégularités n’ont pas été de nature à vicier les conditions de mise en concurrence des candidats ; que, par suite, les fautes commises par la communauté d’agglomération de centre Martinique n’ont privé la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS d’aucune chance d’obtenir la délégation de service public des transports urbains ; qu’il suit de là que la communauté d’agglomération de centre Martinique, par la voie de l’appel incident, est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France s’est fondé sur le seul fait que cette société avait été admise par la commission d’examen des offres à présenter une offre et qu’elle n’était pas ainsi dépourvue de toute chance d’emporter le marché pour la condamner à l’indemniser des frais de présentation de son offre ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS en première instance et en appel ;

Considérant que si la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS fait valoir que la signature d’un avenant n°3 révèle le caractère imprécis du périmètre du contrat, il résulte de l’instruction que cet avenant a pour objet des prestations supplémentaires non prévues au contrat initial ; qu’il est, dès lors, sans incidence sur les conditions de mise en concurrence des candidats ; que, comme il vient d’être dit, il ne résulte pas de l’instruction que les irrégularités entachant la procédure d’attribution de la délégation de service public aient pu exercer une influence sur la désignation de la CFTU en qualité de délégataire ; que dès lors que la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS n’a pas été évincée irrégulièrement, elle ne peut prétendre qu’elle avait droit à être indemnisée de son manque à gagner ni même, à défaut, des frais de présentation de son offre ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la communauté d’agglomération de centre Martinique est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France l’a condamnée à verser la somme de 100 000 euros à la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS ; qu’en revanche, la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté le surplus de sa demande ;

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d’agglomération de centre Martinique, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’en application des même dispositions de l‘article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS la somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés par la communauté d’agglomération de centre Martinique non compris dans les dépens ;




DECIDE

Article 1er : Les articles 1 et 2 du jugement du 28 avril 2011 du tribunal administratif de Fort-de-France sont annulés.

Article 2 : La requête présentée par la COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS et sa demande devant le tribunal administratif de Fort-de-France sont rejetées.

Article 3 : La COMPAGNIE MARTINIQUAISE DE TRANSPORTS versera à la communauté d’agglomération de centre Martinique la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.