Motivation des actes administratifs en vertu de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979
Par Administrateur1 le jeudi 31 mai 2012, 18:12 - ACTES ADMINISTRATIFS - Lien permanent
Une convention accordant une subvention crée des droits au profit de son bénéficiaire. La circonstance que de tels droits soient subordonnés au respect des conditions mises à l’octroi de la subvention ne dispense pas le préfet de l’obligation de motiver la décision portant retrait du droit à subvention en application des dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979.
Arrêt 11BX000945 - 4ème chambre - 31 mai 2012 - M. Jean-Louis L==
Lire les conclusions du rapporteur public
Vu la requête, enregistrée sous télécopie le 16 avril 2011 et régularisée par courrier le 19 avril 2011 et le mémoire complémentaire, enregistré le 9 décembre 2011, présentés pour M. Jean-Louis L== demeurant ==, par Me Gendreau ;
M. L== demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0902370 du 3 mars 2011 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 septembre 2009 du préfet des Deux-Sèvres portant déchéance de l’aide financière prévue pour la reconstitution d’une peupleraie sur le territoire de la commune de Lusseray et remboursement de la somme perçue de 2 174,69 euros ;
2°) d’annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CE) N° 1257/1999 du Conseil européen du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements ;
Vu le règlement (CE) N°1750/1999 de la Commission du 23 juillet 1999 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;
Vu, la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n°99-1060 du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l’Etat pour des projets d’investissement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 3 mai 2012,
- le rapport de Mme Marie-Pierre Viard, président-assesseur ; - les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ; - et les observations de Me Gendreau, pour M. L== ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 mai 2012, présentée pour M. L== ;
Considérant que, par convention du 30 octobre 2002, M. L== a obtenu une subvention d’un montant maximum de 7 116,14 euros pour la reconstitution d’une peupleraie sur le territoire de la commune de Lusseray ; qu’il a perçu le versement d’un acompte de 2 174,69 euros le 6 octobre 2004 ; qu’à l’issue d’un contrôle en date du 11 avril 2007 démontrant que les travaux de plantation n’avaient pas été effectués dans les règles de l’art, le préfet des Deux-Sèvres a, par décision du 3 juillet 2007, prononcé la déchéance des droits aux aides et ordonné le remboursement de la somme perçue ; que le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision faute de respect de la procédure contradictoire ; que le préfet des Deux-Sèvres, après avoir mis en œuvre cette procédure, a repris la même décision le 23 septembre 2009 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de M. L== dirigée contre cette décision ; que M. L== relève appel de ce jugement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (…) » ;
Considérant que l’attribution d’une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire ; que toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu’elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d’octroi, qu’elles aient fait l’objet d’une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu’elles découlent implicitement mais nécessairement de l’objet même de la subvention ;
Considérant que la convention du 30 octobre 2002 par laquelle M. L== a obtenu une subvention d’un montant maximum de 7 116,14 euros pour la reconstitution d’une peupleraie est par nature une décision créatrice de droits ; que la circonstance que de tels droits soient subordonnés au respect des conditions mises à l’octroi de la subvention ne dispensait pas le préfet de l’obligation de motiver, en application des dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, la décision portant déchéance des droits à subvention et ordonnant le remboursement de la somme de 2174,69 euros que le requérant avait perçue au titre de la reconstitution de la peupleraie ;
Considérant que le simple visa par la décision du 23 septembre 2009 des règlements communautaires applicables, du plan de développement rural et de l’arrêté préfectoral régional en vertu duquel l’aide à l’investissement forestier a été accordée ainsi que de la convention du 30 novembre 2002, sans aucune précision des dispositions dont le préfet des Deux-Sèvres fait application, l’autorisant non seulement à ordonner le remboursement des sommes versées mais aussi à déchoir M. L== de ses droits à subvention, ne constitue pas en l’espèce un énoncé suffisant des considérations de droit susceptibles de fonder la décision attaquée ; que le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit, par suite, être accueilli ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, que M. L== est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;
Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’en application des dispositions de l‘article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en remboursement des frais exposés par M. L== non compris dans les dépens ; DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mars 2011 et la décision du préfet des Deux-Sèvres du 23 septembre 2009 sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera à M. L== la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.