Vu le recours, enregistré le 25 octobre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT qui demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0801695 en date du 1er juillet 2010, par lequel le tribunal administratif de Pau a ordonné la décharge des droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes réclamés à M. D== au titre de l’année 2006 et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rétablir M. D== dans les droits et pénalités dont la décharge a été prononcée par le jugement susvisé ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2011 :

- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;

- les observations de Mme Mehala de la DIRCOFI ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Mme Mehala ;

Considérant qu’au terme de la vérification de la comptabilité de M. D==, qui exerce une activité d’agent commercial, l’administration a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée une somme de 135 116 euros que la société Jodibois avait été condamnée à lui verser, et lui avait effectivement versée en 2006, à la suite de la rupture du contrat d’agent commercial qui la liait depuis 1994 à M. D== ; que l’assujettissement de cette somme, ramenée en hors taxe, a conduit le service des impôts à réclamer à M. D==, au titre de 2006, une taxe sur la valeur ajoutée d’un montant de 22 143 euros auquel se sont ajoutés des intérêts de retard d’un montant de 1 240 euros, soit un rappel total de 23 383 euros ; que, saisi par M. D== d’une demande tendant à la décharge de la totalité de ce rappel, le tribunal administratif de Pau a estimé que l’indemnité en cause n’était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et a intégralement fait droit aux conclusions de M. D== par un jugement du 1er juillet 2010 dont le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT fait appel ; que le ministre demande ainsi devant la cour le rétablissement de la taxe en litige, ou, à tout le moins, de la taxe afférente à la moitié de l’indemnité perçue ; qu’il fait valoir à cet effet que l’indemnité en litige rémunère, au moins à hauteur d’une année de commissions, l’obligation de non-concurrence prévue par les stipulations de l’article 9 du contrat rompu ;

Considérant qu’aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; qu’aux termes de l’article 266 du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « 1. La base d’imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens et les prestations de services, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de la livraison ou de la prestation (…) » ;

Considérant que, par un arrêt du 17 octobre 2005, la cour d’appel de Pau a constaté la rupture du contrat conclu entre M. D== et la société Jodibois, qu’elle a imputée à la faute de cette dernière société, a fixé cette rupture à la date du 30 septembre 2002 et a condamné la société à payer à M. D== la somme de 135 116 euros à valoir sur l’indemnité de rupture ; que l’attribution de cette indemnité et la détermination de son montant sont fondées, aux termes de cet arrêt, sur ce que M. D== « est en droit d’obtenir le paiement de l’indemnité de rupture prévue à l’article L. 134-12 du code de commerce et dont le seuil est habituellement fixé par les tribunaux à une somme équivalente à deux années de commissions » ; qu’à cet égard, la cour d’appel relève qu’en vertu « de l’article L. 134-16 du même code, toute clause d’un contrat limitant l’indemnité de rupture au détriment de l’agent, notamment en ce qu’elle conduirait à un résultat inférieur à celui qui serait obtenu par l’application des critères jurisprudentiels, est réputée non écrite » ; qu’elle précise qu’« en l’espèce, la fixation de l’indemnité à deux années de commissions est seule de nature à réparer le préjudice subi par M. Bruno D== au regard de son ancienneté et du développement de l’activité de la société Jodibois enregistrée durant les huit années d’exercice de son mandat » et ajoute « que la clause du contrat en limitant le montant à une année de commissions », c’est-à-dire la clause figurant au dernier alinéa de l’article 9 du contrat, « doit être écartée » ;

Considérant que le versement fait, en exécution de la décision judiciaire précitée, par la société Jodibois de l’indemnité en cause, qui ne résulte pas des modalités dont les parties étaient convenues pour assurer l’équilibre économique du contrat, ne constitue pas la contrepartie directe et la rémunération d'une prestation individualisable qu’aurait fournie M. D==, mais a pour objet de réparer le préjudice subi par ce dernier du fait de la rupture de son contrat d’agent commercial par la faute de la société Jodibois ; que cette indemnité compensatrice, qui a pour cause la rupture fautive du contrat, ne rémunère pas, fût-ce pour partie, l’obligation de non-concurrence à la charge de l’agent commercial pour une durée d’un an, que l’avant-dernier alinéa de l’article 9 de ce contrat prévoit, comme il est en droit de le faire, après sa cessation ; que la formulation, invoquée par le ministre, de la clause relative à cette obligation de non-concurrence suivant laquelle celle-ci pèse sur le mandataire « à la cessation du présent contrat et en raison du paiement de l’indemnité de rupture », qui n’implique pas que ce paiement est la cause de cette obligation mais seulement que celle-ci prend effet à compter de ce paiement, ne suffit pas à faire regarder ce dernier comme la contrepartie directe d’une prestation, même par abstention, du mandataire ; qu’il suit de là que le versement en litige n’est pas au nombre de ceux que les dispositions précitées du code général des impôts soumettent à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement qu’il attaque, non plus que le rétablissement de la taxe sur la valeur ajoutée dont M. D== a été déchargé par ledit jugement ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. D== de la somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT est rejeté.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 300 euros à M. Bruno D== au titre de l’article L. 761 1 du code de justice administrative.